Mémoire pour servir à la connaissance particulière de chaque habitant de l’Isle de Bourbon, divisés par les quartiers qu’ils habitent.


Texte rédigé en 1709 par Antoine Labbé dit Antoine Desforges-Boucher (1679-1725) alors garde-magasin de la Compagnie des Indes en l’Isle de Bourbon (aujourd’hui Île de la Réunion).

Source : Collection MARGRY, relative à l’histoire des Colonies et de la Marine françaises (fol. 20).
Transcrit dans son intégralité d’après une copie du XIXème siècle dans le respect de l’orthographe (à l’accentuation et ponctuation près pour une meilleure lisibilité).
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Page de garde du manuscrit original d’Antoine Boucher.

Sommaire


Les individus notés du sigle ☠ sont d’anciens pirates.
Les individus notés d’une épée 🗡️ sont d’anciens soldats.
Les individus notés d’une étoile ⭐ sont mes ancêtres directs.

Volontaires qui sont sur
l’Isle de Bourbon
Pierre Tiré
Jean le Roy
Jacques Siboalle
Pierre Heros
Rabin (Robert)
Jean Miclatchy
Net Bequer et Dicq
Obmissions
 
La Garenne
Alanneau

Quartier de St Denis


Augustin Panon

Est de l’âge de 45 à 46 ans il est de Toulon, en Provence, et est le 4e mary de Françoise Chatelain de Paris, qu’il a épousée à l’Isle de Bourbon (cette femme est à présent à la seconde vie de la Magdelaine après avoir longtemp esté à la première), il a passé à cette isle avec Mr de Vauboulon, qui en a esté le Gouverneur, et y a servy la Compagnie en qualité de charpentier et de menuisier qui sont ses professions ; il est homme fort entendu, il sçait quelque chose de la géométrie, et a construit une maison de bois avec un plancher au dessus fort bien entendu où il fait sa demeure ordinaire : cet endroit s’appelle La Mare, distant de deux lieues de la maison du Gouverneur, il est homme extrêmement laborieux, quoy qu’il ait une espace de terrain considérable, il ne laisse pas de le bien cultiver, et de retirer, à beaucoup près, plus qu’il ne lui est nécessaire pour la subsistance de sa famille, et fait un grand profit du surplus, le vendant aux autres habitans qu’il connait paresseux ; ce profit luy est plus que suffisant pour avoir le nécessaire de sa famille lorsqu’il vient des vaisseaux français, ou qu’il y a des marchandises dans les magazins ; il peut avoir à présent d’argent comptant 3000 Ecus au plus, il élève quantité de bestiaux au lieu même où il demeure, lesquels consistent à peu près, à présent à 100 bœufs, 130 cabrits, 100 cochons, 7 chevaux, 15 moutons. Il n’y a pas longtemps qu’il a commencé à élever cette dernière espèce, il a douze Noirs ou Négresses, avec lesquels il exerce une intégrité sans égalle, sans les maltraiter ny les favoriser ; il est incommodé, depuis quelques années d’une fâcheuse descente qui ne luy permet pas d’agir avec facilité ; il est d’une avarice crasse, ne se donnant pas à beaucoup près, ce qui luy serait nécessaire et en fait souffrir sa famille. Il n’a pas laissé même, que de faire tort à la Compagnie dans de certaines occasions, en faisant beaucoup d’eau de vie de sucre, qu’il donnait à bien meilleur compte, que l’eau de vie de France, ce qui a fait souvent que celle de la Compagnie restait dans les magasins sans débit. Cet homme n’a point l’honneur facile, il n’obéit aux ordres qu’à regret, et qu’après avoir murmuré assés haut pour se faire entendre, ce qui est assez dangereux à l’Isle de Bourbon, car il ne faut qu’un mutin, pour en susciter beaucoup d’autres ; il a même la réputation d’être celui qui désarma Mr de Vauboulon lorsqu’il fut saisy à l’Église, et qui le conduisit en prison se servant de sa propre épée pour l’obliger à marcher, d’ailleurs, il n’est ny ivrogne, ny joueur, il est bon chrétien fort assidu au service, il élève très bien ses enfans en leur donnant toute l’éducation qu’on peut espérer dans un pays aussy éloigné des sciences que l’est l’Isle de Bourbon. Il est sans doutte que cet homme icy prendra un grand soin des pieds de poivriers si on luy en délivre.


Arzul Guichart ⭐

Est âgé d’environ 32 à 33 ans, il est de Port Louis en Bretagne, matelot de sa profession, homme sans éducation, ne sçachant ny lire, ny écrire, fort yvrogne, point laborieux, prêt tout faire pour du vin, non par esprit malin, mais par pur pure simplicité ; il a épousé Catherine Heros Indienne de nation, de laquelle il a eu sept enfants, desquels il y a deux garçons, et cinq filles, l’aisné de ses garçons a environ 18 ans, et a de fort bonnes inclinations ; c’est un garçon qui à l’aide de sa mère, qui est fort laborieux (quoy que d’une conduitte fort déréglée et sans éducation), et de ses sœurs, fait subsister sa famille, il va à la chasse, cultive les terres autant que ses forces le luy permettent, pendant que ses sœurs prennent soin d’élever quelques bestiaux, à quoy elle s’attachent principalement, vu l’abondance des pâturages, qui est au lieu où ils résident, proche de la Rivière du Butord. Le nombre de ses bestiaux consiste à environ, 16 à 18 bœufs, 25 cabrits, 3 chevaux, 10 cochons et de la volaille. Il n’y a pas longtems qu’il réside au Butord, demeurant auparavant à Ste Suzanne, où il fait encor actuelement sa récolte. L’habitation qu’il a au dit lieu, n’est pas d’une vaste étendue, et il peut, quoy que sans Noirs, la cultiver ce qui ne peut suffire au plus, que pour sa subsistance ; ses enfants sont fort bien instruits dans la doctrine crétienne mails ils ne sçavent ny lire, ny écrire. Au surplus, cet homme est fort obéissant, soumis on ne peut pas plus aux ordres qui luy sont prescrits, et pour peu que l’on luy fit craindre le chatiment de son ivrognerie, il deviendrait un bon sujet, et se rendrait laborieux, car hors le vin, cet homme travaille, mais cela n’arrive pas souvent, car il est presque toujours ivre, ou quand il ne l’est pas, c’est qu’il ne le peut. Il a ne vigne au lieu mesme où il demeure qui fait des merveilles.


François Grondein ⭐

Est de Madagascar, fils d’un français et d’une Négresse, il est de couleur bazannée, de l’âge d’environ 38 à 39 ans, il a épousé Jeanne Arnould créole de l’Isle Bourbon, qui est aussi mullatresse (femme dont on prétend que la conduite n’a pas toujours été fort réglée mais quy est très sage à présent et fort bonne lingère), duquel mariage il a eu 8 enfants, sçavoir 5 garçons, et 3 filles, il a 2 Noirs et 3 Négresses, il fait sa résidence au Butord, il a beaucoup de probité, sage point ivrogne, son seul vice est le jeu qu’il aime passionnément, au surplus fort laborieux, prend grand soin de sa famille, il élève bien ses enfants, leur donne bonnes éducations, leur apprend à lire ; il a esté jugé capable de posséder la charge de fabrice de l’église de St Denis, qu’il exerce aujourd’huy, il vit fort à son aise, mais il a peu d’argent comptant, cela peut aller au plus à 200 ou 300 Ecus, il cultive autant bien ses terres, que ses forces le luy permettent, il en a plus qu’il n’en peut cultiver, mais l’on ne peut douter, que sitost qu’il aura des Noirs, qu’il la cultivera dans son entier, il élève ses bestiaux au lieu même de sa résidence lesquels consistent à peu près à 80 bœufs, 30 cabrits, 20 moutons, 10 cochons, 4 chevaux, il fait partie de sa récolte à Ste Suzanne, et l’autre au Butord. L’on ne peut manquer en délivrant des pieds de poivriers à cet homme car il ne manquera assurément pas de soin.


Le Sr Guy Dumesnil

Est Flamand de nation, il est âgé de 38 à 39 ans, il est resté à l’Isle de Bourbon en 1704 au mois d’avril, d’un fourban commandé par Jean Boüen anglais, qui, depuis, est mort à ladite isle et dont la compagnie a éritté, il épousa Marie Anne Wildman créolle, mais blanche (quy est d’une grande imbécillité mais très sage), et acheta l’habitation de Gondron habitant du Butord, qui passa avec toute sa famille, sur le vaisseau Le Marchand des Indes, commandé par le Sr Boüynot en la même année, 1704 pour aller à Pondichéry, il a eu de son mariage deux enfans, un garçon, et une fille, Monsieur Le Chevalier Hébert a esté parain du garçon, il a 5 Noirs, et 2 Négresses, l’on ne sçait positivement quelle est l’origine de cet homme, mais il parait estre né quelque chose, il a de fort bonnes manières, et a fait ses exercices dans les Cadets à Tournay, où il dit avoir esté, il est fort laborieux et travaille sans cesse, mais assés inutilement, et l’envie d’en trop faire, fait qu’il ne fait rien, car il entreprend toujours beaucoup au delà de ses forces, et au bout de l’année, il se trouve qu’il a beaucoup travaillé, et qu’il a peu ou rien recueilly, cependant, il s’attache comme beaucoup d’autres à élever des bestiaux, le nombre de ceux, qu’il peut avoir à présent, est de 25 bœufs, 20 cochons, 20 cabrits, 30 moutons, 4 chevaux, il n’est pas fort opulent en argent, et s’il a 200 Ecus, c’est tout au plus, il est d’une humeur paisible, bon voisin, charitable au dernier point, et d’une grande libéralité, lorsque ses moyens le luy permettent. Monsieur de Villers l’a fait capitaine du quartier de Ste Suzanne, il s’acquitte de cet employ, avec beaucoup d’exactitude, et est vigilant autant que l’on le peut souhaitter à faire observer les ordres du Gouverneur, et surtout lorsqu’il s’agit des interêts de la Compagnie pour lesquels il est fort porté, il vit en bon chrétien, et est l’exemple de sa maison, sa résidence ordinaire est au Butord, il fait partie de sa récolte à Ste Suzanne, il a plus de terres que ses forces ne luy permettent d’en pouvoir cultiver, mais il est certain qu’il le fera d’abord qu’il se trouvera dans le moyen d’avoir des Noirs.


Gilbert Vildman ⭐

Est un homme d’environ 52 ans, venu à l’Isle de Bourbon par un fourban, il y a plus de 20 ans : il y épousa Jeanne Royer créole de l’isle, blanche et s’y établit, il a 6 enfants : savoir 4 garçons et 2 filles, il n’a point de Noirs, ayant en assez peu de ménagement jusqu’à présent, pour ne se pas conserver de quoy en avoir, quoy qu’il en ait eu souvent l’occasion, il est ivrogne au dernier point, il a esté homme de capacité, ayant navigué en qualité de marchand sur les vaisseaux hollandais ; mais son ivrognerie l’a réduit à tel point, qu’il ne s’attache à rien ; c’est l’aisné de ses garçons, qui a 17 à 18 ans, qui conduit la maison, ce garçon a de fort bonnes inclinations, mais mal instruit aussy bien que ses autres enfants, sa femme est fort docile et fort sage, et ne se met pas fort en peine de la manière, dont vit son mary, et cela plustot par un esprit d’imbécillité, que par un consentement volontaire de sorte que cette maison ne subsiste que mal, il est gueux au dernier point, à peine a t il de quoy se mettre une chemise sur le corps, il n’a que fort peu de terre déffrichée à la montagne encor c’est par le soin de son fils, ou par le secours de ses voisins, il en possède pourtant une grande espace ; mais il n’est pas en état de la déffricher, et aparament ne le sera jamais car il parait peu disposé à y apporter ses soins, il fait sa résidence à Butord, où il élève quelques bestiaux, le nombre desquels est de25 bœufs, 25 cochons et 7 chevaux, il n’a seulement pas assez d’émulation pour trouver le moyen d’acquérir quelques moutons.


Jacques Mailliau ⭐

Est normand âgé de 60 ans, il fut à l’Ile de Madagascar, en qualité de soldat, sur l’escadre de Monsieur de Montevergue, et ensuite de la déroute de Madagascar, il fut aux Indes, et de là à l’Ile de Bourbon. Il y épousa une Indienne, de laquelle il eut 3 enfants, 2 garçons et une fille, qui sont trois vauriens, chacun dans leur sexe, cette première femme estant morte, il en épousa une seconde, qui se nomme Marie Magdelaine Dailliau, qui est celle qu’il a présent, c’est une créole fort bazannée âgée d’environ 20 ans, qui mène une vie tout à fait déréglée et même publique, à quoy il se soucie fort peu de mettre ordre, estant un homme tout à fait adonné à une perpétuelle ivrognerie, cela l’a réduit à tel point, que la pluspart du temps, il ne peut remuer ny bras ny jambes, mais sa gloutonnerie va si loin, que quand il ne peut pas boire, il s’en fait donner par quelqu’autre et c’est ce qu’il a de commun avec bien d’autres de cette isle, de sa dernière femme, il a eu trois enfans, deux garçons et une fille qu’il eslève plustôt en bête qu’en chrétien ne leur donnant, ou ne leur faisant donner aucune éducation mais comment le ferait il ? puisque luy même, à l’âge de 60 ans qu’il a il ne sçait pas l’ombre de sa doctrine, de sorte que cette maison est un désordre, car cela entraine à des suites fâcheuses, et sans s’expliquer, il y a déjà eu des indiens, qui paraissaient fort criminel, sans y comprendre que cet homme a la mauvaise réputation de voler, ou faire voler les bestiaux de ses voisins, ce que l’on pourait même assurer estre vray, il a deux Noirs et deux Négresses, lesquels par les beaux principes de leur maitre, ont acquis l’un la charge de bourreau pour se sauver de la corde, après avoir eu le tendon d’Achilles coupé, et l’autre le fouet et la fleur de lys, pour maronnage et vol de bestiaux aux habitans, sa résidence est à Butord, où il élève quelques bestiaux qui consistent en 12 bœufs, 25 cochons, 3 chevaux. Il est facile de connaitre jusqu’où va la débauche, ou l’imbécillité de cet homme, puisqu’il a mieux aimé jusqu’icy boire jusqu’au dernier sol, que de se donner quelques moutons, sachant certainement, qu’il a souvent esté dans le pouvoir de le faire, et au delà, ses mauvais Noirs ont soin de luy cultiver une petite espace de terre, pour e faire subsister, ce qui ne suffit pas, et ce qui les oblige à avoir recours au ben d’autruy, il a une bonne pièce de terre à la montage, mais qu’il laisse en friche, et qui, sans doute, y sera toujours si l’on n’y met ordre.


Jacques Hüet ⭐

Est un homme âgé de 50 ans, natif de Roüen, en Normandie, il est resté à l’Isle de Bourbon, d’un vaisseau fourban, qui y toucha, il y a environ 15 ans, il y épousa Hierosme Mailliot créole fort bazannée, de laquelle il a eu 4 enfants, 2 garçons et 2 filles ; cet homme est laborieux, et fort attaché à ses intérêts, mais d’ailleurs très ivrogne, et encor plus grand joueur, car il ne manque jamais de perdre au jeu tout le fruit de son travail. Il n’ignore pas de la mauvaise conduite de sa femme, cependant, il élève assez bien ses enfants, et quoy qu’il ne sçache ny lire, ny écrire, il ne laisse pas de leur apprendre du mieux qu’il peut la doctrine chrétienne, il a trois Noirs sur lesquels il exerce une rigueur sans égale, ce qui fait qu’il n’en peut conserver aucun, il les fait mourir de faim, et les fait travailler la nuit, comme le jour, et s’il les envoye à la chasse, et que le malheur veuille qu’ils n’apportent rien, il les maltraite cruelement, et les renvoye, cela leur donne occasion d’aller voler les bestiaux aux autres habitants ou de s’enfuir dans les bois, il y en a même à présent qu’il y a plus de cinq ans, qu’ils sont fugitifs, il a le don de se faire haïr de tout le monde par ses friponneries, l’on ne peut être plus désobéissant qu’il l’est aux ordres ce qui luy attire souvent la disgrace des Gouverneurs, il a l’esprit fort mauvais brouillant les uns et les autres, et semant la zizanie partout, il fait sa résidence au Butord, où il s’attache peu à élever des bestiaux, se servant du prétexte de dire que l’on les y volerait, et qu’il ne veut point élever pour les autres ; mais il est à croire que c’est par un motif tout différent, ceux qu’il a, consistent en 4 bœufs, 20 cochons, et 4 chevaux, il n’a pas plus de terre qu’il n’en peut cultiver, et qu’il cultive véritablement, mais cela va tout au plus à son nécessaire, il peut avoir en argent comptant, 3 à 400 Ecus au plus, il fait aussy quelque fois de l’eau de vie de sucre, ce qui ne laisse pas de faire tort à la Compagnie.


Jacques Boyer ⭐

Est de La Rochelle, âgé de 28 à 29 ans, il a resté à l’Isle de Bourbon, en 1706 : au mois de décembre d’un vaisseau fourban, qui toucha à cette isle, il y épousa Jeanne Vildman créolle blanche, qui jusqu’icy n’a donné aucun sujet de médisance, mais d’une innocence, qui approche de la bestise, ce qu’il n’est pas capable de réformer, attendu qu’il est luy même de la dernière ignorance, il ne sçait ny lire ny écrire, et n’a point d’autre profession que celle de matelot, ivrogne au dernier point, peu attaché la religion romaine, qu’il n’y a pas longtemps qu’il professe, ayant fait son abjuration à l’isle même, par un précédent voyage qu’il y fit, en 1701 lors de son établissement il acheta un morceau de terre de fort peu d’étendue de Pierre Boisson situé au Butord, où il fait sa résidence ; cet homme est sans éducation, dissolu dans les paroles, et dans ses manières, et il aurait même besoin d’être catéchisé, pour apprendre la religion orthodoxe, car il y en a beaucoup, comme luy qui ne sçavent pas leur Pater, il a eu de son mariage, un seul enfant qui est un garçon, et il est à croire que cela sera mal élevé, il a 4 Noirs et une Négresse, qui sont plus que suffisans pour cultiver sa terre, mais il n’en prend pas grand soins, car il a peu d’inclination au travail et a plustôt songé à planter sa terre de canne ç sucre pour en faire du frangorin affin d’avoir lieu de s’yvrer que de l’ensemencer de choses essentielles, et nécessaires à la vie, il élève quelques bestiaux lesquels consistent en 20 bœufs, 40 cochons, 4 chevaux, il n’a point d’argent comptant, ayant dissipé par ses continuelles débauches le fruit de sa fourbannerie, d’ailleurs il n’est point mutin, et obéit ponctuellement à ce qui luy est ordonné cela le fait croire qu’il se pourait rendre sage, et plus assidu à la connaissance de la religion et à son travail, si ceux qui ont l’administration du gouvernement spirituel et temporel y aportaient un peu leurs soins.


Jean Arnould

Est un créol de l’isle fort bazanné, âgé de 37 à 38 ans, il a pour femme, une créole nommée Marguerite Caron, qui est aussy mulatresse, ils n’ont point eu d’enfant depuis plusieurs années qu’ils sont mariés, et l’on peut croire que ce n’est pas la faute de sa femme, car elle n’a pas la réputation d’estre une vestale. Cet homme a eu d’assés bonne éducation, il sçait lire, et écrire, et fort bien les misteres de sa religion, mais il met fort mal toutes ces choses en pratique, car il aime beaucoup la débauche, et est naturellement ivrogne, il est fort fort paresseux, car pour éviter de faire un établissement fixe, il a toujours changé de quartiers en quartier, et il n’y a que deux ou trois ans, qu’il s’est attaché à faire quelques plantages, où il réussit assez bien, il fait sa résidence à Butort, où son peu d’économie ne luy a pas fourny jusqu’icy, les moyens d’avoir quelques bestiaux aimant mieux jouer son argent même avec des Noirs, que de se le ménager pour son nécessaire, il fait sa récolte à Ste Suzanne, où il a beaucoup plus de terre qu’il n’en peut cultiver, le nombre de ses bestiaux consiste à un seul bœuf portant, avec lequel il transporte de Ste Suzanne à sa maison le fruit de ce qu’il a recueilly, ainsy que tous les autres habitans, qui ont des terres à Ste Suzanne le pratiquent, d’ailleurs, il est fort obéissant et soumis aux ordres, point fripon, mais grand menteur, et ne sçait aucune profession.


Le Sr Joseph de Guigné

Est de Saumur, il est de l’âge de 41 à 42 ans pour connaitre à fond quelles sont les facultés, et la capacité de cet homme, il faut le prendre de plus loin que de son établissement à l’Isle de Bourbon ; il est de nécessité de croire qu’il est né quelque chose au dessus du commun par les belles qualités qu’il possède, et les éducations qu’il a eu, il a étudié; et a poussé ses études jusqu’au dernier point, où elles pouvaient estre dans un âge consommé, quoy qu’il les quittât de fort bonne heure pour prendre le service, il y entra dans le corps de la cavalerie où il parvint à estre officier de simple cavalier qu’il estait à la paix, il quitta le service, et passa à l’Amérique où il fut chargé de la garde de plusieurs magasins, de quoy ceux qu’il employaient furent se contents, qu’ils le firent marchand sur un vaisseau, dont ils donnèrent le commandement à un nommé Forget homme de peu de capacité, de sorte qu’il se trouva obligé de prendre la conduite de la route, et vinrent à Madagascar dans le dessein de traitter avec les fourbans, mais ils y furent pris, et cet homme se trouva obligé même par la force à faire un voyage avec ces messieurs, pour y exercer le pilotage, et principalement la chirurgie, qu’il possède à fond, ce vaisseau après son voyage fait, toucha à l’Isle de Bourbon, en 1704 et c’est de là qu’il y resta, il y a épousé Françoise Carré créole blanche, laquelle à l’exemple de son mary, est d’une conduite exemplaire, il a eu de son pariage deux garçons, auxquels il y a apparence qu’il donnera une belle éducation ; Mr le Gouverneur le fit enseigne du quartier et ensemble nous le fimes greffier, il s’acquitte avec exactitude et attachement de ces deux emplois il a deux Noirs, qui ne suffisent pas pour deffricher, et cultiver les terres qu’il possède, quoy qu’il n’en ait pas une fort grande étendue, il peut avoir en argent 3 à 5 cents Ecus, le nombre de ses bestiaux est encor fort petit, mail il est sûr qu’il donnera ses soins, pour le faire multiplier ; pour cet effet il a demandé un emplacement au Butord (St Denis) où il fait sa résidence à présent, il a un bœuf, 4 chevaux, 50 cochons et 6 moutons ; enfin cet homme est capable de faire tout ce qu’on demandera de luy c’est à dire à l’Isle de Bourbon il pourait en estre le chirurgien major, et comme il fait sa résidence à St Denis, l serait entre les deux quartiers St Paul et Ste Suzanne, et en tout cas, pour les affaires les plus pressées l’on pourait avoir un second, qui résiderait toujours à St Paul, hors que l’on n’estimât mieux faire deux chirurgiens majors. Le dit Guigné pour les quartiers de Ste Suzanne et St Denis et l’autre pour St Paul. Je croy cela mieux, car il est absolument nécessaire d’avoir deux chirurgiens dans l’isle, le nombre des habitans commençant à estre bien grand, puisqu’il y a à présent mille âmes au moins. L’on peut sans crainte délivrer des pieds de poivriers à cet homme, il en aura surement soin.


Jacques Pitou ⭐

Est un créole de l’isle, fort bazanné, âgé d’environ 32 à 33 ans, il a pour épouse une créole de sa couleur qui donne de fort mauvaises marques de sa conduite, elle a cependant, d’assés bonnes éducations, elle sçait lire et écrire, et bien sa religion qu’elle met fort mal en pratique. Quant à luy, c’est un fainéant insigne, autant beste qu’une personne humaine puisse l’estre, ivrogne au suprême degré, avec cela, fort soumis, et bien obéissant, il a fait la philibuste, et dit avoir eu permission de Mr Delacour qui estait cy devant Gouverneur, de s’embarquer dans la chaloupe qui fut construite à l’isle, où il est revenu en 1706 au mois de décembre, il n’a point d’enfant, il fait sa résidence à Butord, dans un lieu très avantageux, pour élever des bestiaux, à quoy il s’attache, parce que cela se fait sans peine, ceux qu’il possède, sont au nombre de 50 bœufs, 130 cabrits, 40 cochons, 45 moutons et 4 chevaux. Lors de son retour de philibuste, il acheta l’habitation de Manuel de Matte, qui passa avec toute sa famille, sur la quaiche Le St Louis commandée, par le Sieur Boüynot, en 1707 au mois d’avril, pour aller à Pondichéry, il n’a pas plus de terrain qu’il en pourait deffricher et ensemencer, avec 3 bons Noirs qu’il possède s’ils étaient employés à propos, mais il ne les fait agir qu’avec indolence, il fait la plus forte partie de sa récolte à Ste Suzanne, qui ne laisse pas d’être considérable, malgré le peu de soin qu’il y prend car la terre qu’il y possède, est des meilleures, cet homme n’est d’aucune vacation ny métier, que celuy de matelot qu’il a appris dans la philibuste.


Louis Rousseau

Est un homme de 41 à 42 ans, Xaintongeois bon forgeron, mais c’est la seule bonne qualité qu’il aye, il a esté amené à l’Isle de Bourbon, par le Sieur Boüynot sur la frégate Le St Loüis, en 1707 au mois de novembre, venant de Pondichéry, il y épousa Marie Martin créole blanche veuve de Jacques Richard avec laquelle il vit en une très grande mésintelligence. Cette femme a assés bien conservé sa réputation pendant le temps de son premier mariage, et pendant son veuvage, mais la critique veut qu’elle ne soit pas si sage à présent ; cet homme est extrêmement laborieux, c’est à dire en ce qui conserne sa forge, car pour tous les autres travaux, qui se pratiquent dans l’isle, pour la subsistance, il n’y entend rien. C’est pourquoy il ne vit que de ce qu’il gagne à sa forge, il est d’une humeur bourrue, et taquin comme une mulle, il n’a point d’éducation ny de sçavoir vivre, et ne travaille que pour qui il luy plait, à moins qu’il n’y soit forcé par l’autorité des supérieurs, il a deux Noirs, avec lesquels il pourait faire valoir son habitation, s’ils estaient bien employés, mais il ne les occupe qu’à sa forge, le terrain qu’il possède est fort petit, et ses Noirs suffiraient pour le travailler ; il fait sa résidence au Butord, où il n’élève seulement pas des bestiaux ; quoy que le lieu, où il demeure soit assés favorable pour le faire, ceux qu’il possède, ne consistent qu’en 6 ou 7 bœufs, et un cheval et fait fort peu de récolte, il vit cependant en bon chrétien, et est fort assidu au service divin, il peut avoir d’argent comptant 3 ou 400 Ecus au plus.


Noel Tessier

Est un homme de 76 ans, natif de Vannes en Bretagne. Il est venu à l’Isle de Bourbon, après la déroute de Madagascar, il y épousa Anne Mousse Négresse créole dont la mère fut jadis esclave de la Compagnie ; cette femme fait beaucoup parler d’elle, mais avec cela, très bonne ménagère ; c’est elle qui fait valoir sa maison, elle vit fort à son aise, car pour luy, il est hors d’état de rien faire, c’est un bon homme qui ne peut remuer de vieillesse, et qui ne bouge de chez luy, il est cependant, fort honnête homme, il a deux grands garçons, et 4 filles, un Noir et deux Négresses, cette femme, avec ce nombre d’enfants et d’esclaves, fait fort bien valoir son habitation, elle fait sa résidence au Butord, et ses plantages à Ste Marie distant de deux lieues de la maison du Gouverneur, où elle a une espace de terrain considérable beaucoup plus qu’elle ne peut cultiver, ses enfants sont mal élevés par le mauvais exemple qu’elle leur donne, ils n’ont aucune éducation, et ne sçavent pas même leurs prières, elle a aussy soin d’élever des bestiaux qui consistent en 35 bœufs, 50 cochons, 130 cabrits, elle a peu d’argent comptant.


Pierre Martin

Est un Bourdelais de 76 ans qui passa à Madagascar sur l’escade de Monsieur de la Haye et se réfugia à l’Isle de Bourbon, après la déroute de Madagascar et le massacre que l’on y fit des français, il a pour épouse une parisienne, qui est une vraye paresseuse, quant à luy, il est fort laborieux, vigoureux, autant qu’il est possible de l’estre dans un âge aussy avancé que le sien, il est tous les jours à 4 heures du matin à cheval, mais c’est un vieux mutin, ennemy du genre humain, désobéissant jusqu’à l’excès, il est un de ceux qui saisirent Monsieur de Vauboulon, et qui le conduisirent en prison, son mutinage s’est communiqué jusqu’à son fils Laurant Martin, qui est le plus grand vaurien qu’il y ait dans l’isle addonné à toutes sortes de débauches, faisant le bel esprit, et mauvais querelleur, et surtout, lorsqu’il est ivre, ce qui luy arrive souvent ; ce Pierre Martin vit d’une mésintelligence extraordinaire avec sa femme et ses enfants, et l’on ne peut dire à qui en est la faute, car ils y participent tous, il a 4 enfants, 3 garçons et une fille, je viens de dire le caractère du premier, quant aux autres ce sont des imbécilles, qui ne sont capables ny de bien ny de mal faire, ils sont cependant assés bien instruits dans leur religion, et cultivent assez bien leurs terres ; mais il en ont beaucoup plus, qu’ils n’en peuvent cultiver, avec 4 Noirs, et 3 Négresses qu’ils possèdent ; ils sont mauvais voisins, ils ne peuvent rien soufrir d’autruy, et l’on ne voit qu’eux aux plaintes, ils font leur résidence au Butord, où ils élèvent des bestiaux, le lieux qu’ils y occupent est un des meilleurs pour cela, ils ont 40 bœufs, 8 chaux et 20 cabrits, ils peuvent avoir environ 3 à 400 Ecus d’argent comptant au plus, dont ils ne se soucient pas beaucoup de faire dans amas, car ils achètent beaucoup au magazin de la Compagnie, lorsqu’ils y trouvent des choses qui leur conviennent, d’ailleurs fort assidus au service divin, surtout la femme qui entend tous les jours la messe, et à la langue près, qu’elle a fort mauvaise, elle serait honnête femme.


Pierre Mailliot ⭐

Est un créol blanc de l’âge de 29 a 30 ans, il a pour épouse Marguerite Brun aussy créole blanche, femme, qui malgré la mauvaise opinion qu’elle a donné de sa conduite, ne laisse pas de bien élever ses enfans, ils sont six, sçavoir 4 garçons et 2 filles quant a luy Pierre Mailliot, c’est un fainéant, s’il en fut jamais, et qui n’est jamais plus content, que lorsqu’il trouve quelqu’un de ses confrères, qui luy donne a boire, sa paresse va jusqu’à ne pas prendre la peine de se faire du frangorin, quoy qu’il aye l’inclination portée a l’ivrognerie et n’en a pas moins pour le jeu, car lorsqu’il ne trouve pas de gens qui veuillent jouer avec luy, il joue avec les Noirs, il s’est souvent attiré de fâcheuses réprimandes des Gouverneurs a ce sujet, séduisant les Noirs mêmes de la Compagnie, pour satisfaire à sa passion déréglée de jouer, d’ailleurs obéissant, mais beste au suprême degré, sans aucune éducation, que celle de sçavoir assés mal lire, à peine sçait-il écarier une pièce de bois, et faire une caze, qui est chose que tout ce qu’il y a de créols dans l’isle sçavent faire ; il a un Noir, qui a ce que je crois luy est venu de Dieu graces, car il n’est pas capable d’avoir eu assés de ménagement, pour se l’estre acquis par son travail. Ce Noir aydé de sa femme, et de ses enfants cultive un peu de terre, pour les ayder a subsister, ce qu’ils ne font qu’a peine, quoy qu’il aye a beaucoup près plus de terrain, qu’il ne faut pour cela, mais qu’il laisse en friche. La vérité est qu’avec le peu de force qu’il a, il ne pourait pas tout cultiver, mais il en cultiverait assés, pour vivre fort aisément, s’il y aportait ses soins, et qu’il se détachât de son extrême ivrognerie. Il fait sa résidence à Butord, où il élève sans beaucoup de peine quelques bestiaux ; le nombre de ceux qu’il a est de 16 bœufs, 15 cochons, 40 cabrits et 3 chevaux, il n’a pas le sol d’argent comptant, et selon les aparences, il ne se donnera jamais grand soin pour en acquérir.


Pierre Pradau

Est un homme de 35 ans, Bourdelais, resté à l’Isle de Bourbon en 1704 au mois d’avril d’un fourban, il y épousa Hyacinthe Carré créole blanche, qui n’a pas une conduite réglée, il a eu de son mariage une fille, cette femme est de la dernière imbécillité et luy quoy que sans éducation, ne sçachant pas même lire, ne laisse pas d’avoir beaucoup d’intelligence et est véritablement homme d’honneur, car il ne sçait pas comme beaucoup d’autres le commerce de sa femme, et qui veulent bien en ignorer, car assurément il y mettrait ordre, il a esté autresfois fort enclin à la débauche, et devenait joueur lorsqu’il n’avait plus la connaissance de l’estre, aussy, il s’est si parfaitement surmonté la dessus, qu’il ne boit plus absolument que de l’eau, et par conséquent ne joue plus, cela fait qu’il a conservé quelqu’argent comptant, il peut avoir 4 à 500 Ecus. Il est fort ménagé, très laborieux, et a l’appuy de deux Noirs qu’il a, il vit fort agréablement, cultivant soigneusement le peu de terre qu’il possède, il y a peu de temps qu’il s’est venu établir au Butord où il fait à présent sa résidence demeurant auparavant à la Rivière des Pluyes, ce qui fait qu’il n’a pas encore beaucoup de bestiaux, mais il est sur qu’il apportera ses soins, pour en élever, le nombre de ceux qu’il a à présent, n’est que d’un bœuf portant, 50 cochons, et 3 chevaux, il est très bon chrétien, fort assidu au service divin, et bien obéissant aux ordres, sa seule profession, est d’être bon matelot ; quelques uns ont voulu dire qu’il estait autrefois bon joueur de violon, mais qu’il avait juré de n’en jouer jamais, à l’occasion de deux hommes qui durent tués dans un divertissement où il exerçait cette profession. Je n’assurerais pas que cela soit positif ; mais si cela est, c’est une marque que cet homme a un fort empire sur luy même, et ce qui pourait faire croire que cela serait vray c’est que je suis témoin du détachement qu’il a fait du vin et du jeu, puisqu’il y avait, quant je suis party de l’isle, plus de 4 ans qu’il ne buvait que de l’eau, et qu’il n’avait joué ; tout cela fait conjecturer que ce sera un fort bon sujet pour l’isle.


Pierre Boisson

Est un homme de 30 à 31 ans de La Tremblade, resté à l’Isle de Bourbon, en 1701 d’un fourban, il y épousa Marie Royer créole bazannée, venue de Maître Pierre Forgeron elle s’appelle encor vulgairement la forgeronne elle a toujours esté et est encor à présent d’une conduite si déréglée, qu’elle est connue de tout le monde ; sans beaucoup s’en embarasser, son mary qui le sçavait avant de l’épouser ne se met pas beaucoup en peine d’y mettre ordre, et n’est mauvais là dessus que lorsqu’il est père, ce qui luy arrive très souvent, c’est un homme sans éducation aucune, il n’a que de grosses manières, point de sçavoir vivre, doux comme un agneau quand il est de sens froid, mais furieux comme un lyon lorsqu’il est ivre, peu attaché à la religion romaine qu’il y a fort peu de temps qu’il professe, sans en connaître les mystères, n’en ayant point esté instruit, et ne s’embarrasse pas beaucoup de l’estre, il a fait son abjuration dans l’isle, avec ces belles qualités, il a encor celle d’estre joueur, mais assés heureux, cela fait qu’il vit assés à son aise, il est mutin autant qu’il se peut, d’ailleurs fort laborieux, car il est aussy actif au travail qu’il l’est dans les mauvaises passions, il a cela de commn avec sa femme, qui est aussy un satyre pour le travail ; il a trois Noirs, avec lesquels il cultive une espace considérable de terrain, et fait de fort bonnes récoltes, mail il ne peut cultiver dans son entier tout celuy qu’il possède, et l’on ne peut dire que ce soit faute d’intention, mais bien par le manque de forces, il fait sa résidence au Butord, où il élève des bestiaux, il a 40 bœufs, 10 cochons, 300 cabrits et un cheval, il peut avoir 2 à 300 Ecus d’argent comptant, sa profession est d’estre bon maçon et n’est pas moins bon matelot.


Patricq Dromer ⭐

Est un Irlandais âgé de 40 ans, resté à l’Isle Bourbon en décembre, 1706 d’un vaisseau fourban, il estait protestant, mais il fit abjuration, lorsqu’il voulut s’établir et y passer le reste de ses jours ; pour cela il acheta l’habitation et les Noirs de Mathurin Garnier, qui passa sur la quaiche Le St Louis en 1707 au mois d’avril pour aller à Pondichéry. Cet homme a toutes les mauvaises qualités qui peuvent estre renfermée dans un vilain corps tout difforme, il est joueur et ivrogne jusqu’à l’excès, point d’éducation ne sçachant ny lire ny écrire, il vit plustôt en bête qu’en homme sans sçavoir l’ombre du christianisme, pas même ses prières, mauvais ménager, incapable du soin d’une maison, et laisse vivre six Noirs et 4 Négresses qu’il a dans un perpétuel libertinage sans aucune attention à leur réformer les mœurs, car il faudrait pour cela qu’il commençât par se réformer luy même ; ces six Noirs et 4 Négresses luy cultivent de leur propre mouvement une grande espace de terrain, tant à Ste Suzanne, qu’au Chaudron où il fait sa résidence à une lieue du Gouverneur, et ne laisse pas de faire une forte récolte qui le fait vivre commodément, l’endroit où il est situé, est des plus propres à élever des bestiaux, et il a esté fort heureux d’en avoir trouvé considérablement de tout élevés, lorsqu’il a acheté l’habitation, car il n’est pas capable de se donner ce soin. Le nombre de ceux qu’il a est grand, cela va à 110 bœufs, 700 cabrits, 60 cochons et 6 chevaux, je ne luy crois pas d’argent comptant, il fait de l’eau de vie de sucre qui est fort mauvaise, n’ayant pas le génie de la faire bonne comme les autres, de laquelle il ne fait aucun profit, car il ne l’employe qu’à s’enyvrer, à débaucher, et détourner les autres habitans ses voisins de leur travail, le terrain cultivable qu’il possède est considérablement plus grand qu’il n’est en état de cultiver quand même il emploierait tous ses Noirs avec soin, d’ailleurs il est obéissant, et soumis bon jusqu’à la bêtise, car il se laisse manger son bien par qui veut, depuis son établissement, il a épousé Anne Guichart créole bazanée, jeune personne, qui n’a pas encor fait parler d’elle, mais il est fort à craindre qu’avec l’inclination naturelle que la pluspart des femmes de l’isle ont au mal, et le peu d’ordre que cet homme est capable de donner chez luy, qu’elle sera bientôt tombée dans un précipice presqu’inévitable, au moins à l’Isle Bourbon sur le pied qu’elle est aujourd’huy.


Victor Riverain ⭐

Est un homme de 50 ans, venu à l’Isle de Bourbon par un fourban, il y a plus de 20 ans, il y épousa Marguerite Dailliau créole à peu près blanche, il y a eu de son mariage trois filles, c’est le plus beau couple qui se puisse voir que cet homme et cette femme, ils sont tous deux ivrognes, mais leur ivrognerie a deux effets bien différents, c’est que luy, lorsqu’il est ivre, il joue et perd son argent, et ses meubles, il est jureur et menteur au delà de l’imagination et pousse même les juremens jusqu’au blasphème, il a fait des choses énormes, et dont les moindres sont d’avoir cherché le diable pour faire pacte avec luy, et de s’estre voulu immoler luy même, et elle, elle cherche à satisfaire son insatiable lubricité qu’elle rend publique, et surtout la manière dont elle a vécu depuis quelques années, en dont des témoignages si authentiques qu’ils ont esté l’horreur des gens même les plus libertins, et malgré l’humeur emportée de son mary, elle a trouvé le secret de le rendre plus souple qu’un gant, et plus doux qu’un agneau ; on doit juger qu’elle doit estre l’éducation des enfants qui sont élevés par de tels père et mère, cet homme est celuy quy avait pris le marché du tabac mais l’excès de sa fainéantise a fait, que la réussite n’en a pas esté aussy avantageuse à la Compagnie qu’elle aurait dû l’estre, Mr de Charanville a esté même obligé de rompre ce concordat avec luy, pour le remettre entre les mains d’un plus soigneux.
Il n’est pas possible de s’imaginer sans un grand effet de la simpathie, comment on peut chercher à satisfaire sa passion avec un hideux monstre de nature, comme cette femme, car assurément hors la figure humaine qu’elle n’a que très imparfaite, le reste est plustôt d’une beste féroce et maligne que d’un esprit humain, au milieu de toutes ses mauvaises qualités, elle ne laisse pas que d’avoir de l’inclination au travail, c’est elle, qui avec le secours de 3 Noirs et 2 Négresses prend le soin de cultiver son habitation à Ste Suzanne, où elle fait sa récole, et où ils demeuraient il y a quelques années, ils y ont beaucoup plus de terres qu’ils n’en peuvent cultiver, il ont d’argent comptant environ 3 à 400 Ecus qu’elle garde à l’insu de son mary ; ils font à présent leur résidence proche la Rivière St Denis dans un lieu apellé La Plateforme, cet endroit est fort spacieux, et propre à élever quantité de bestiaux, aussy en ont-ils beaucoup. Le nombre est de 25 bœufs, 50 moutons et 3 chevaux. Cet homme ne laisse pourtant pas d’estre obéissant et de faire ce qui luy est ordonné assés ponctuelement, il a eu de bonnes éducations, et il est à croire qu’il est né quelque chose, car il sçait le latin, et a esté bon graveur, sçait fort bien le blazon, mais l’ivrognerie l’a si fort abruty qu’il n’est pas capable à présent de mettre la moindre de routes ces choses en pratique.


Marie Mahon ⭐

Est une négresse de Madagascar, de l’âge de 60 ans, veuve de François Vallée, elle vit tranquillement chez son fils Jean Arnould, sans se mêler de rien, à l’appuy d’un Noir qu’elle a, et qui travaille à faire valoir la terre dudit Arnould, elle ne possède aucuns biens ny terres les ayant fait séparer à la mort de son mary, entre ledit Arnould, et Jeanne Arnould ses héritiers, ce qui fait la plus grosse partie de celles qu’ils possèdent.


Quartier de Ste Suzanne


Denis Turpin

Est un homme de La Rochelle âgé de 60 ans, il vint à l’Isle Bourbon par un fourban, il y a plus de 20 ans, pour faire son panégyrique en un mot, c’est un fol par la teste, mais ce sont de ces folies mal tournées, car cet homme a le cœur mauvais, l’âme basse, séditieux capable de tout entreprendre ce qui se peut faire de plus mauvais, jureur d’habitude, dissolu dans ses manières, ivrogne, loueur de profession, incorrigible sur tous ses vices, mutin et désobéissant autant qu’il se peut, jusque la qu’il s’est rendu fugitif dans les bois pour se soustraire à l’obéissance se disant gentilhomme, et parent de Messieurs Gabarez ce qu’il est très facile de connaitre de fausseté, par le peu d’éducation, et de sçavoir vivre qu’il a, il a perdu dix fois plus gros d’or au jeu qu’il n’est, et est à présent réduit à la dernière mendicité, mais ne s’en embarrassant point, au contraire il persiste à dire, quand on luy veut faire quelque remontrance, qu’il ferait la même chose, s’il en avait encor les moyens, il a la mauvaise réputation d’avoir assassiné un homme en Canada, et l’on dit que lorsque Monseigneur de Sisé passa à l’Isle de Bourbon et qu’il l’eut reconnu, il luy dit publiquement, qu’il estait surpris, comment il n’avait point esté pendu, après l’avoir tant de fois mérité, il est l’ennemy du genre humain, à l’entendre parler, il n’y a pas un honnête homme dans l’isle et croit estre le seul, la vérité du fait, est qu’il est l’unique dans son espèce, mais bien différent de ce qu’il se persuade, car outre tous les deffauts que nous venons de remarquer en luy, il a encor celuy d’estre séditieux, glorieux et franc menteur, il a pour épouse Françoise Le Beau, créole extrêmement bazannée, cette femme est si beste qu’elle n’a que l’usage de la parole, et je croy que la crainte qu’elle a d’user son innocente langue, fait qu’elle parle si peu que l’on la prendrait plustôt pour une buche que pour une femme, mais avec cela d’une très grande sagesse elle est l’exemple de vertu de toutes les femmes du quartier de Ste Suzanne, ses enfants sont élevés avec la même indolence, et sont plustost comme la pluspart de ceux du quartier, de petites bestes maronnes que des enfants baptisez et chrétiens, car ils n’ont aucune teinture de leur religion, ny de leur doctrine, il possède un terrain considérable, qu’il cultive fort mal, mais la terre est si abondante dans cet endroit, et produit avec tant de facilité, tout ce que l’on y sème, qu’il trouve le moyen avec un Noir, et une Négresse qu’il possède encor et que l’on l’a obligé même par la force de garder, sans quoy il es aurait joués comme le reste, de vivre assés à son aise, c’est à dire de ce qu’il recueille, car pour de la viande il n’en mange presque point, ne pouvant aller ny envoyer à la chasse, et ne prenant pas le soin d’élever des bestiaux, quoy qu’il le puisse faire avec beaucoup de facilité, et surtout des cochons, car les citrouilles y viennent sans les semer, ceux qu’il possède ne consistent qu’en un bœuf, 15 cochons, 4 cabrits qu’il devait bientôt tuer.


François Duhamel

Est un homme de 55 ans, Normand, mais il n’est pas de ceux de qui ce nom doit faire mal augurer, car il est très honnête homme, paisible tout ce qui se peut, bien craignant Dieu, ne se meslant absolument de rien, que du soin de sa famille, et de la culture de ses terres, il mène une vie plus réglée que les plus austères religieux sans se vouloir mesler dans aucun autre détail, que ce qui concerne directement son ménage, et s’il est coupable en quelque chose, ce n’est que de n’avoir pas un empire assés absolu sur trois enfans grands garçons, dont il y a même deux de mariez, qu’il a trouvés, en épousant Geneviève Milla Indienne, et desquels il est le beau père ; Ces trois garçons sont les plus grands vauriens qu’il se puisse voir et a beaucoup à soufrir d’eux ; mais l’on ne peut pas dire, que s’il ne les corrige pas que ce soit par tolérance pour leurs vices, mais bien par une trop grande douceur, qui ne luy permet pas de les gourmander, comme ils le devraient estre, joint à ce que sa femme est d’une humeur aigre, peu facile, comme le sont presque toutes les indiennes, et qui authorise ses enfants, et de concert le font enrager, ce qu’il a la constance de supporter patiemment, et sans murmurer, il est d’un très bon cœur, recevant bien chez luy tous ceux quy y vont. C’est la descente ordinaire des Gouverneurs et Officiers qui vont à Ste Suzanne, et du prêtre qui va les samedis ou les veilles des festes pour y dire la messe, il les nourrit de son mieux, sans en retirer aucun salaire ; il ne laisse pas pour cela de bien vivre, et est fort bon ménager, il peut avoir d’argent comptant, 2 à 400 Ecus ; je ne lui connais pas de profession, il est un de ces anciens de Madagascar, où il a servy de soldat, il est fort soigneux élève des bestiaux, ceux qu’il a, sont 35 boeufs, 25 cochons et 4 chevaux, et à l’apuy d’un Noir, il cultive une espace considérable de terrain, dont il a beaucoup près, plus qu’il n’en peut travailler, l’on peut juger que cet homme estant d’une si grande douceur, qu’il ne peut estre, que très obéissant et soumis aux ordres.


Gilles Duguain ⭐

Est un Malouin âgé de 50 ans, il est resté à l’Isle Bourbon d’un vaisseau Le St Jean, sur lequel il estait matelot et lequel vaisseau se perdit après avoir mis à terre Mr de Vauboulon ; cet homme est maçon de son métier, mais le plus fieffé de tous les ivrognes, il est même devenu impotant à force de boire, il n’a aucune éducation, point de sçavoir vivre, mais il est bon homme sans malice, bon chrétien, et fort obéissant, il a pour épouse Cécile Caze qui est une créole presque noire, elle est absolument mairesse, et prend grand soin de le faire paraitre par la vie débordée qu’elle mène, cette femme, dont la mère fut autrefois esclave de la Compagnie, est publique, connue de tout le monde pour telle, et comme elle est d’une très grande corpulence, l’on la nomme vulgairement La Grande Cavalle, et effectivement ce nom luy convient très bien car c’est une selle à tous chevaux, et son mary est le seul homme qu’elle n’aime point, il est assés informé de sa mauvaise vie, mail il est obligé de la souffrir, n’estant pas le plus fort, ces gens sont gueux comme Job, n’ayant pas seulement de quoy se couvrir, et c’est assurément par le seul effet du libertinage, car ils ont une très grande espace de terrain, et tout cultivable à Ste Marie distant de deux lieues de St Denis, qui est le lieu même où ils résident, dont ils pouraient à l’ayde de six enfants, 2 garçons et 4 filles tous grands, en cultiver une assés grande partie pour les faire aisément subsister. Ses enfants sont tous libertins sans aucune éducation du tout, et à l’exemple de la mère, il y a une fille qui a fait un enfant, laquelle n’a pas laissé par la suite, que de se marier ; ils ont, cependant de bestiaux, 6 bœufs, 15 cochons et 10 moutons.


Georges Damour ⭐

Est un de ces anciens habitans de Madagascar, il est de l’âge de 70 ans, Parisien, je ne lui connais aucune profession, il n’a pas même d’éducation, ne sçachant ny lire, ny écrire, mais il est très honnête homme, bien craignant Dieu, bon voisin, obéissant et point médisant, qui est une grande vertu, car c’est le commun vice à l’Isle Bourbon, cet homme est assés laborieux, et vit assés à son aise, il a considérablement plus de terrain, qu’il n’en peut cultiver, et assurément du bon, car il est situé proche l’Étang de Ste Suzanne qui est un parfaitement bon endroit, et surtout à élever des bestiaux, à quoy il s’attache peu, s’occupant tout entier à la culture de ses terres, à quoy il employe 5 enfants qu’il a : 3 garçons et 2 filles, ses enfants sont très mal élevés, ils n’ont, cependant pas de mauvaises inclinations mais ils sont extrêmement bêtes, et ne sçachant pas l’ombre de leur doctrine, l’une de ses filles s’est laissé surprendre par un nommé Jean Boyer, qui luy fit un enfant sous promesse de mariage, que l’on l’obligea d’effectuer. Ce Georges Damour a pour épouse Marie Toutte, c’est une négresse de Madagascar que l’on dit s’être laissé faire un enfant par un noir, et effectivement le dernier, dont elle accoucha, estait noir nègre. Ces gens n’ont pas le sol d’argent comptant, et de bestiaux ils ont un bœuf portant, 25 cochons et 5 chevaux.


Jean Boyer ⭐

Est un créol mullatre âgé de 25 ans, il a pour épouse Louise Damour, qu’il a esté obligé par justice d’épouser pour luy avoir fait un enfant sous promesse de mariage, il est le plus mutin, et le plus désobéissant de tout ce qu’il y a dans l’isle, il s’est souvent rendu marron, et fugitif, pour se soustraire à l’obéissance, il est ivrogne, joueur, jureur, paresseux et menteur, à son âge, il ne sait pas son Pater, vivant comme un chien dans un perpétuel abisme de débauches et faisant gloire de ses vices, se mettant fort peu en peine de se faire instruire dans sa religion, et d’apprendre la doctrine chrétienne, son épouse est une autre beste, qui n’est pas mieux instruite, ils font un fort mauvais ménage et n’ont rien en propre, vivant chez François Duhamel beau père dudit Boyer, qui a la charité de les retirer chez lui ; l’on peut juger quelle sera l’éducation des enfants qui proviendront d’un tel assemblage, si l’on n’en prend soin par u bon ordre étably dans l’isle, tant pour ceux là, que pour bien d’autres, qui assurément tomberaient dans le même cas ; il n’a aucun métier, ny profession, et selon toute aparence, il n’en aura jamais, c’est un franc vaurien incapable de s’attacher à aucune chose qu’à la débauche.


Jean Brun ⭐

Est un de ces anciens de Madagascar, Bourguignon, il est veuf et de l’âge de 55 ans, honnête homme, très laborieux, bon chrétien point ivrogne, et obéissant, mais sans éducation, ne sçachant pas même lire, et sans sçavoir aucun métier, il cultive avec beaucoup de soin une partie de son habitation, située à Ste Marie, où il fait sa demeure, distante de 2 lieues de St Denis, laquelle est infiniment plus grande qu’il n’a de besoin, et qu’il ne peut entretenir, estant seul, et sans Noir ; il n’a pour tous bestiaux, que 40 cochons, et point ou peu d’argent comptant.


Jean Jouson

Est un Hollandais âgé de 33 ans, resté à l’Isle de Bourbon en 1706 au mois de décembre d’un fourban ; c’est un homme qui n’a jamais eu le moindre principe d’aucune religion, il faisait pourtant profession de la luthérienne, ou pour mieux dire il aura esté élevé dans cette religion, sans en connaitre les misteres, à plus forte raison sçaurait il ceux de la religion romaine, dans laquelle il est à présent, ayant fait abjuration de toutes autres à l’isle même, entre les mains du Sieur St Germain, il n’a point d’autre métier, que celuy de matelot, qu’il a exercé toute sa vie, point d’éducation ny de sçavoir vivre, ne sçachant ny lire, ny écrire, d’ailleurs point de bon sens, ivrogne et très paresseux, mauvais ménager, peu capable de la conduite d’un ménage, jureur et difforme de sa figure, il a pour épouse Marie du Gain créole presque noire, laquelle a eu un enfant avant de l’épouse, dont il estait fort bien instruit ; cette femme est de la dernière bêtise, et n’est pas mieux instruite que luy des mistères de nostre foy, il fait sa résidence à Ste Marie, deux lieues de distance de St Denis où il a une espace de terrain assés considérable, bon et propre à la culture de toutes choses, il pourait, en faisant valoir partie de ce terrain, vivre très commodément, s’il employait à propos 2 Noirs et une Négresse, qu’il possède, mais le peu de soin qu’il y apporte, fait qu’il ne vit que misérablement, il n’a pas le sol d’argent comptant, et est dans l’indigence de toutes les autres choses nécessaires au ménage ayant tout dissipé par ivrognerie ce qu’il pouvait avoir amassé par philibuste, il élève cependant, quelques bestiaux, lesquels consistent en : 2 bœufs, 15 moutons et 5 chevaux, la bestise de cet homme ne luy permet pas d’estre désobéissant, aussy est il très soumis aux ordres qui luy sont donnés, excepté quant il est ivre car il devient le plus brutal de tous les hommes, et ne connait personne.


Jean Perrot ⭐

Est un de ces anciens de Madagascar, il est de Brest âgé de 65 ans, cet homme est très laborieux, quoy qu’il ait la vue basse, il n’a point d’éducation, il ne sçait ny lire, ny écrire, mais bon chrétien vivant sagement, et point addonné à l’ivrognerie, comme la plupart des habitans, sa femme est une créole fort bazannée nommée Anne Brun, de laquelle on ne parle que légèrement, mais elle est d’une grande bêtise, et très mal instruite des mistères de sa religion, il est à craindre que les 2 enfants, un garçon et une fille encor fort jeunes, qui son provenus de ce mariage, ne reçoivent pas toute l’éducation qu’ils devraient avoir, sa résidence est à Ste Marie, entre Ste Suzanne et St Denis, il y possède une espace considérable de bon terrain, qu’il ne peut pas tout cultiver, estant sans Noirs ; mais il en entretient suffisamment pour son nécessaire, et vit assés commodément, il a de bestiaux 2 bœufs, et 50 cochons, je luy crois for peu d’argent comptant, il est très docile, et obéit ponctuellement, aussy n’exige t’on pas grande chose de luy, ayant égard à son incommodité.


Jean Pierre

Est du Braban, âgé de 56 ans, il a demeuré à l’Isle de Bourbon d’un fourban, il y a plus de 20 ans. Il est Romain des sa naissance, et quoy qu’il ne soit que matelot de profession, il n’a pas laissé d’avoir de bonnes éducations, il sçait même quelque chose du pilotage, mais le malheur veut, qu’il a participé à la maladie contagieuse de cette isle, c’est à dire qu’il est ivrogne, mais bon chrétien, et fort sage, hors le vin mais fort hargneux, et querelleur lorsqu’il a bû, d’ailleurs assés bon travaillant, et vit fort à son aise et sans avoir d’argent comptant, il a toutes les choses nécessaires pour son ménage, il a pour épouse Marthe Mahon, Négresse de Madagascar, for bonne femme, et bien craignant Dieu, et dont la conduite est sans reproche, il n’a point d’enfant, et il élève par charité un petit batard, qu’une fille de l’isle apellée Suzanne Sparoix avait fait, laquelle ne le voulant plus voir, lorsqu’elle fut mariée à Pierre Bachelier, qui est à présent à Pondichéry, il est situé, et demeure à Ste Marie, où il possède beaucoup plus de terre qu’il n’en peut cultiver, avec 2 Noirs, mais il en occupe selon ses forces, et suffisamment pour vivre à son aise, le lieu où il est est très propre à élever des bestiaux, estant fort proche de la rivière, ceux qu’il a sont : 4 bœufs, 50 cochons, 30 cabrits, 6 moutons et un cheval.


Jean Julien

Est de Lyon, âgé de 70 ans, veuf, il est de ces anciens de Madagascar, point de profession, et sans éducation, mais avec cela, très honnête homme, fort dévot, très laborieux, et quoy qu’il n’ait qu’un Noir, il vit fort à son aise par l’abondance que luy produit le bon terrain qu’il possède, dont il a plus, a beaucoup près qu’il n’en peut cultiver, il n’a point d’enfant, et c’est une chose, à quoy il est bon de faire attention, car il peut avoir d’argent comptant 4 à 500 Ecus, et est des mieux nipés de Ste Suzanne, le lieu, où il demeure dans ce quartier s’appelle Belair, il y élève quelques bestiaux, lesquels consitent à 35 cochons et 1 cheval. C’est chez cet homme que Monsieur de la Motte missionnaire devait demeurer, lorsqu’il est resté à l’isle, et c’est à la vérité, un des endroits de tout ce quartier, où il pût estre le mieux.


Joseph Dangau ⭐

Est Indien de nation, élevé à l’Isle Bourbon dès son enfance, il est âgé de 30 ans, il n’a point de profession, et quoy qu’il n’ai point de Noirs, et qu’il ait six enfants tous petits, il ne laisse pas de vivre fort à son aise, estant très laborieux, et la terre qu’il possède parfaitement bonne, il en a, à beaucoup près, plus qu’il n’en peut cultiver, il est très sage, fort obéissant, et bien assidu au service divin, je ne luy croy pas d’argent comptant ; le lieu où il demeure situé à la Rivière St Jean, est très propre à élever des bestiaux, aussy a t il 30 bœufs, 20 cochons et 2 chevaux. Il a pour épouse Marie Robert, créole fort bazannée, mais femme d’une austère vertu, et quoy que sans beaucoup d’éducation, ne laisse pas d’instruire ses enfants de son mieux ; cet homme est fort peu spirituel, et n’a pas de sçavoir vivre, il vroy tout ce qu’on luy dit et suit aveuglement les conseils que l’on luy donne, ce qui l’a fait quelque fois tomber dans de grands deffauts, mais plustôt par simplicité que par malice.


Jacques Picquart

Est un Poitevin âgé de 50 ans, il resta à l’Isle Bourbon d’un vaisseau fourban, il y a environ 15 ans. Cet homme a toujours esté un grand paresseux, ivrogne et adonné à toutes sortes de vices, il est même à présent à Pondichéry, pour avoir esté convaincu d’avoir violé, une petite fille agée de 9 à 10 ans, nommée Hélène le Beau, fille de Samson le Beau, il n’a aucune éducation et ne sçait point d’autre profession que celle de matelot ; il a pour épouse Louise Colin, créole mullatresse femme qui mène une vie aussy déréglée que son mary, elle a même fait un enfant pendant qu’il estait arrêté prisonnier, et l’on dit que ce fut elle, qui découvrit à un de ses amans, où s’estait réfugié son mary, après s’estre sauvé des cachots, ce qui fit qu’il fut repris, et ce que l’on n’avait pu faire, après bien des recherches. Ils ont trois enfants, qui sont aussy mal élevés qu’il est possible de se l’imaginer, ils sont dans la dernière indigence, pour les choses nécessaires au ménage, d’ailleurs, il vivent assez bien de ce qu’ils recueillent, sur un excellent terrain qu’ils possèdent proche la Rivière St Jean, dont ils ont beaucoup plus qu’ils n’en peuvent cultiver n’ayant qu’un seul Noir, et n’ont pour tous bestiaux qu’un bœuf portant et 15 cochons, quoy que cet endroit soit des meilleurs pour en élever quantité s’ils s’en donnaient la peine.


Julien Dailliau ⭐

Est du Mans, âgé de 60 ans, veuf, il est de ces anciens de Madagascar, très bon arquebusier de sa profession, bon chrétien, extrêmement laborieux c’est luy qui avait élevé un gerofflier, jusqu’à la hauteur d’un pied et demy, qu’un hollandais arracha en partant de l’isle, il est aussy celuy, qui tout des premiers, a eu des oranges de la Chine, et de ces espèces de pois en forme de pistaches, qui furent laissés à l’isle, par Monsieur Hébert, cet homme n’est ny joueur, ny ivrogne, et n’a pas de vices apparens, mais ceux qui le connaissent à fond, découvrent en luy une grande dissimulation, et même quelque chose de double renfermée sous un visage, et des manières d’une grande douceur, et l’on prétend, sans croire se méprendre, qu’il a trempé, en quelque chose à l’affaire de Mr Vauboulon, il a eu d’assés bonnes éducations et élève très bien ses enfants, auxquels il a insinué une forte inclination pour le travail, comme aussy beaucoup de dévotion ; ils sont 4 garçons avec lesquels, et un Noir, il cultive une espace considérable de terrain, mais non pas, à beaucoup près, tout celuy qu’il possède ; et y fait de très bonnes récoltes, s’attachant directement à cela, sans se mettre beaucoup en peine d’eslever des bestiaux, parce qu’ils luy sont volés par de mauvais voisins, aussy n’a t il que : 2 bœufs, 6 cochons et 5 chevaux. Cet homme est un grand ménager, et ne néglige rien, où il voit apparence de faire quelque profit, il a aussy l’avantage d’estre le mieux nipé de tout le quartier de Ste Suzanne et a d’argent comptant de 4 à 500 Ecus, il est obéissant, mais non pas de ces obéissances aveugles qui donnent teste baissée dans tout ce qui leur est ordonné, car il sçait se servir à propos du droit de représentation. Le lieu où il réside, s’appelle la Rivière de St Jean, tout le terrain des environs de cette rivière, est le plus excellent du monde il n’y a qu’à planter tout ce que l’on veut, l’on est bien seure de le cueillir abondamment. Celuy cy est un de ceux à quy l’on doit s’attacher à remettre des pieds de poivriers.


Jacques de Lattre

Est un Ostendais, âgé de 46 ans, qui après plus de 30 de philibuste, a dissipé par le jeu, et par l’ivrognerie, vingt fois plus gros d’or qu’il n’est ; s’est enfin retiré à l’Isle Bourbon, en 1706 au mois de décembre, où il est à présent plus gueux que Job, il estait pourtant resté à terre avec 2200 Ecus dont il n’a pas fait meilleur usage que de tout l’argent, qu’il avait eu jusque là en sa disposition, il est ivrogne, jureur, joueur et paresseux tout ce que quatre autres pouraient estre, possédant chacun un seul de ces vices, et c’est vrayment, une perte considérable, car autant il a de mauvaises qualités, autant en aurait-il de bonnes, s’il les voulait aussy bien mettre en pratique, il a la plus belle mémoire du monde, il possède 6 à 7 sortes de langues à fond, il les sçait lire, écrire et traduire même jusqu’à la langue de Madagascar, il parle pertinament de tous les pays, où il a esté, et c’est presque partout le monde, l’on pourait assurément, en s’en donnant la peine former des journaux de tous ses voyages, car il a la mémoire si féconde, qu’il ait vu ou su quelque chose, depuis 35 ans, il s’en souvient comme si c’était sur le champ, et en raporte toutes les circonstances, c’est luy qui a servy d’interprète pour toutes les abjurations, que plusieurs anglais ont faites, et qui se sont établis à l’isle, dont il s’acquitta, avec toute l’éloquence possible, et à beaucoup près mieux qu’il ne luy était dit par le prêtre, entre les mains duquel l’abjuration estait faite, c’est de quoy je puis rendre un fidèle témoingnage, m’estant trouvé à toutes, et sçachant assés bien l’anglais, pour m’y estre bien connu ; mais il est fâcheux de voir que toutes ces belles qualités ne luy seront jamais d’aucun usage car ses mauvaises prévaudront toujours sur les bonnes. Il a pour épouse Geneviève Damour, créole fort bazannée beste au suprême degré, ne sçachant seulement pas l’ombre de sa religion, mais qui malgré sa bêtise, ne laisse pas de profiter du peu d’attention que son mary a sur sa conduite, il a eu de ce mariage un garçon qui est encor fort petit, il a 3 Noirs et 2 Négresses, qui lui font une récolte à peu près suffisante pour la subsistance, don il se contente, sans s’embarrasser de faire quelque chose de plus, ce qu’il pourait pourtant facilement avec ce nombre de Noirs, s’il y aportait ses soins, par la fertilité de son terrain, situé aux environs de la Rivière St Jean, dont il a une espace beaucoup plus considérable qu’il n’est en pouvoir de cultiver, le nombre de ses bestiaux, est d’un bœuf portant, 50 cochons et 4 chevaux, cet homme est obéissant et craintif, mais point de dévotion, et laisse carrière entière à ses Noirs, ce qui fait qu’ils sont de francs fripons, et connus pour tels de tout ce quartier, et dont les habitans se plaignent bien fort, il en a déjà eu un de pendu, et d’autres qui ont essuyé des chatimens de justice, au surplus il n’a point de profession autre que celle de matelot ayant toute sa vie fait la philibuste.


Jean Robert

Est un créol mulattre de l’isle, âgé de 28 ans débauché au dernier point, et aussy paresseux, point la moindre éducation, il ne sçait point du tout sa croyance et n’a point de profession ny mestier, et vit plustost en beste qu’en homme, l’on pourrait même dire qu’il a quelque chose de pire, car la beste par son instinct a le soin de chercher à vivre, et celuy cy meurt de faim pour ne se vouloir pas donner ce mouvement, il a pour femme Marie Damour, digne épouse d’un tel mary et qui ne vit que du fruit de son libertinage ; ils ont cependant 3 enfants, qui sont les plus à plaindre, car ces pauvres innocents meurent de faim, et vont tout nuds, et cela très positivement par la faute, et par la négligence de leurs mauvais père et mère, car au lieu où ils sont situés, qui est à la Rivière du Mas, est des meilleurs de toute l’isle pour élever des bestiaux car il y a dans cet endroit une infinité de lataniers et de palmiers, il faut même deffricher ces arbres pour faire des plantages, que ce terrain est des meilleurs, car c’est une règle générale que les palmistes ne viennent que dans les meilleurs terres et la preuve en est visible, car il n’y a personne qui doute que le terrain de Ste Suzanne ne soit le meilleur de l’isle, et tout ce quartier est remply, mais je dis abondament, de ces arbres palmistes, c’est même avec leurs feuilles, qu’ils couvrent leurs cazes, et il ne faut pas moins abattre, que 7 à 800 palmistes pour couvrir une caze, lorsqu’elle est un peu grande. Il y a, dans cet endroit une espace des plus considérables de terrain, qu’il laisse en friche, et qui selon toute apparence y sera longtemps, si l’on n’y met ordre, il a pour tous bestiaux, 2 bœufs, 12 cochons et 3 chevaux ; il est obéissant, mais ce sont de ces obéissances bestes à qui un conducteur fait prendre le chemin qui luy plait, sans rien faire par soy même.


Jacques Naze

Est un Xaintongeois, âgé de 36 ans, resté à l’Isle Bourbon en 1701 d’un fourban il dit estre armurier de profession, mais il n’a jamais fait voir que cela fut vray, quoy qye l’on l’ait souvent excité à mettre son métier en pratique pour se fournir de quoy subsister, vivant le plus misérablement du monde mais c’est encor une de ces bestes insensibles à l’éguillon, que rien ne peut faire agir pour son propre profit que par une force majeure, il n’a aucune éducation, point de sçavoir vivre, peu de religion quant à l’obéissance, il va comme il est poussé d’ailleurs bon garçon, point querelleur, mais ivrogne et paresseux, comme la pluspart de ce quartier ; il a pour épouse Elisabeth Damour, créole mulatresse, qui est une franche pécore, et point d’autre sçavoir faire que celuy de la grande pratique de cette isle, en cela elle y excelle, et s’est acquise là dessus une grande réputation, au surplus ignorant tout ce qui se peut, dans la connaissance de sa religion, et élève 4 enfants avec la même éducation, il a une espace considérable de terre, beaucoup plus qu’il n’est en pouvoir de cultiver, située proche l’Étang, où il devrait faire des récoltes charmantes, celle qu’il y fait, n’est pas mauvaise par le soin d’un bon Noir, et de sa femme, qui malgré son libertinage ne laisse pas que de travailler. L’endroit est encor fait propre à élever des bestiaux, étant voisin de celuy dont je viens de parler cy devant, mais sa négligence fait qu’il n’a que 25 cochons et 3 chevaux.


Monique Vincendo ⭐

Est une créole, à peu près blanche, veuve âgée de 28 ans, cette femme porte le nom de veuve, par la seule apparence qu’il y a qu’elle le soit, car l’on ne le peut assurer ; son mary nommé François Garnier s’est perdu dans le bois, sans que l’on n’en ait jamais eu, ny pu avoir de nouvelles, malgré les perquisitions et les recherches que l’on y a fait faire, par 30 ou 40 hommes, pendant plus d’un mois et demy, et retenu prisonniers, pendant 2 mois entiers, cette femme et un certain vaurien d’Etienne Robert créol, avec lequel on sçavait qu’elle avait commerce, desquels ne pouvant nier arracher que par la question, dont on n’avait pas le pouvoir, on les relacha, quoy qu’il y eut suffisament de preuves, pour les mettre à la question : cette femme a voulu maintes fois, depuis la perte de son mary, se remarier, ce que l’on n’a jamais voulu luy permettre, et surtout moy, qui m’y suis opposé, lorsque les prêtres l’on voulu faire, leur représentant que l’on estait certain de luy avoir vu un mary, et qu’elle estait véritablement mariée mais que personne ne l’estait qu’elle fut veuve, et que pour se remarier une seconde fois, il fallait qu’elle produisit des preuves de la mort de son mary, sans quoy l’on ne devait, ny l’on ne pouvait la remarier, et que son mary pouvait encor estre dans les bois, caché pour ne pas vivre avec sa femme, pour quelques déplaisirs qu’il pouvait avoir reçu d’elle, ou bien qu’il pouvait s’estre enfuy dans quelque vaisseau, qui aurait passé à la veue de l’isle, la situation de sa résidence à la Rivière des Roches, luy en pouvant donner l’occasion sans que pour cela, le vaisseau fut veu d’aucune personne de l’isle, que ce vaisseau pouvait avoir envoyé sa chaloupe à terre aux cascades pour y faire de l’eau, et cet homme pouvait l’estre allé joindre, et que je ne voyais rien que de possible à tout cela, et au surplus, pour meilleure et plus solide raison, qu’il n’estait pas de la politique, ny d’une pratique bien sensée, de permettre à aucune femme de l’isle, dont le mary se trouverait perdu, de se remarier que ce serait donner la main à de perpétuels assassinats puisqu’il n’y avait point de lieu au monde, plus propre commode pour cela, que l’est l’Isle de Bourbon : au reste, elle s’est fort peu souciée de l’opposition que l’on a faite à son mariage, car elle n’en fait pas moins d’enfans pour cela, elle en a 3 de légitimes : 2 garçons et une fille, et une petite batarde, et grosse d’un autre, lorsque nous sommes partis, elle les élève, cependant, assez bien, et leur apprend leurs prières, autant bien qu’il luy est possible, elle a la bonne qualité d’estre fort laborieuse, et avec un seul Noir, elle cultive considérablement du terrain dont elle a de beaucoup plus qu’il ne luy faut, et elle élève bon nombre de bestaiux, elle a 25 boeufs, 40 cochons et 6 chevaux, je ne luy croy pas d’argent comptant.


Marie Caze ⭐

Est une négresse de Madagascar, qui a autrefois esté esclave de la Compagnie, elle est veuve de Michel Frémont, âgée de 55 ans, elle vit d’une grande sagesse, fort dévote et assidue au service divin, cette femme est fort à son aise, et à l’aide d’un seul Noir qu’elle a, elle cultive plus de terre que bien d’autres ne font avec un plus grand nombre, celle qu’elle possède est à Ste Marie, où elle demeure, l’espace qu’elle y a est considérable, elle n’est pas en pouvoir de la cultiver toute, elle élève des bestiaux, don la quantité est de 3 bœufs, 25 cochons, 40 cabrits et 1 cheval, je luy croy, tout au plus 150 Ecus d’argent comptant.


Michel Mailliot

Est un créol à peu près blanc, âgé de 28 ans, insigne paresseux, ivrogne, joueur, jureur, menteur, querelleur et encore pire, pas la moindre éducation, ne sçachant pas même ses pières, il a esté à Pondichéry, où il luy fut offert par Monsieur Martin d’estre canonnier à 7 Ecus par mois, mais cela ne l’accommoda pas, et il aima mieux revenir à l’Isle Bourbon y pratiquer une molle fainéantise, pendant qu’il estait encor garçon, les gouverneurs ont été obligés de le chasser, et banir de la maison de son père, Jacques Mailliot, et de sa belle mère, même du quartier pour des raisons que la pudeur, ny la bienséance ne permettent pas de dire, sans luy faire en même temps son procès, il est cependant très bon charpentier, s’il voulait, il gagnerait à l’Isle de Bourbon à ce seul métier, 30s tous les jours, et serait nourry. Ce fut à son retour de Pondichéry qu’il épousa Louise Tessier créole presque noire, qui est une franche beste, et qui n’a pas la moindre éducation, cela ne sçait seulement pas faire un point d’éguiller, d’ailleurs, qui n’a point encor donné à redire à sa conduite, ou bien elle a sauvé les apparences, mais elle n’a pas assés de génie pour cela, cet homme avait eu en succession de feu sa mère un très bon morceau de terre à la montagne, qu’il troque pour une cavalle ; malgré la représentation que je luy fis cent fois du tort qu’il se faisait, et à ses enfans, mail il le voulut absolument et cette cavale luy crève au bout de 4 jours de sorte qu’il ne possède à présent qu’un fort petit morceau de terre à Ste Marie, qui fut accordé à sa femme, par son père Noel Tessier, lorsqu’elle l’épousa et qu’il laisse en friche, il a pour tous bestiaux : 5 ou 6 cochons, point d’argent comptant, et très mal nipé, il est à considérer que les ecclésiastiques et l’authorité des gouverneurs doivent avoir égard à faire intervenir leur pouvoir, et leurs remontrances, pour mieux assortir les mariages, car ce n’est que multiplier les gueux et non pas accroitre et faire profiter la Colonnie, que de donner des filles à une bande de paresseux, que l’on connait pour cela, car il faut que ces gens là vivent et il faut pour cela, qu’ils volent de toute nécessité, mais l’avarice des prêtres, qui, depuis plusieurs années, déservent cette isle, les a fait passer par dessus toutes considérations.


Marie Royer ⭐

Est une créole presque noire, âgée de 35 ans batarde de fut Antoine Royer, qui avait esté condamné à estre pendu, pour avoir empoisonné, Mr de Vauboulon, le mary de cette femme nommé Marc Vidot est encor aujourd’hui aux galères pour la même affaire, cette femme est une publique abandonnée à toutes sortes de vices, jusques là, que les prêtres ont esté obligés, malgré leur tolérance, à la chasser de l’Eglise, pour des grands crimes énormes ; elle a fait 4 enfants, depuis que son mary est absent, elle en a un de luy, nommé Antoine Vidot, qui a succédé aux mauvaises inclinations de son père, car il est voleur, ivrogne et menteur, et ne sçait pas l’ombre de sa doctrine : cette femme possède un terrain proche la Rivière Ste Suzanne, qui est charmant et dont elle ne peut cultiver qu’une partie, encor ne le fait elle pas trop bien, elle élève quelques bestiaux, qui consistent en 4 bœufs et 15 cochons, elle n’a pas le sol d’argent comptant, et est très mal nupée.


Nicolas Boyer ⭐

Est un créol mulâtre, âgé de 29 ans, fort sage et très bon chrétien, il a eu de bonnes éducations, et sçait lire et écrire, il est même le sacristain de l’Eglise de Ste Suzanne, il est très laborieux, et bon charpentier et menuisier, il a pour épouse Marguerite Robert qui est très bonne femme, et qui, sans éducation mène une vie fort réglée, et dont personne n’a encor taxé la conduite ; ils ont eu de ce mariage un petit garçon qui est encor fort jeune, et l’on doit croire que son père prendra soin de le bien élever, il ne possède aucune terre, ny bestiaux en propre, vivant en communauté, et en parfaite union chez son beau père François Duhamel, auquel il aide à cultiver ses terres, il est fort obéissant et soumis, point querelleur, point médisant, ny ivrogne, si cet homme avait quelques terres en propre, et quelques Noirs, il deviendrait, absolument, un très bon habitant, il peut même avoir à présent, d’argent comptant 200 Ecus ou environ.


Pierre Robert ⭐

Est un créol mulâtre, âgé de 31 ans, honnête homme, remply d’honneur, quoy que sans éducation, fort laborieux, et entendu, il est bon charpentier, et bien capable de la conduite d’un ménage, aussy bien que d’une habitation, celle qu’il possède, et où il fait sa résidence, est située a la Rivière du Mas, elle est fort grande, mais il en cultive une partie considérable à l’aide de deux de ses frères qu’il retire chez luy, et de six enfants, lesquels, quoy que fort jeunes, il fait travailler selon leurs petites forces : il a pour épouse Marguerite Colin, femme d’une vertu exemplaire, et de laquelle les plus médisants n’ont pu trouver occasion de parler, elle est fort soigneuse, et fort intelligente, elle a tout l’esprit possible pour une femme née dans un pays désert, dévote au possible, et d’une grande douceur ; elle élève ses enfants d’une manière tout a fait édifiante, et l’on peut dire que ces deux personnes estaient faites l’une pour l’autre, car l’on ne peut pas voir une union plus accomplie, que celle qui est dans ce ménage, l’endroit de leur demeure est des plus commode pour élever des bestiaux estant fort éloigné d’aucuns voisin, ils en sçavent profiter, car ils ont 90 bœufs, 40 cochons et 6 chevaux, ils vivent le plus commodément du monde et reçoivent avec beaucoup de plaisir tous ceux, qui les veulent aller voir, et sans faire d’augmentation a leur ordinaire, l’on y fait fort bonne chère, ils ont eu le talent, par leur sçavoir faire, quoy qu’éloignés du commerce des autres habitans, d’amasser 7 à 800 Ecus, et de se bien niper, et cela du fruit de leur habitation, ou de leurs bestiaux, qu’ils vendent fort bien a ceux qui ne veulent pas se donner ce soin. L’on ne doit pas douter qu’un homme qui a tant de bonnes inclinations ne soit fort obéissant, et ne devienne un jour, un des plus puissans habitans de l’isle.


Robert Tarby ⭐

Est un Ecossais âgé de 33 ans, il resta à l’Isle Bourbon en 1704, au mois d’avril, d’un vaisseau fourban ; cet homme est ivrogne au possible, ce qui l’an même fait devenir impotant, joint à une autre vilaine maladie, qui luy a rempli le corps d’ulcères, il est jureur comme le sont presque tous les philibustiers, car il semble parmy ces messieurs là que ce soit une belle qualité, et sans cela, l’on ne serait pas assés méchant, il est peu attaché à la religion romaine, qu’il y a fort peu de temps qu’il professe, c’est à l’isle même qu’il a abjuré la protestante, dans laquelle il disait être né ; mais le peu d’éducation qu’il a, fait croire qu’il n’en connaissait aucune, pour de profession, il n’en n’a point du tout, que celle de matelot, qu’il ne peut plus mettre en pratique puisqu’il est impotent ; il réside à Ste Marie, où il a beaucoup plus de terre qu’il n’en cultivera jamais et a beaucoup de peint à vivre, avec cette quantité de terres, car il les cultive mal, quoy qu’il aye 2 Noirs et 3 Négresses, dont partie à la vérité, sont petits, il est mal nipé au possible, et ne prend pas grand soin d’amasser de quoy l’estre mieux, il a de bestiaux : 4 bœufs, 3 cochons, 8 cabrits et 4 chevaux ; mais point du tout d’argent comptant, il a encor la mauvaise qualité d’estre hargneux et de n’obéir qu’à regret. Il a pour épouse Anne du Gain, qui est une très laide mulatresse, et une grande beste coeffée, qui n’a pas la moindre éducation, et dont la vertu n’est pas à l’épreuve du premier venu, si ce ne sont ceux qui craignent de payer trop cher ce brutal plaisir, il a eu de ce mariage 2 filles, qui sont encor fort jeunes, et l’on doit s’imaginer, quelle éducation auront ses enfants, étant conduits et élevées par de tels père et mère.


Samson le Beau ⭐

Est un homme de 55 ans, de ces anciens de Madagascar, il est de Tours, cordier de son métier cet homme ne sçait pas troubler l’eau car il est si bon, qu’il en est beste, et n’a aucune éducation, sa bestise est aussy préjudiciable au public, que s’il estait bien méchant, et encor plus, en quelque manière, car s’il estait méchant, il ne pourait que faire du mal seul, au lieu que sa tolérance pour ses enfants fait qu’ils sont les plus grands libertins de toute l’isle, il en a 8 sçavoir : 4 garçons et 4 filles ; mais les pires ce sont 3 grands coquins de garçons qui font un ravage enragé dans tout le quartier, et dont les habitants n’osent pour la pluspart du temps se plaindre, parce que ces trois drôles se soutiennent et on les connait capables de tout, joint à ce que ce quartier est favorable, et fournit des endroits propres à se venger sans bruit, dont on n’est pas sans exemple ; je ne dis pas de ceux cy, mais de bien d’autres occasions, et les mauvaises qualités que ceux cy possèdent, doivent faire croire qu’ils ne seraient pas meilleurs ; ils sont ivrognes, jureurs, joueurs, querelleurs et paresseux, et avec cela très mauvais dans le vin ; l’éducation de ces 8 enfants est odieuse à réciter, car il n’y en a pas un seul qui sçache son Pater ; ce Samson le Beau avec ce nombre d’enfants et un bon esclave devrait avoir la plus florissante maison et la plus abondante habitation du quartier, mais non il meurt de faim, et n’a pas de quoy se couvrir, jusques là, qu’il est obligé d’aller de temps à autre dans le quartier St Paul faire une queste pour avoir de quoy se mettre une chemise sur le corps, il a une des plus belles habitations de tout le quartier située à la Rivière St Jean, et outre cela un autre terrain considérable à la Rivière des Roches, la situation de cette dernière est suffisante pour y entretenir continuelement 1500 cochons, et autant de bœufs que l’on en pourait élever, c’est un des plus favorables endroits de l’isle pour cela, outre qu’il y a des terres charmantes pour la culture, c’est un grand dommage que quelque habitant laborieux n’aye pas cette habitation, ou la Compagnie même, qui ferait bien de se l’approprier. Elle aurait cela à fort bon compte de cet homme qui en fait un si mauvais usage, elle ne luy coute que 40 andouilles de tabac de Victor Riverain à qui elle appartenait, et qui l’a vendu pour ce prix, lorsqu’il quitta Ste Suzanne, pour se venir établir à St Denis sur La Plateforme où il demeure à présent, et certainement il y a des occasions où la Compagnie pourait vendre ce terrain 2000 Ecus, pour ne pas dire plus, le pisaller de cela, serait d’y avoir un grand troupeau de boeufs, et quantité de cochons, et comme le terrain que la Compagnie a à Ste Suzanne n’est pas des plus spacieux, l’on ferait à cet endroit autant de plantages que l’on voudrait ; et il y a encore à considérer, que bien des gens n’ont pas trouvé qu’il fut tout à fait impossible de faire un port à cette rivière, au contraire, on l’a regardé comme un des endroits des plus convenables ; tout cela mérite une sérieuse réflexion pour le nouvel établissement, que l’on veut faire à l’Isle Bourbon, et je le répète encor il est d’une grande conséquence pour la Compagnie de faire en sorte d’avoir cet endroit, joint à ce qu’il reste inculte. Car quatre des plus forts habitans ne pourraient pas entretenir, ny occuper l’espace considérable de terrain qu’il y a là, et que cet homme possède seul. Il ne faut pas rapporter pour difficulté, que cela est loin de St Denis, car tout le chemin est beau, et l’on y peut aller et revenir à cheval, et même à pied dans un jour. Ce Samson a pour femme Domingue Rosaire Indienne, mais plus noire qu’un diable et aussy ivrognesse, qu’il est ivrogne, et si elle n’a pas l’accomplissement de toutes ces belles qualités attachées au libertinage, c’est qu’elle est trop laide et trop vieille, et que personne n’en veut. Le nombre des bestiaux qu’il possède et qu’il élève sans soin à la Rivière des Roches, est de 3 bœufs, 100 cochons et 5 chevaux, et si n’y a t il que 2 ou 3 ans, qu’il possède cette habitation, cela doit bien faire juger de ce que l’on y pourait faire, avec du soin, et rien ne serait plus facile que de passer à cet endroit 30 ou 40 bœufs du troupeau de St Denis, comme autant de cochons et de moutons, car ce lieu est propre à tout ce que l’on voudra faire.


Quartier de St Paul


Anne Caze ⭐

Est une négresse de Madagascar, âgée de 60 ans veuve depuis peu de temps de Gilles Launay, un de ces anciens de Madagascar, qui estait un des plus forts et des plus laborieux habitans de toute l’isle. Cela est facile à voir, par le grand nombre d’esclaves, presque tous créoles, et la quantité de terrain et de bestiaux et d’argent qui restent à cette veuve pour sa part si elle n’a eu que la moitié du bien ; l’autre moitié ayant tombée en partage à deux filles Marguerite et Anne Launay, qui sont toutes les deux mariées. Elle a 8 Nègre, et 6 Négresses, 60 boeufs, 280 cabrits, 15 moutons et 30 cochons et environ 2000 Ecus d’argent comptant. Cette femme vit d’une manière exemplaire, dévote tout ce qui se peut, et charitable, aurant qu’il est possible de l’estre, fort laborieuse et qui conduit ses Noirs comme ses propres enfants, avec lesquels elle cultive une espace de terrain très considérable cependant divisé en plusieurs endroits, et fait d’abondantes récoltes. Elle fait sa résidence sur les Sables de St Paul, et fait élever ses bestiaux à St Gilles.


Antoine Payet, le père ⭐

Est du Dauphiné agé de 70 ans, mais vigoureux, et se portant bien, sans aucune indisposition, il est un de ces anciens de Madagascar, ou il a servy en qualité de soldat, il est veuf depuis quelques années, il n’a point d’éducation, mais avec cela, c’est un très parfait honnête homme, a l’avarice près, car il manque des choses les plus nécessaires au ménage, ayant assurément bien le moyen de les avoir, car il est un des plus riches habitans de l’isle, il est laborieux au possible, aussy fait il bien valoir dans son entier, a l’aide de 2 grands garçons fort sages, de 3 Noirs, et 4 Negresses une bonne habitation qu’il a à sa porte, au proche l’Étang de St Paul, sur laquelle outre les bléds, ris, patattes, et légumes qu’il y recueille en abondance, elle est encor garnie d’une telle quantité de cannes de sucre qu’il vend tous les ans, pour plus de 500 Ecus de frangorin, à 30 sols la callebasse, qui tient 15 a 16 bouteilles, non compris plus de 500 bouteilles d’eau de vie de sucre, qu’il vent presque toujours un Ecu la bouteille, et souvent plus que moins, cette habitation apartenait autrefois a la Compagnie mais elle fut vendue par Mr Le Mayer, pour une pièce de pain, lorsqu’il passa à l’Isle Bourbon, avec l’escadre de Monsieur le Comte de Serquiny et d’une main à l’autre, elle est tombée entre les mains dudit Antoine Payet, à qui elle n’a coûté avec 2 Noirs que 800 Ecus, c’est Henry Grimauld, qui la vendit en 1701 lorsqu’il passa sur La Princesse, où il fut à Surate, à dessein de passer en France, mais il mourut en chemin. L’on a encor fait une autre faute très considérable, c’est que lorsque ledit Grimauld s’embarqua il voulut remettre cette habitation à la Compagnie, pour son passage, ce que l’on refusa : c’est assurément une perte pour la Compagnie, car il est visible que cette seule habitation est de plus de 1000 Ecus de revenu tous les ans, outre que si la Compagnie voulait établie le Gouvernement à St Paul, elle n’y a pas un pouce de terre cultivable en propre ; il a de bestiaux, 60 bœufs, 50 cabrits, et 12 cochons, qu’il fait élever au Parc à Jacques, l’endroit qui porte ce nom est à St Paul même au bord de l’Étang du costé de la montagne ; cet homme est obéissant en tout, pourvu que l’on luy laisse la liberté de vendre ses denrées tout ce qu’il veut, surquoy il est fort sujet a faire faux bon à sa conscience, et il serait à propos, qu’il y eut a cette isle un petit règlement de police. Car la vérité est que la pluspart des habitans ont si fort pris la coutume de vendre a outrance aux fourbans, qu’ils n’en démordent pas pour quelque considération que ce soit, et les Gouverneurs ny autres qui ont quelque rang dans ce lieu, ne sont pas exempts de cette petite tyrannie, Cet habitant peut avoir 2000 Ecus d’argent comptant.


Athanase Touchard ⭐

Est un Parisien agé de 68 ans, il est encor un de ces anciens de Madagascar, il vit plustôt comme un Saint que comme un homme, il y a plusieurs années qu’il est attaqué d’une furieuse goute qui l’oblige à garder continuellement le lit, et le prive de la liberté de pouvoir du tout agir, il faut le porter comme un enfant ; cependant son incommodité n’est que dans ses pieds et dans ses jambes, car d’ailleurs, il se porte bien, il prend un grand soin de sa famille, et élève ses enfans d’une manière toute édifiante aussy sont 5 : sçavoir 2 garçons et 3 filles l’un de ces garçons, apellé Athanaze comme son père, est d’une addresse sans égale, et sans avoir jamais rien appris, il fait tout ce qu’il s’imagine, ou copie jusqu’à perfection tout ce que l’on luy montre mais en quoy il excelle le plus, c’est à la menuiserie ; ce bon père de famille a pour épouse Elizabeth Négresse de Madagascar qui a toujours vécu dans l’estime de tout le monde, et qui sans éducation, donne à ses enfants les bons principes de la sagesse qu’ils ont. Ces gens vivent fort à leur aise, et ses enfans aidés de 3 bons Nègres qu’ils ont, font bien valoir une grande partie de leurs habitations, et même dans son entier ; celle qui est à leur porte, proche l’Étang du costé de la montagne, où ils demeurent, sur laquelle il y a une vigne qui produit tous les ans plus de 6000 grapes de raison tant noir que blanc, et dont ils prennent grand soin ; quant à celles qu’ils ont à la montagne en différens endroits, il ne sont pas en pouvoir, quand ils auraient 25 Noirs de les faire valoir, et cultiver toutes, c’est ce qui fait que tout ce grand et bon terrain de la montagne reste presque tout en friche ; ils ont encor un emplacement à St Gilles, où ils élèvent leurs bestiaux, dont le nombre est de 70 moutons, 700 cabrits, 40 cochons, 3 bœufs et 1 cheval quant à l’argent comptant, je ne leur en croy pas beaucoup, si cela va à cent Ecus, c’est bien le tout.


Antoine Bellon ⭐

Est un créol blanc âgé de 30 ans, assés bon homme, mais grand craqueur, et un peu ivrogne ; sujet à de fâcheuses coliques, qui ne proviennent que de trop boire, qui l’ont rendu impotant, à ne se pouvoir servir de ses mains, il a eu d’assés bonnes éducations, il sçait lire, et écrire, et fort bien sa doctrine, il est charpentier, il ne s’acquittait pas mal de cette profession, avant qu’il fut devenu impotent ; il a pour épouse Suzanne Dennemont, qui est aussy une créole blanche, qui vit fort sagement, et dont la vertu est à l’épreuve de la médisance ; elle ne manque point de génie, elle a même participé un peu à l’inclination que son mary a pour le mensonge, dont elle s’acquite aujourd’huy, pour le moins aussy bien que luy, d’ailleurs très bonne femme, qui sçait bien sa croyance, et fort assidue au service divin. Ils ont d’enfants 3 garçons et 3 filles, qui sont assés bien élevés, c’est à dire, qu’ils sçavent leurs prières, car, d’ailleurs, ce sont de vrayes bestes, ces gens cy ont le don d’estre de francs paresseux, car avec ce nombre d’enfans, et 3 Noirs et 2 Négresses, il devraient vivre très commodément, et faire un grand profit du surplus de la récolte qu’il feraient, car ils ont plus de terre di foix, qu’ils n’en peuvent cultiver, et surtout à la montagne, laquelle reste en friche, et si ce n’estait un morceau de terre, qu’ils ont à leur porte proche l’Étang du costé de la montagne, où ils demeurent, et sur lequel ils recueillent les choses nécessaires à la vie, et que cet endroit est des plus propres à élever quantité de volailles de quoy ils vivent, je croy que pour ne se pas donner de peine de monter la montagne, ils se laisseraient mourir de faim, car ils ont à cette montagne un petit déffrichement qui assurément, par le peu de soins qu’ils se donnent, redeviendra bientôt en friche, comme il estait auparavant sur cette habitation, où ils demeurent au proche de l’Étang, il y a une infinité de pieds de vigne, qu’ils laissent périr sans se donner la peine de la couper ny de la débarrasser, de sorte que cette vigne se mestant avec les autres arbres le long desquels elle monte ; l’ont voit, lorsque l’on passe par là, une petite forest garnie de raisins, qui semblent sortir de ces arbres sauvages, mais en raisins n’estant pas soignés ne viennent point en maturité, et sont toujours verjus, il y a encor deux des mailleurs endroits, pour eslever des bestiaux, l’un à la Pointe du Gallet, et l’autre proche l’embouchure de l’Étang, mais sa négligence fait qu’il n’a que 16 bœufs, 12 cochons et 8 mouton, d’argent comptant je ne luy croy pas plus de 200 Ecus, cet homme cy est de ceux, qui n’obéissent pas volontiers, et qu’il faut forcer à le faire.


André Chaman ⭐

Est un Malouin, âgé de 32 ans, resté à l’Isle de Bourbon, en 1701 d’un vaisseau fourban, il n’a pas autrement d’éducation, et point d’autre profession que celle de matelot, d’ailleurs, c’est un fort honnête homme, bien laborieux, obéissant serviable et remply de bonnes volonté, pour obliger tous ceux qu’il peut, il est, cependant un peu ivrogne, et lorsqu’il a bû, il devient querelleur, don il est souvent la victime, il a pour épouse Angélique Caron créole mulatresse, qui donne beaucoup occasion de blâmer sa conduite, dont elle ne se soucie pas beaucoup, par le peu d’attention qu’y a son mary ; il sont eu de leur mariage 2 garçon, qui sont encor fort petits, il est situé au Parc à Jacques proche l’Étang, où il élève quelques bestiaux dont le nombre consiste à un bœuf portant, 40 cochons, et 15 cabrits, il possède aussy proche l’Étang une petite pièce de terre, où il fait sa récolte, la cultivant dans son entier, mail il en a une étendue considérable aux environs de la Rivière du Gallet, qu’il ne cultivera, ny ne sera de ses jours en état de cultiver, pas même la deffricher. Cet endroit est aussy très propre à élever des bestiaux, et c’est aux environs de là qu’estait le troupeau de bœufs de la Compagnie, que Mr Hébert a fait vendre, je ne croy pas d’argent comptant à cet homme, il n’est pas même des mieux nipés.


Antoinette Renaud ⭐

Est une veuve agée de 67 ans, elle est Lyonnaise venue à Madagascar lors de son établissement ; cette femme est un démon pour le travail, elle reste jour et nuit dans une habitation qu’elle a au proche l’Étang, où elle demeure. Il y a sur cette habitation un beau pied de vigne de raisin noir, dont elle ne se soucie pas, et lorsqu’elle met le feu à ses cannes de sucre tous les ans, ce pied de vigne brusle comme ses cannes, mais cela ne l’empêche pas de produire son fruit dans le temps ; et quoy qu’elle soit sans Noirs et sans enfants, elle cultive plus qu’il ne luy faut à beaucoup près pour sa subsistance, elle a une espace de terrain considérable à la montagne, mais elle reste en friche, elle n’a pas laissé par son labeur à sa succession des temps d’amasser plus de 2000 Ecus, mais qui ne verront le jour, que lorsqu’ils seront tombés entre les mains de ses héritiers, qui sont beaucoup car elle a eu deux maris, et des enfants des deux. Cette femme vit fort dévotement, comme font presque toutes celles de cet âge.


André Rauld

Est Xaintongeois, agé de 41 ans, resté à l’Isle Bourbon, en 1706 au mois de décembre, d’un vaisseau fourban, sur lequel il servait de charpentier, qui est sa profession, cet homme n’a pas eu d’éducation ; mais il est très honnête homme, sage, vivant bien, obéissant, point ivrogne, faisant toute son attache à bien conduire son ménage, et à faire valoir ses terres, sur lesquelles à l’aide de 8 Noirs et 5 Négresses, qu’il conduit avec une grande prudence, il fait des récoltes considérables, qui le font vivre agréablement, et luy donnent un grand profit, de ce qu’il vend du surplus de son nécessaire : toutes les terres qu’il possède dans les montagnes, ne sont pas à beaucoup près deffrichées, mais, il y travaille à force, et en viendra à bout par la suite, car il est extremement laborieux, il a, à cette montagne, deux pieds de vigne que j’y ay vu planter, il n’y a pas 4 ans, qui produisent à présent plus de 4000 grapes de gros raisin blanc, il en a planté de rouge depuis peu, dont il prend grand soin, il a acheté ces terre, Noirs et bestiaux de Pierre Folio qui passa avec toute sa famille sur le vaisseaux le St Louis en 1708 au mois de may, pour aller à Pondichéry, il fait sa résidence sur les Sables de St Paul, et élève ses bestiaux aux environs de la Rivière du Gallet, et à la pointe qui porte ce même nom, dont le nombre est de 90 bœufs, 30 moutons, 200 cabrits, 90 cochons, et 3 chevaux ; il peut avoir d’argent comptant environ 1000 Ecus, qu’il fera sans doute bien profiter, car il est bon ménager, il a pour épouse Thérèse Duhalle, créole blanche, femme d’unes très mauvaise conduite, et sans sçavoir faire, et peu d’éducation, il n’est point informé de la mauvaise vie de sa felle, car il a trop d’honneur, pour n’y pas mettre ordre, s’il en estait instruit. Il a eu de ce mariage un garçon qui est encor fort petit, auquel il est à croire qu’il donnera, ou fera donner une bonne éducation.


Antoine Payet, le fils ⭐

Est un créol mulâtre, agé de 28 ans, sage comme un caton, bon chrétien, bien élevé, obéissant sans aucun vice, fort laborieux, et bon charpentier ; il a pour épouse Sabine Lautret, créole mulatresse, qui n’est pas moins sage que son mary, et don la conduite est sans reproche, bonne lingère et fort soigneuse de son ménage. Ils ont eu de ce mariage une petite fille qui est encor fort jeune ; ils n’ont pour tous esclaves qu’une Négresse toute petite, si avec cela ils ne laissent pas de vivre très commodement ; ils ont à beaucoup près, plus de terre qu’ils n’en peuvent cultiver, tant à la montagne, qu’en bas ; ils font leur résidence au Parc à Jacques, proche l’Étang, où ils élèvent des bestiaux, dont le nombre est de 12 bœufs, 15 cochons et 6 moutons : ils ont sur cet endroit, une petite vigne, dont ils prennent grand soin, qu’il n’y a pas plus de 3 ans qui est plantée, et qui produit beaucoup de raisons : ils peuvent avoir d’argent comptant : 3 à 400 Ecus.


Antoine Fontaine

Est un créol mullatre âgé de 37 ans, encor garçon, et à quy l’on n’a pas voulu permettre de se marier pour des raisons que la bienséance ne permet pas d’écrire. Ce garçon, aussy bien que 3 de ses frères qui sont mariés, et dont je parleray à leur tour, est le plus franc vaurien du monde, il est adroit comme un singe, très bon charpentier, et menuisier, mais paresseux au suprême degré, ivrogne tout ce que l’on peut l’estre, pas moins joueur, ny jureur, et avec cela addonné à la gueuse à outrance, ce dernier et infame vice luy a fait commettre des crimes énormes, il est encor voleur, et comme de tout le monde pour tel ; point du tout d’éducation, il ne sçait pas même ses prières ; enfin, je ne finirais pas, si je voulais détailler tous les vices, et le mauvais caractère de cet homme, car cela irait à l’infiny : il possède au Vieux St Paul, où il demeure, une habitation, qui est, très assurément, une des meilleures de tout le quartier, mail qu’il ne prend pas la peine de cultiver, il y a même une vigne sur cette habitation qu’il laisse périr : cette habitation a esté autrefois à la Compagnie, et c’est là où elle avait fait son premier établissement au quartier de St Paul, qui fut ensuite donnée à Jacques Fontaine père de celuy cy, qui en faisait un meilleur usage que ses fils, entre lesquels elle a esté partagée après la mort de leur père et mère ; il a encor à la montagne, une espace considérable de terre qu’il laisse en friche, et sans le vols perpétuels qu’il fait des bestiaux aux habitants, il ne pourait subsister, il n’a pas un sol d’argent comptant, ny une chemise à se mettre sur le dos, il a pour tous bestiaux 4 bœufs et 1 cheval.


Bernardin Hoareau

Est un créol blanc, agé de 29 ans, qui a fort bien esté élevé, il sçait lire et écrire, très bien sa doctrine fort sage, obéissant et craintif, mais avec cela, un peu ivrogne, et insigne paresseux, il a pour femme Marguerite Touchard créole mulatresse, de qui l’on ne parle que légèrement, elle est de la dernière simplicité ; quoy qu’elle sçache fort bien sa doctrine, et la met bien en pratique, elle fait toute son application de sa lingerie, et il faut luy rendre cette justice, qu’elle y excelle, et l’on peut assurer qu’il n’y a point de lingère en France, qui mit si bien à perfection, une chemise ou autre chose que l’on luy donne à faire, pourvu qu’elle en ait un modèle ; ils ont de leur mariage une petite fille, qui est encor fort jeune. Cet homme devrait avec 4 Noirs et une Négresse, qu’il possède, vivre aisément, et faire, même profit du produit de ses terres, dont il a une bonne quantité à la montagne, qu’il laisse presqu’en friche, se contentent de cultiver une partie de celle qu’il a, au proche l’Étang du costé de la montagne où il demeure ; c’est ce qui fait qu’il a de la peine à vivre ; à peine même, se veut il donner soin, ou pour mieux dire, il ne se le donne pas du tout de cultiver une vigne considérable qu’il a à sa porte, laquelle, malgré son peu de soin, produit tous les ans plus de 2000 grapes de raisins d’une grosseur prodigieuse, laquelle, si elle estait cultivée avec soin, en produirait plus de vingt mille grapes ; il peut avoir d’argent comptant, deux cents Ecus et de bestiaux : huit bœufs, douze moutons et cinq cochons.


Claude Ruelle ⭐

Est un Bourguignon agé de 47 ans, resté à l’Isle Bourbon d’un fourban, il y a environ 15 ans ; il est un maquignon de son métier honnête, très laborieux, et quoy que sans éducation, il vit très bien et très chrétiennement, il est fort obéissant et assidu à son devoir, et avec tout cela il a le malheur d’estre ivrogne ; mais son ivrognerie ne le détourne point de son travail, car il a la prudence de ne se souler que les festes et dimanches, mais ces jours là, il n’y manque point ; il a pour épouse Monique Caron, créole mulatresse, dont la conduite est fort déréglée, et dont son mary n’est pas instruit, car il n’est pas facile sur cet article ; d’ailleurs cette femme, quoy que sans éducation est fort bonne travailleuse, et assés bonne couturière ; cet homme a deux enfants qui sont encor fort petits, auxquels il fait donner une bonne éducation, il a une pièce de terre à la montagne beaucoup plus grande, qu’il ne la peut cultiver, mais il en tire tout ce qu’il est possible à l’aide de deux bons Noirs, et suffisament pour vivre agréablement, le lieu de sa résidence est au Parc à Jacques, où il élève des bestiaux, dont le nombre est de 12 bœufs, 25 cochons, 4 moutons et 8 chevaux ; il ne laisse pas de faire un assés bon profit de ces chevaux, car il les loue 30 sols par jour à ceux qui en ont besoin, cependant, je luy croy fort peu d’argent comptant.


Etienne Touchart

Est un créol mulâtre, âgé de 32 ans, honnête homme, bien élevé, qui a de fort bonnes inclinations, il sçait lire et écrire, sage, tout ce qu’il se peut obéissant, et auquel on ne peut attribuer aucun vice, très bon charpentier, et menuisier, il ne possède point de terre en propre, vivant chez son père Athanse Touchart en bonne intelligence et parfaite union, et n’a, à son particulier qu’un bœuf portant, et 6 cochons. Il a pour épouse Marquerite Lautret créole aussy mulatresse, qui vit de même que son mary, avec une conduite fort réglée, et sans reproche ; elle est à la vérité fort simple, mais bonne femme et fort laborieuse, et assés bonne lingère ; ils ont un enfant garçon, encor fort jeune, auquel ils donnent de bons principes. Je croy fort peu d’argent comptant à ces gens là.


Etienne Hoarau, le père ⭐

Est un créol blanc, âgé de 41 ans ; l’on peut dire qu’il est assurément la perle de ces créols, car il est, sans faire tort à qui que se puisse estre, un des plus honnêtes homme de toute l’isle ; il a toute l’éducation qu’il est possible d’avoir reçue dans un pays, comme celuy là, il sçait lire et écrire, même quelque chose du latin, toutes les rubriques de l’Eglise, instruit dans sa religion, plus qu’il n’est possible de l’estre, quand on a si peu appris, il est doux, civil, affable, obéissant, bien craignant Dieu, toujours près à rendre service, charitable au possible, enfin, il serait difficile de luy trouver aucun défaut, car de ses jours il ne n’est pas grisé une seule fois, et croirait avoir commis un grand pêché mortel, s’il avait prononcé le mot de ma foy ; il n’a jamais eu de différend avec un seul habitant, et conduit son ménage et ses Noirs, avec une intégrité et sagesse qui devraient estre l’exemple de tous les autre, il est laborieux, s’il en fut jamais et extrêmement adroit à tout ce qu’il fait, et sans avoir jamais appris, il est fort bon charpentier, bon menuisier, maçon, cordier et vigneron, et fait toutes ces choses en perfection, on peut dire que c’est un digne sujet, il serait à souhaiter qu’une grande partie, ou pour mieux dire, tous les habitans fussent comme luy ; l’Isle de Bourbon serait sur un meilleur pied qu’elle n’est aujourd’huy. Il a pour deuxième épouse Ursule Payet créole mulatresse, qui est fort bien élevée, et dont la vertu et la sagesse sont connues de tout le monde, très bonne lingère, et qui prend grand soin de son ménage et de ses enfans, auxquels, à l’exemple de leur père, elle donne de très bonnes éducations, ses enfants sont 7 sçavoir : 5 garçons et 2 filles, il a aussy 3 Noirs et 3 Négresses. Avec ce nombre d’enfants et d’esclaves, il cultive ses terres avec tout le soin possible et en retire tout ce que l’on peut avec cette force, laquelle ne suffit pas pour cultiver la quantité de bonnes terres qu’il possède, et surtout à la montagne, om il en a considérablement ; mais avec celles que ses forces luy permettent de cultiver.

On ne peut manquer de remettre à cet homme beaucoup de pieds de poivrier car il est sur qu’il en prendra grand soin.

Il vit for à son aise, et fait beaucoup de profit du surplus de son nécessaire, lorsque l’occasion s’en présente ; il fait sa résidence au Parc à Jacques, proche la plaine, où il cultive une vigne très jolie, laquelle produit fort abondament, quoy qu’il y ait fort peu de temps, qu’elle soit plantée. C’est à ce même lieu, où il élève ses bestiaux, dont la quantité est de 30 bœufs, 250 cabrits, 30 cochons et 36 moutons, et peut avoir 5 à 600 Ecus d’argent comptant.


Etienne Hoareau, le fils ⭐

Est un créol blanc, fils de celuy dont je viens de parler, agé de 22 ans, il a participé à toutes les bonnes inclinations de son père, et on ne sçaurait parler de l’un, pour la sagesse et la conduite, que l’on ne parle en même temps de l’autre, la seule différence, qu’il y a, c’est que le fils n’est pas à beaucoup près si éclairé que son père, et qu’il est beaucoup plus simple, mais d’ailleurs honnête homme, et sans vice ; il a pour épouse Barbe Payet, le père et le fils ayant épousé les deux sœurs, et en cela, ils n’ont esté trompés ny l’un ny l’autre, car elles ont la même vertu et la même sagesse, aussy bien que la même éducation si ce n’est qu’elle est un peu moins spirituelle. Ils ont deux enfants garçons, mais qui sont encor fort petits, et il est à croire qu’ils leur donneront de bonnes éducations ; ils vivent tous ensemble dans une parfaite union, et cultivent réciproquement leurs terres, le fils aydant le père de ses forces, et de celles d’un Noir qu’il possède, et le père soulageant le fils de toutes les siennes. Ce fils peut avoir d’argent comptant, 150 Ecus, et de bestiaux à son particulier : 10 bœufs, 6 cabrits, et 6 moutons ; mais bien plus considérablement de terre à luy apartenant qu’il ne sera, de longtemps et peut être jamais en état de cultiver.


Edouard Robert ⭐

Est de Londres, âgé de 31 ans, il resta à l’Isle de Bourbon en 1706 au mois de décembre d’un vaisseau fourban, et s’y établit, et après avoir abjuré le calvinisme, il épousa Marie Anne Bellon créole blanche, femme de peu d’éducation, mais qui vit fort sagement, et sans reproche du costé de la vertu ; elle a même beaucoup à souffrir de la mauvaise humeur de son mary, qui est ivrogne, et querelleur, jureur, joueur, paresseux et sans aucun sçavoir, ny autre métier, que celuy de bon matelot ; lorsqu’il s’établit, il acheta une fort belle maison toute meublée, située sur les Sables de St Paul, où il demeure, et deux habitations, l’une à la montagne, et l’autre auprès de l’Étang, de Jacques Béda, toutes les deux déffrichées, c’est à a dire celle d’en bas dans son entier, et celle de la montagne en partie, car il n’est pas possible sans beaucoup de forces, de la défricher toute, et avec cela, une place à la Ravine à Marquet entre la Possession et la Rivière du Gallet, pour élever des bestiaux, et 2 Noirs et une Négresse, mais sa paresse, et son ivrognerie ont fait qu’il a tout laissé aller ces bons endroits en décadence, et qu’à peine peut il vivre, n’ayant pour tous bestiaux que 3 bœufs, 10 cochons et 4 moutons. La première année qu’il fit son achat, il fit une assez bonne récolte, parce qu’il avait trouvé les terres, toutes ensemencées mais, il n’a rien fait depuis, et n’a pas le sol d’argent comptant, d’ailleurs il est assez obéissant et ponctuel à faire ce qui luy est ordonné.


Etienne Bailliffre

Est d’Anjou, agé de 43 ans, resté à l’Isle de Bourbon, il y a environ 15 ans d’un vaisseau fourban, cet homme icy est mauvais tailleur de son métier, ivrogne, tout ce que l’on peut estre, et jureur par habitude, ne pouvant pas parler sans prononcer le nom de Dieu en blasphème, sans éducation, inexorable à ses Noirs, les maltraitant à outrance, et sans raison, il y en a même un qu’il y a plus de 4 ans, qui est maron, et ceux qu’il a, viennent tous les jours, soir un bras, ou la teste cassée aux plaintes, ou les menançant pas moins, que de leur casser la teste à coups de fusil, ou de pistolet, de quoy il ne manque jamais de se saisir, lorsqu’il les maltraite, avec cela, peu obéissant, et grand raisonneur, lorsque l’on luy commande quelque chose, jusques là que je l’ay vu envoyer promener les Capitaines de quartiers lorsqu’ils lui ordonnaient quelque chose de la part du Gouverneur. Son ivrognerie l’a rendu impotent, mais avec cela très laborieux, et avec 5 Noirs et 2 Négresses qu’il possède, il cultive une habitation considérable à la montagne, qui le fait subsister luy et sa famille fort commodement, cependant cette habitation n’est pas défrichée dans son entier, car ses forces ne lui permettent pas de le faire, il a pour épouse Marie Hibon créole blanche, femme dont l’on ne peut rien dire du côté de sa conduite, et de la vertu, mais qui n’a pas beaucoup d’éducation, elle ne laisse pourtant pas de prendre soin de bien élever ses enfans, qui son cinq, savoir : 2 garçons et 3 filles. Cet homme cy s’attache peu à élever des bestiaux, et n’a, en tout que 8 cochons qu’il fait nourrir à la montagne, dans un parc et se contente d’élever quantité de volailles sur les Sables, où il demeure, au bord de l’Étang, desquelles il se nourit. Je n’ay eu aucun endroit parlé du nombre de volailles que les habitans possédaient, parce que chacun en élève tant qu’il veut, et que les volailles sont sans nombre à l’Isle Bourbon, quand il ne leur arrive pas l’accident qu’ils ont eu, cette dernière année, d’un mal aux yeux, qui les a presque toutes fait crever.


Eustache le Roy

Est un créol de Ste Croix, à la Martinique qui n’a point d’autre profession, que celle de mauvais matelot, homme fort simple, et sans éducation, et à l’ivrognerie près, qui serait assés bon nomme, car il est fort serviable aux habitans qui veulent l’employer, et bien obéissant aux ordres, mais peu soigneux de la culture de ses terres, et des affaires de son ménage, et du désordre épouvantable de sa maison. Il a pour épouse Jeanne Fontaine créole, fort bazannée, femme sans éducation, ny sçavoir faire, débauchée tout ce qui se peut, elle avait même fait deux enfans filles, avant que de se marier, lesquelles son mary a adoptées, il n’est pas même permis de dire, qui l’on soupçonne d’avoir fait l’un de ces enfants cela serait odieux à entendre, et cette femme continue cette même vie, sans que son mary se mette en peine d’y mettre ordre, ils ont eu deux garçons de leur mariage, et Dieu sçait quelle éducation ile peuvent avoir, aussy bien que les deux filles qui sont déjà grandes, conduits et instruits par de tels père et mère. Tous tant qu’ils sont, ils n’ont pas une chemise à se mettre sur le corps, quoy qye cet homme eut plus de 2000 Ecus lorsqu’il débarqua à l’Isle Bourbon, d’un vaisseau fourban, en 1701 qu’il a dissipé en ivrognerie, et au jeu, il possède une très belle pièce de terre à la montagne, mais qui reste en friche, il en a une autre au Vieux St Paul, où il demeure, qui est une des meilleures de tout le quertier, sur laquelle il cultive un peu de ris, qui luy aide un peu à subsister, le reste vient de Dieu graces, et du seul fruit de la débauche de sa femme ; le lieu où il est situé, est des plus propres à élever des bestiaux mais ce soin serait trop grand pour des gend, qui ne veulent rien faire, aussy ne possède t il qu’un seul bœuf portant, et pas un sol d’argent comptant.


François Ricquebourcq

Est d’Amiens, en Picardie, agé de 63 ans, c’est un de ces anciens de Madagascar, cet homme cy est très sage, bon chréstien, qui a eu de bonnes éducations, il sçait lire et écrire, bien l’arithmétique, et le latin, et fort bien les rubriques de l’Eglise, il est même chantre, tout vieux qu’il est, et a possédé les charges de fabrice de la paroisse et de prieur de la confrairie de Notre Dame du Mont Carmel, de quoy il s’est très bien acquitté, et a rendu bon compte ; il est très laborieux, et fort paisible, et ne se meslant que du soin de sa famille, de bien élever ses enfants et leur donner de bonnes éducations, et de cultiver ses terres, en quoy il réussit parfaitement bien, et tous ses enfants sont 8 : sçavoir 3 garçons, et 5 filles, lesquels sont tous fort sages, à l’exception, cependant, de son fils aîné, âgé de 18 ans, qui est un franc vaurien, et dont se plaignent tous les habitans, il a contracté cela de sa mère, dont je parleray ensuitte ; ce garçon ne laisse pas d’estre bon charpentier, et menuisier et fort laborieux, mais méchant à la destruction des bestiaux de ses voisins, pour le seul plaisir de les tuer, car il n’en profite pas. L’aînée de ses filles est sçavante, et fort sage, elle sçait fort bien lire et écrire, et est très bonne couturière ; outre ce nombre d’enfans, il possède encore 5 Noirs, et 7 Négresses, qu’il conduit fort doucement sans les maltraiter mal à propos, et avec ce nombre d’enfants, et d’esclaves, il cultive une espace considérable de terrain, tant à la montagne, que dans les bas, où il fait de très abondantes récoltes, qui le font subsister commodement, et fait même beaucoup de profit du surplus de son nécessaire, malgré ce grand nombre de Noirs, et d’enfans, il ne peut cultiver dans son entier, toute la terre qu’il a à la montagne, mais il y élève des cabrits, et y a pour cet effet planté et semé du chiendan de St Denis ; il fait sa résidence sur les Sables de St Paul, où il élève ses bestiaux, dont le nombre consiste en 3 boeufs, 160 cabrits, 36 moutons et 16 cochons, l’on ne peut manquer de donner des poivriers à cet homme, car il les élèvera assurément avec soin. Après avoir parlé suffisament des facultez de cet homme, il faut faire connaitre quelles sont celles de son épouse, qui méritent bien qu’on en parle en particulier. Elle s’appelle Anne Bellon, créole blanche, femme très laborieuse, soigneuse au possible, qui prend grand soin de sa famille, et de l’éducation de ses enfants, et dont la vertu est sans reproche, mais avec toutes ces bonnes qualités, elle est plustôt un démon qu’une femme haye généralement de tout le monde, aussy ne se soucie t elle guère d’avoir des amis, et croirait avoir offensé Dieu si elle avait passé un seul jour sans avoir querelle avec quelqu’un, elle est de la dernière avarice, et tromperait son père, si l’occasion s’y présentait, furieuse, vindicative, et absolument la maitresse chez elle, et même de son mary, qui veut avoir la connaissance de tout ce qui se passe dans l’isle, s’il arrive que l’on fasse quelque assemblée d’habitans, elle fait rester son mary à la maison, et vient elle même, ou pour donner son avis, ou plus souvent pour brouiller tout, et si l’on s’avise de luy dire, que ce n’est point elle que l’on veut, et que c’est son mary, elle s’emporte comme un lyon, et chante poüilles à tout le monde, et l’on en n’a du repos, qu’après l’avoir mise dehors, et fermé la porte au nez, encore ne se rebute t elle pas, car elle commence de plus belle par la fenestre de sorte, que l’on est obligé de s’enfermer de toutes parts ; si l’on veut en avoir patience, cinquante avanies que l’on lui a faites de cette nature ne l’ont point rebutée, et c’est toujours à recommencer, à toutes les fois qu’il s’agit de terminer quelque chose par une assemblée d’habitans. Nous aurions fait son mari le greffier de l’isle, mais la connaissance que cette femme voulait avoir de tous les procès, et de ce qui se passait dans le conseil dont son mari n’estait pas le maistre de lui refuser la connaissance, fit qu’on lui osta cette charge, pour la donner au Sieur Joseph de Guigné.


François Mussard ⭐

Est d’Argentueil, agé de 74 ans, c’est encor un de ces anciens de Madagascar, tourneur de son métier, mais que l’ivrognerie a rendu impotent, c’est un vieux mutin, qui n’a jamais seu obéir, qui fait le philosophe, et l’habile homme, et qui, dans le fond, n’est rien moins que cela, il est brutal, vindicatif, hay de tous les habitans, et cruel à ses Noirs, qu’il fait mourir de faim, et travailler jour et nuit, avec cela grand usurier ; et les habitans prétendent que la chapelle qu’il a fait bâtir et qui est à luy en propre, n’est autre chose que des questes qu’il a faites pour la paroisse, lorsqu’il en estait le fabrice, et le prieur de la conférie ; il a pour épouse Marguerite Compiègne, elle porte ce nom parce qu’elle est de Compiègne, c’est encor une farouche qui fait la prude, à présent qu’elle est vieille, mais les anciens qui la connaissent prétendent qu’elle ne l’a pas toujours esté. C’est une femme sans éducation, qui ne manque pourtant pas d’esprit, mais cruelle à ses Noirs, aussy bien que son mary, ne voulant pas seulement permettre à ceux de ses Noirs, qui sont mariez, de coucher ensemble, avec toutes ces mauvaises qualités, ces gens ne laissent pas que d’estre très laborieux, et des plus à leur aise du quartier, et avec 5 Noirs et 4 Négresses, qu’ils possèdent ; ils cultivent un terrain considérable, tant à la montagne, où ils en ont beaucoup plus qu’ils ne sont en état d’en entretenir, qu’en bas aux environs de l’Étang, sur lesquelles terres ils font des récoltes très considérables, qui les font vivre fort commodément et font un si grand profit du reste de leur nécessaire. C’est encor un de ces faiseurs de frangorin, et d’eau de vie de sucre, de quoy il retire plus de 500 Ecus, tous les ans, aussy, sont ils riches en argent comptant car ils en dépensent peu ; et en gagnent beaucoup, et outre qu’ils sont très bien nipés, et établis, ils ont plus de 3000 Ecus d’argent comptant, ils font leur résidence sur les Sables de St Paul, où ils élèvent leurs bestiaux, dont le nombre est de 30 moutons, 20 cabrits et 10 cochons, l’on pourrait confier quelques pieds de poivrier à ces gens là, je croy qu’ils en prendraient soin.


François Cauzan

Est un créol mulâtre agé de 38 ans honnête homme ; sage comme un caton, point ivrogne, ny joueur, fort obéissant, et rendant service à qui il peut, bien attaché à la conduite de son ménage, et à la culture de ses terres, qui a eu de très bonnes éducations, il sçait lire et écrire, et est très bon charpentier, il a même esté prieur de la confrairie de Notre Dame de Mont Carmel, le fâcheux est pour luy, qu’il est attaqué de la goute qui l’oblige la pluspart du tems de garder la maison et le prive de pouvoir agir, autant que son inclination le porterait à le faire ; il a pour épouse, Louise Payet créole mulâtresse, qui est sans contredit l’exemple de toutes les femmes de l’isle, et à laquelle, l’on ne peut attribuer pour tout deffaut, qu’un peu de vanité, d’ailleurs, bonne ménagère, très sage, fort dévote, la meilleure lingère de toute l’isle, et qui, non seulement, prend soin de son ménage, et de sa famille, mais n’ayant point d’enfans, elle a jusqu’à 7 à 8 filles de ses parents, ou de ses amis, auxquelles elle apprend la lingerie et qu’elle élève avec toute l’éducation possible, aussy ces filles sont elles plus sages, qu’aucunes autres de l’isle, et les mieux instruites, et fait cela gratuitement, sans en retirer aucun salaire, au contraire, elle n’a pas un plus grand plaisir que de rendre ce service à tous ceux qui le veulent y envoyer leurs filles, pourvu qu’elle les connaisse sages ; le Sieur Jacques Aubert y a la sienne, qui est une de celles qui font le mieux, et qui sera un jour une très bonne lingère. Ce François Cauzan fait sa demeure au Parc à Jacques, où il élève avec grand soint une vigne que je luy ay vu planter, qui lui produit tous les ans, 7 à 8000 grapes de raisin monstrueux. C’est à son exemple, que ses voisins se sont donné la peine d’en planter, de sorte qu’il n’y a presque point d’habitant au Parc à Jacques, qui n’ait une vigne devant sa porte, c’est aussy à ce même endroit, où il élève ses bestiaux, dont le nombre est de 50 bœufs, 80 moutons et 40 cochons, il est avec cela un des mieux nipez, et des mieux logés de tous les habitans, et peut avoir 2000 Ecus d’argent comptant qu’il a amassés du fruit de son labeur, cultivant avec grand soin ses terres, à l’ayde de 6 Noirs et 3 Négresses qu’il possède, sur lesquelles il fait des récoltes assés considérables, pour le faire subsister très à son aise, et faire beaucoup de profit du surplus de son nécessaire , il possède pourtant beaucoup plus de terres à la montagne, qu’il n’en peut cultiver, et fait presque toute sa récolte dans les bas ; l’on ne peut se méprendre, en donnant beaucoup de pieds de poivriers à cet homme, car il en aura, très assurément, grand soin.


François Bouché ⭐

Est un homme agé de 45 ans, il est de Loches, il resta à l’Isle Bourbon, d’un vaisseau fourban il y a environ 15 ans ; cet homme a eu une jambe coupée par le Sieur le Prévost, d’un abcez, quy luy estait venu au pied, lequel ayant esté mal ouvert, par un nommé Jacques Leger habitant du quartier, que son avarice avait fait choisir pour cela, pour ne pas payer le chirurgien, il luy coupa un artère, dont on ne put jamais arrêter le sang, et il en fallut venir à couper la jambe, pour luy sauver la vie, de sorte que cet homme porte actuellement une jambe de bois, dont il se sert presque avec la même facilité, que s’il avait ses deux jambes naturelles, car il va partout dans les montagnes, et vient de St Gilles, où il demeure, festes et dimanches, à St Paul pour y entendre la messe, mettant à la vérité plus de temps à se rendre qu’un autre. Cet homme est fort sage, et très laborieux, mais sans aucune éducation, ny métier ; il a pour épouse, Gabrielle Bellon, créole blanche, qui est plustôt un diable incarné qu’une femme, sans éducation, et sans dévotion, étant quelques fois, des mois entiers sans venir à St Paul, pour y entendre la messe, ou quand elle y venait, c’estait toujours le samedy au soir, ou le dimanche avant le jour, mais comme il fallait passer au presbitère avant que d’arriver à l’Eglise, sa grande dévotion faisait qu’elle ne manquait jamais de s’y arrêter pour entretenir son pasteur, ou luy apporter du pain et l’on dit que leur conversation estait si longue, qu’elle y passait la nuit, où elle obtenait la dispense de continuer son chemin, pour aller jusqu’à l’Eglise. Cette femme est d’une cruauté pire que celle des barbares à l’égard de ses Noirs. Elle en a fait mourir 2 ou 3 sous les coups, et par la faim, voulant exiger d’eux plus que la force humaine ne permet de pouvoir faire, ses moindres châtiments sont, lorsque ce sont des garçons, de leur mettre une plaque de fer sur la bouche, qui prend de l’une à l’autre oreille, à laquelle est attaché par le milieu, un autre morceau de fer à peu près de la longueur de la bouche, qui leur entre jusqu’à la gorge, et leur empêche l’articulation de la langue, et de manger ; ce morceau de fer, qui couvre la bouche, a deux bouts qui viennent en serpentant, jusqu’au derrière de la teste, ou est un cadenas fermé à clef, et avec ce bel équipage, elle les enchaine à un pilon, pour piler du riz, sans leur donner à manger, que quelques fois, de trois jours l’un, et pour empêcher que d’autres ne leur en donnent, elle se sert de ce secret ; ou si ce sont des femmes, qu’elles soient mariées ou non, elle prend le barbare plaisir de les brusler toutes vives, non pas jusqu’à la mort, mais elle les rend si malades, qu’elle en meurent, car, c’est ordinairement les lieux, que la pudeur ne permet pas de dire qu’elle s’attache à brusler. Il y a eu, et j’en ay vu un petit enfant de ses Noirs, qu’elle a laissé manger, aux cochons, et une Négresse mariée, qu’elle enterra à St Gilles, disant qu’elle estait morte subitement, toutes ces choses, et bien d’autres, dont le détail serait trop long, auraient mérité de rigoureux châtimens, mais l’étendue du pouvoir, que l’on avait estait trop bornée pour cela, et personne ne veut rien prendre sur son compte, sur une matière si délicate ; c’est à l’occasion de cette femme, que Monsieur Hébert avait donné l’ordre de faire vendre les Noirs de ceux, qui les traiteraient avec trop de rigueur ; cette femme a encore le talent d’estre d’une médisance diabolique, méchante, furieuse, emportée, la maîtresse absolue chez elle, et même de son mary, qui n’oserait branler devant elle, avant même qu’il eut la jambe coupée, elle le fit sauter par les fenestres, le sabre à la main, elle a 4 beaux enfans, qu’elle élève comme des sauvages, ou pour mieux dire, comme des bestes féroces, son beau frère Jacques Beda avait pris l’aisné, chez luy, auquel il avait commencé à donner de bons principes, de la lecture, de l’écriture, mais cela ne luy a pas plu, il faut à sa fantaisie, que ses enfants soient méchants pour estre bons ; au milieu de tout cela, elle est très laborieuse, et elle fait seule, lorsqu’elle est dans une habitation plus que n’en feraient 3 bons Noirs, elle en possède à présent 4 et 5 Négresses avec lesquels elle cultive une grande espace de terre, et vit fort à son aise, mais il en ont à différents endroits à la montagne, trente fois plus qu’ils ne sont en état d’en deffricher, et ne cultivent, presque que celles qu’ils ont à leur porte en bas, où ils font le plus beau bled de toute l’isle, c’est à ce même endroit, où ils élèvent leurs bestiaux dont le nombre est de 20 moutons, 12 bœufs, 50 cabrits, 12 cochons et 1 cheval, ils peuvent avoir d’argent comptant 5 à 600 Ecus, ces gens ont à la montagne plusieurs pieds de vigne, qu’ils laissent périr faute de soins.


Georges Noel

Est de Londres agé de 31 ans, resté à l’Isle Bourbon en 1704 au mois d’avril, d’un vaisseau fourban ; cet homme cy a de très bonnes qualités, et vit très sagement, fort attaché à la religion romaine, qu’il professe à présent, ayant abjuré l’anglicane dans laquelle il avait esté élevé, il a eu de très bonnes éducations, et est habile horloger de sa profession, et a même fait une montre à l’Isle Bourbon et raccommodé nue mauvaise pendulle, qu’il acheta de Monsieur le baron de Pallière, sans avoir presque d’outils pour cela, et l’un et l’autre vont très bien, il est fort obéissant, libéral et soumis, sans avoir aucun des vices ordinaires aux anglais qui sont presque toujours mutins, avec cela fort laborieux, et extrêmement propre chez luy, prenant grand soin de sa famille, et de ses Noirs, qu’il conduit d’une manière édifiante et louable, mais il aime une peu à boire, sans pourtant estre ivrogne, il a pour épouse Catherine Royer, créole blanche ; fort belle femme, qui est à la vérité une franche pécore et sans éducation, mais dont personne n’a jamais blamé la conduire, il a eu de son mariage une fille qui est encor fort jeune, à laquelle il donnera sans doute une bonne éducation, il possède 4 Noirs et 2 Négresses, avec lesquels il cultive avec soin, une habitation qu’il a à la montagne qui est fort petite, et qu’il peut cultiver dans son entier, elle est, cependant suffisante pour le faire vivre, il y cultive même la vigne, qui fait fort bien, et il est sans doute, que s’il en avait d’avantage qu’il est assez laborieux, pour la bien faire valoir et cultiver ; il fait sa résidence sur les Sables de St Paul, où il est fort borné, c’est ce qui tait qu’il n’y élève pas autant de bestiaux, que son inclination le porterait à le faire s’il estait plus étendu, ceux qu’ils possède ne consistent qu’en 80 cabrits et 20 moutons, je ne luy croy pas plus de 3 à 400 Ecus d’argent comptant.


Germain Payet ⭐

Est un créol mulâtre, agé de 32 ans, bon homme, bien obéissant, et fort paisible, mais ivrogne, joueur et paresseux au possible, il a pourtant eu d’assés bonnes éducations, et ne manque pas d’esprit mais il le met mal en pratique ; il a pour épouse Louise Robert, créole aussy mulatresse, femme d’une grande tranquilité, et dont la vertu est sans tache, et assés bonne lingère, mais avec tout cela peu d’éducation ; ils ont 4 enfants, 3 garçons et une fille, tous lesquels sont encor fort petits, et il est à craindre que ces enfants ne reçoivent pas toute l’éducation qu’ils devraient avoir, il a beaucoup plus de terrain dispersé en différents endroits, qu’il n’en peut et pourra jamais cultiver un morceau de terre auprès de l’Étang, où il fait sa récolte, qui suffit à le faire vivre assés à son aise, il fait sa résidence au Vieux St Paul, où il élève des bestiaux, dont le nombre est de 18 bœufs, 10 cochons et 16 moutons, il élève sur ce même endroit une vigne que l’envie luy a pris de planter à l’imitation de ses voisins, il y a fort peu de temps, laquelle fait faire bien, et produit déjà du raisin : je ne luy croy pas d’argent comptant.


Gilles Dennemont ⭐

Est un créol blanc, agé de 42 ans, honnête homme, qui a eu d’assés bonnes éducations, aussy est il très sage, fort laborieux, et bon charpentier, mais hargneux et peu obéissant, il prend grand soin de sa famille, élève très bien ses enfants, qui sont 6 : sçavoir 4 garçons et 2 filles, il possède 9 Noirs et 4 Négresses, sur lesquels il a une authorité sans les maltraiter qu’à propos, qui les tient dans le respect, aussy sont ils fort sages, et bien attachés à leur maître, et à leur travail ; avec ce nombre de Noirs, il cultive en plusieurs différents endroits, et sur des espaces considérables de terrain, mail il en a beaucoup plus, et surtout à la montagne qu’il n’en peut cultiver, et de celles, qu’il cultive, il fait d’abondantes récoltes, qui le font vivre un de mieux de l’isle ; et outre qu’il a toujours des pensionnaires, il ne laisse pas de vendre encor considérablement du surplus de son nécessaire ; il élève la plus grande partie de ses bestiaux à St Gilles, et l’autre partie à St Paul où il demeure, le nombre desquels est de 60 bœufs, 15 cochons, 200 cabrits et 30 moutons, il est riche en argent comptant, qu’il n’est pas chiche d’employer, quant il en trouve l’occasion, cela peut aller à 3 ou 4000 Ecus, et très bien nipé et meublé ; il a pour épouse Marguerite Launay, créole mulatresse, qui ne manque pas d’esprit, quoy que sans éducation et bonnet couturière, mais qui n’est pas à l’épreuve de la critique ; ny des meilleures ménagères de ce monde, il a aussy des terres à la montagne, et a à une de ses habitations du bord de l’Étang, plueisurs pieds de vigne, dont il ne prend pas grand soin, et qu’il ne coupe que quand la fantaisie luy en prend, mais quand il le fait, elle produit abondamment de raisin.


Gilles Fontaine ⭐

Est un créol mulâtre âgé de 31 ans, sans éducation, point de sçavoir vivre, libertin jusqu’à l’excès, et dont les meilleures qualités sont d’estre ivrogne, joueur, paresseux, jureur et abandonné à la gueuse, ce vaurien a une fois déserté dans un vaisseau fourban, et est revenu en 1706 riche de 2000 Ecus, qu’il a dissipé en moins de rien, sans se conserver de quoy se mettre une chemise sur le corps, et à sa femme, car il est à présent un des plus gueux de l’isle ; et quoy qu’il aye deux bons Noirs, avec lesquels il pourait vivre très à son aise, s’il cultivait une habitation au Vieux St Paul, où il demeure, qui est assurément une des meilleures du quartier ; mais non, sa paresse fait qu’il ne vit que chez ceux quy luy veulent donner à disner, et à boire, il preste ses Noirs à ceux qui veulent s’en servir, qui en font un meilleur usage que luy ; il les aurait même déjà vendus, si on ne s’y estait pas opposé : il a encor une bonne espace de terre à la montagne, qu’il laisse en friche, et qui aparament y sera toujours, le lieu même où il demeure est des plus propres à élever des bestiaux, et sans peine, mail il est insensible à tout, et ne possède pour tout potage que 2 bœufs, 2 cochons, 2 cabrits et 1 cheval, encor je croy luy faire grâce de luy mettre ce nombre à présent, car il les aura assurément mangé, il n’est pas assés bon gardien, pour les avoir gardé si longtemps ; il a pour épouse Françoise Laurette, créole mulatresse comme luy, qui est une vraye beste sans éducation, ny sçavoir faire, mais de qui, cependant, l’on n’attaque point la vertu. Il a de ce mariage un garçon, qui est encor fort petit, mais l’on peut juger quelle sera l’éducation qu’il pourra recevoir de tels père et mère. Ce vaurien ne laisse pas d’être bon charpentier, mail il n’en est pas plus zélé pour son métier que pour toutes autres choses qui pourraient le faire vivre.


Guy Royer ⭐

Est un Parisien, encor un de ces anciens de Madagascar, agé de 60 ans, homme sans éducation, fort ivrogne et encor plus grand paresseux, faisant toute son occupation de brasser du frangorin, pour avoir lieu de s’yvrer, sans se mettre en peine du cultiver ses terres, celle, qui luy produit ses cannes de sucre, est à sa porte, mail il en possède ne bonne quantité à la montagne, qu’il laisse en friche, cela fait qu’il a toutes les peines du monde à vivre, aussy bien que sa famille qui consiste en 3 filles lesquelles avec l’ayde d’un Noir, travaillent ce morceau de terre au proche l’Étang où ils demeurent, ce qui les ayde un peu à subsister ; ils n’ont pour tous bestiaux qur 5 cochons, et assurément point d’argent comptant, d’ailleurs, cet homme est très sage, fort obéissant et bon chrétien, et point mauvais ivrogne ; il a pour épouse Catherine Bellon créole blanche, qui est for la maîtresse chez elle et même de son mary, femme sans éducation, et sans sçavoir vivre, qui ne donne cependant pas à parler d’elle, à présent, mais qui à ce que l’on dit, n’a pas toujours esté si vertueuse.


Henri Mussard ⭐

Est un créol blanc, agé de 33 ans, homme très sage, fort laborieux, bon charpentier, et qui a eu d’assés bonnes éducations, il sçait lire, et écrire, point ivrogne, et qui ne manque point d’esprit, il a même participé à celuy de son père, c’est à dire, peu soumis, et cruel à ses Noirs ce qui a fait qu’il n’en a pu conserver aucun jusqu’à présent et qu’ils ont tous déserté, soit dans les canots, ou dans les bois, il ne possède à présent que 2 Négresses ; d’ailleurs il prend grand soin de sa famille, et la fait bien subsister, avec le peu de forces qu’il a, il ne possède point de terres en propre ; et fait sa récolte sur celles de son père François Mussard, qui en possède beaucoup, il a pour épouse Marguerite Mollet créole blanche, qui n’a pas moins d’inclination au travail que luy, elle est fort intelligente, et élève bien ses enfants, qui sont 3 garçons et 5 filles, on ne peut en aucune manière médire de la conduite de cette femme, car elle est fort sage, et n’a jamais donné occasion de douter de sa vertu, il fait sa résidence sur les Sables de St Paul, où il élève les bestiaux, dont le nombre est de 12 bœufs, 50 cabrits et 30 moutons. Je luy croy fort peu d’argent comptant.


Henri Mollet ⭐

Est un créol blanc agé de 36 ans, qui a eu d’assés bonnes éducations, et qui est un très parfait honnête homme, prenant grand soin de sa famille, de l’éducation de ses enfans et de bien conduire ses Noirs, avec cela un des plus laborieux de l’isle, bon charpentier et menuisier qu’il met beaucoup en pratique, ce qui sert, le plus, à le faire vivre, travaillant pour tous ceux qui le veulent employer, soit à faire des canots, ou autre chose, cette occupation ne le détourne pas de cultiver ses terres à l’aide d’un Noir et de 2 Négresses ; c’est à dire, celles qui son à portée et aux environs de l’Étang de St Paul au pied de la montagne qui sont d’une bonne étendue, elles sont en friche, n’ayant point assés de forces avec ce Noir, 2 Négresses et 4 enfants sçavoir : 3 garçons et une fille, lesquels pour la pluspart, son encor petits, pour la défricher et cultiver ; mais l’on peut dire, et assurer, que ce n’est pas faute d’inclination à le faire, ny par paresse, il a pour épouse Geneviève Dailliau créole mulatresse, dont il est le deuxième mary, qui est très bonne lingère, qui ne manque point d’esprit, et qui a eu d’assès bonnes éducations, mais, qui avec cela est d’une très mauvaise conduite, mais sans que son mary en soit informé, car il est mauvais railleur sur ce chapitre, et pour peu de soubçon qu’il en ait, il luy en fait rigoureusement ressentir la peine, il fait sa résidence à l’embouchure de l’Étang, où il élève ses bestiaux, lesquels consistent en 8 bœufs, 40 cabrits et 12 cochons. Il peut avoir d’argent comptant, tout au plus 200 Ecus.


Hervé Fontaine ⭐

Est un créol mulâtre agé de 32 ans, qui est des plus grands libertins de toute l’isle, il est ivrogne, jureur, joueur, médisant, menteur et tout à fait addonné à la gueuse quoy qu’il soit marié, il n’est pas mauvais charpentier, mais il est si paresseux, qu’il ne met point son métier en pratique, non plus qu’il ne se donne point le soin de cultiver une habitation qu’il a au Vieux St Paul, qui est assurément des meilleures de tout ce quartier, laquelle avec application luy fournirait suffisament de quoy subsister ; il a encor à la montagne une espace assés considérable de bon terrain qu’il laisse en friche, cela fait qu’il a beaucoup de peine à vivre, et que sa famille qui consiste en 4 garçons et 2 filles, ne vivent qu’avec peine, et n’ont pas une chemise à se mettre sur le corps, ce n’est pourtant pas manque qu’il n’ait eu d’assés bonnes éducations, mail il pratique mal ce que l’on a pris soin de luy apprendre, il est mutin, désobéissant et querelleur, en un mot, c’est un franc vaurien, il a pour femme Thérèse Damour créole mulatresse comme luy, qui ne manque pas de génie, bonne travailleuse, et qui n’est pas mauvaise couturière, laquelle n’a jamais donné occasion à la médisance, malgré le libertinage de son mary, mais sans éducation, et l’on peut juger comme doivent estre élevés des enfans par de tels pères et mères, il fait sa résidence au Parc à Jacques, où il élève quelques bestiaux, qui se multiplient d’eux mêmes et sans soins, dont le nombre est de 20 cochons et 50 cabrits, auxquels il ne touche, que lorsqu’il ne trouve pas l’occasion de voler les bestiaux d’autruy, à quoy il est fort sujet, ce qui est connu de tout le monde, pour de l’argent comptant, il n’en a , assurément point, car il ne sçait ce que c’est que d’en garder, et il aime mieux lorsqu’il luy tombe un écu entre les mains l’employer à une bouteille d’eau de vie, qu’à se mettre une chemise sur le corps.


Le Sr Jacques Aubert

Est d’Angers, agé de 45 ans, il fut à l’Isle de Bourbon, avec Monsieur de Vauboulon, où il a servy la Compagnie, en qualité de menuisier, il possède ce métier en perfection, et depuis son établissement, il s’est si fort attaché à tout, qu’il sçait un peu de chaque chose, et réussit admirablement bien à tout ce qu’il entreprend, honnête homme, conduisant avec une sagesse admirable tous les habitans de St Paul, dont il est Capitaine de quartier ; gardant toujours un juste équilibre en tout ce qu’il fait, homme de bonne conversation, sçavant même dans l’histoire, à quoy il s’est beaucoup appliqué, et gardant un ordre chez luy qu’aucun autre n’égale, élevant ses enfans avec toute l’éducation qu’il est capable de leur donner, et de la dernière intégrité à l’égard de ses Noirs, enfin on peut dire qu’il est le seul de son espèce dans l’isle, et qu’il n’y en a point, qui l’égale en capacité, en probité et en sagesse, et l’on voit bien qu’il est né, pour estre autre chose que menuisier ; avec cela, il est très laborieux, et d’une propreté dans sa maison, qui fait bien voir lorsque l’on entre chez luy, qu’il se distingue des autres, il est affectionné à son employ de Capitaine de quartier, autant qu’on le peut souhaiter, et surtout, lorsqu’il s’agit du service de la Compagnie, ce que l’on a remarqué toutes les fois qu’il a passé des vaisseaux, où il s’est donné tous les mouvemens, et tous les soins qui ont dépendu de luy, et non pas souvent sans frais, car il reçoit agréablement chez luy les Capitaines, Officiers des vaisseaux ; lesquels pour la pluspart sont ingrats, et ne reconnaissent pas les honnetetés que l’on leur fait, se persuadant que cela leur est deu, et que l’on leur est encor trop obligé. Je dis cecy pour l’avoir souvent expérimenté à mes dépens. C’est aussy chez luy que réside le Gouverneur lorsqu’il vient à St Paul, et c’est ce qui, souvent, luy attire cet embarras, et celle dépense ; lorsque nous sommes partis de l’isle, il devait se démettre de son employ, Monsieur de Charanville l’ayant maltraitté sur différents faits, où il ne l’avait assurément pas mérité, et qui plus est, le recevant agréablement chez luy, toutes les fois qu’il vient à St Paul, sans en avoir jamais rien exigé à quoy il n’est point obligé, sans que pour cela Monsieur de Charanville y eut égard, non plus que Monsieur de Harembourq, en quoy il trouvait une grande différence ; c’est cet homme icy qui avait élevé un pied de poivrier, duquel on pouvait espérer un heureux succès, s’il n’avait point esté arraché, ou mangé par les cochons, et l’on peut dire que s’il y a de sa faute, qu’il en a bien suby la peine car il a fait comme St Pierre, qui pleura toute sa vie son pêché, aussy celuy cy ne peut jamais parler du pied de poivrier, que les larmes ne luy viennent aux yeux, et il est bien certain que si l’on en renvoye à l’Isle Bourbon, qu’il sera le premier à en avoir, ainsy l’on ne peut manquer de luy en remettre beaucoup, aussy bien que de toutes les autres choses qu’on y apportera, desquelles il ne manquera assurément pas de prendre grand soin, il possède quantité de bonnes terres divisées en lusieurs endroits tant aux montagnes, qu’aux environs de l’Étang de St Paul, sur lesquelles il fait de très abondantes récoltes qui le font vivre un des mieux de toute l’isle, mais il ne peu quoy qu’il ait 9 Noirs, et 5 Négresses presque tous créols, deffricher, et cultiver toutes celles qu’il a aux montagnes, à l’une desquelles, il a une vigne qu’il cultive avec grand soin ; il fait sa résidence sur les Sables de St Paul, et de rien qu’estait cet endroit, il en fait un petit enchantement ; premièrement il a transporté du ciendan de St Denis en racine, et en graine, qu’il a planté, et semé à cent pas au plus aux environs de sa maison ; tout ce chiendan a pris et fait une verdure charmante, c’est même de cela qu’il élève ses moutons, plusieurs à son imitation en ont fait autant, ensuite il a planté des arbres : dattiers à distance égale, entre lesquels il a mis des arbres dont je ne sçay pas le nom, qui portent des fleurs toute l’année, et en a formeé des avenues en forme d’étoile tout autour de sa maison, ensuite que, de quelque costé que l’on vienne, on voit cette maison en perspective, outre cela, il a planté 20 arbres tamariniers au devant de sa porte qui sont à présent tous grands, qu’il entretient à égale hauteur, et qu’il a si metrisez de manière qu’à quelque heure du jour que ce soit et en tous temps de l’année, on peut se promener, et manger à l’ombre ; il a à présent beaucoup de ces arbres dattiers, tamariniers sur les Sables de St Paul, qui en seraient touts couverts si chacun y apportait le même soin, ce serait même un ordre à donner aux habitans, car dans les grandes chaleurs il n’est pas possible de suporter l’ardeur des sables, qui sont brûlans comme le feu même, et cela est insupportable surtout pour les habitans, qui marchent presque tous pieds nuds, et s’il y avait de ces arbres plantés qui ne demandent pas d’autres soins que d’estre arrouzés dans le commencement, jusqu’à ce qu’ils aient pris racine, on marcherait commodément partout sur ces sables, en quelque temps que ce fût. Le chiendan que l’on y semerait n’estant pas bruslé par l’ardeur du soleil, en viendrait beaucoup mieux, outre que ces maisons seraient cachées par ces arbres de la veüe de la rade, et par conséquent moins sujettes à l’insulte des ennemis, supposé que l’envie leur prit d’y faire descente, et il ne faut pas grand temps à cela ; car les tamariniers que le Sr Aubert a aux environs de chez luy, ne peuvent avoir que 7 à 8 ans au plus, je les ay vu planter, et ces arbres sont à présent depuis le pied jusqu’au sommet de leurs branches de plus de 18 à 20 pieds de haut ; si l’on jugeait à propos de faire une ordonnance là dessus, il faut obliger chaques habitants, qui ont des emplacements sur les sables, de planter à 60 pas, plus ou moins selon l’étendue de son terrain autour de sa maison, de ces arbres tamariniers. Il y en a au presbitère suffisament pour cela, et les obliger sous de vigoureuses peines d’en prendre soin, jusqu’à ce qu’ils eussent pris racine, et les obliger s’il en mourait quelqu’un d’en replanter un autre à quoy un homme soigneux aurait l’œil, et surement dans 8 ou 10 ans, tous les sables en seraient garnis. Je ne vois rien de juste, dans l’ordre que l’on ferait à ce sujet, ou ce ne serait que la paresse des habitans qui le ferait trouver tel, car cela serait pour leur propre commodité, et en quelque manière, pour la sureté de leurs biens ; la crainte que j’ay d’estre ennuyeux par ce long, et pt peut estre inutile narré, fait que je ne m’étends pas davantage sur ce sujet. J’en reviens donc au Sieur Aubert, il a pour épouse Anne Launay créole mulatresse, qui est tout à fait impotente, et qui est presque toujours au lit, ne pouvant agir à quoy que ce soit, de sorte qu’il n’est soulagé en rien de cette femme, et qu’il faut qu’il soir le tout chez luy. Cependant, il supporte cette adversité avec un patience admirable, et en prend tout le soin possible, sans avoir jamais murmuré un moment, contre les décrets des Soigneurs, qui l’a ainsy ordonné ; il a eu de ce mariage : 2 garçons, et une fille qui sont tous grands, les 2 garçons demeurant avec luy, sont sages, laborieux et on toutes les bonnes inclinations de leur père, comme aussy toute sn éducation ; quant à la fille, il la fait élever chez la Cauzan, dont j’ay, cy dessus parlé, à l’exception de ces moutons, qu’il élève à St Paul, les autres sont élevés à St Gilles à un lieu appelé Le Boucan du Canot, et à une autre endroit, apellé Les Colimaçons, dont le nombre est de 70 boeufs, 60 moutons, 40 cochons, 300 cabrits et 4 chevaux, il peut avoir d’argent 2000 Ecus, lorsque nous sommes partis, il se proposait de planter la vigne, sur les sables auprès de sa caze, où il se promettait de le faire réussir, et dont je ne doute point : c’est aussy ce même Jacques Aubert qui a esté l’entrepreneur de la nouvelle église de pierre que l’on a bâtie à St Paul, il l’a tracée selon son génie, qui est fort bien, et en a fait toute la charpente, aydé de quelques créols, qui assurément est toute des plus belles, et des mieux entendues. Il ne fallait pas moins d’un homme aussy soigneux que luy, pour mettre cette église à sa perfection comme elle est aujourd’huy car, outre qu’il y passait les journées entières à y travailler luy même, il fallair encor qu’il conduisit tout cet ouvrage de l’œil, et qu’il alligna toutes les pièces de bois, et qu’il tint un rolle, jour par jour de ceux, qui avaient travaillé, ou qui y avaient envoyé leurs Noirs, affin que chacun travaillât à son tour, sans qu’il y eut personne de foulé, ny d’exempt, en quoy il a observé un ordre fort régulier sans que qui que ce soit aye eu lieu de se plaindre.


Jacques Léger ⭐

Est de Rouen, en Normandie, agé de 48 ans, il resta à l’Isle de Bourbon, sous le Gouvernement de Monsieur de la Cour, je ne sçaiy positivement pas en quelle année, d’un vaisseau interlope anglais qui venant de Madagascar à l’Isle Bourbon, pour u faire la traitte, y passa ledit Léger, qui estait à Madagascar depuis plusieurs années, et où il estait resté d’un brigandin qu’il y avait amené de l’Amérique, qu’il commandait un philibuste quoy que fort incapable de le faire, et qui s’estait rendu fourban à la paix ; cet homme icy a eu quelques éducations, il sçait lire, et écrire encor fort mal, avec cela, sans aucune science que celle de sçavoir un peu de manœuvre qu’il a apprise en philibuste, layant fait toute sa vie et point du tout le pilotage, quoy qu’il aye commandé. Il se mesle aussy un peu de la chirurgie, et de la médecine, qu’il s’est persuadé de sçavoir, mais il n’a jamais entrepris quelqu’un qui par épargne se soit mis entre ses mains, qu’il ne les ait estropié, ou rendu plus malades, que lorsqu’il commençait à les traiter, de sorte qu’il n’y a pas de meilleure pratique pour les chirurgiens que cet homme, car il leur taille de la besogne et il faut toujours en venir à avoir recours à eux ; il n’y a pas dans toute l’isle, un homme plus intrigant que celuy cy, pour trouver les moyens de gagner de l’argent, et est heureux dans tout ce qu’il entreprend, il gâgne souvent même dans des occasions, où d’autres ne manqueraient pas de perdre, de sorte que s’il n’estait pas joueur et ivrogne, il serait un des plus riches de toute l’isle, mais le jeu luy dissipe une grande partie de tout ce qu’il peut faire, il ne laisse pourtant pas, que d’estre fort à son aise, car outre qu’il est très bien nipé, il peut encor avoir d’argent comptant plus de 1500 Ecus. Il possède une place et maison sur les Sables de St Paul où il demeure peu, estant presque toujours luy et sa famille aux Trois Bassins, distant de trois lieues de St Paul, où est son habitation, qu’il cultive avec beaucoup de succès à l’ayde de 7 Noirs et 3 Négresses, mais qui ne suffisent pas pour deffricher, et cultiver le grand espace de terrain qu’il possède à la montagne où est située son habitation, et sur laquelle il fait sa récolte. C’est à ce même lieu, mais en bas, qu’il élève ses bestiaux ; dont la quantité est de 250 bœufs, 200 cabrits, 100 cochons et 5 chevaux. De ces 250 bœufs qui luy appartiennent, il n’en a pas 100 dont il puisse jouir, et emparquer, les autres s’estant rendus marons dans les montagnes, mais sur ses propres terres, de sorte que lorsqu’il veut ramasser quelqu’un de ses boeufs marons pour les apprivoiser et emparquer, il faut qu’il les envoye prendre par quelques créols adroits, et que de 3 il en donne un pour la peine, ou s’il le fait tuer, il y en a un quartier pour celuy qui le tue ; cet homme icy est grand jureur, même par habitude, et a peu d’éducation car il est souvent des mois entiers sans venir à St Paul, pour y entendre la messe, ny y envoyer aucunes personnes de sa famille. Il a pour épouse Marie Sparon créole blanche, femme d’une grande douceur et qui a eu d’assés bonnes éducations, et de qui la conduite n’est blamée de personne ; laborieuse au possible, elle a beaucoup à souffir de la mauvaise humeur de son mary, car il la traite avec la dernière rigueur, s’il a quelque pénible travail à faire, c’est à elle à qui il le fait faire, plutôt qu’à ses Négresses qu’il préfère de beaucoup à elle, et avec lesquelles il trouve plus d’agrément qu’avec sa femme, sans se soucier qu’elle en ait une pleine et entière connaissance ; il a 4 enfants, sçavoir 1 garçon et 3 filles, dont cette femme prend tout le soin possible, et quoy qu’encor fort jeunes ils ont de bons principes : d’ailleurs, il est fort obéissant, et s’acquitte ponctuelement de ce qui luy est ordonné.


Jacques Beda

Est Hollandais, agé de 41 ans, resté à l’Isle Bourbon d’un vaisseau fourban, il y a environ 20 ans, cet homme cy est fils d’un fameux Ministre d’Amsterdam que son père envoya aux Indes, le vaisseau sur lequel il estait ayant relaché à Maurice, le gouverneur jugea à propos de le retenir, parce que ce vaisseau n’étati pas bon, et quelque années après, l’ayant fait embarqué sur un autre vaisseau pour aller à Batavia, il fut pris par un fourban, et c’est de là qu’il est à l’Isle Bourbon, où il est à présent très bien étably, et un de ses habitans le plus à son aise, vivant bien en homme d’honneur et très bon chrétien, fort attaché à la religion romaine qu’il a embrassée après avoir abjuré la luthérienne, je l’ay vu grand joueur et encor plus ivrogne, mais il est beaucoup revenu de ces deux mauvaises qualitez, et c’est un bien pour luy car il estait mauvais ivrogne, querelleur, et hargneux. Cela le faisait haïr de tous les habitans, et luy a fait oster la charge de Capitaine du quartier qu’il avait avec le Sr Aubert, parce que quand il avait bû, il abusait de sa petite authorité ; mais à présent il vit fort sagement, et très obéissant ; il a pour épouse Anne Bellon créole blanche, femme d’une grande vertu, et bien dévote, qui ne manque ny d’esprit, ny d’éducation, cette femme vaut seule pour le travail 3 des meilleurs Noirs lorsqu’elle est dans une habitation, ils n’ont point eu d’enfants depuis 13 ans de mariage, et selon toutes apparences, il n’en auront jamais ; c’est pourquoy ils ont plus de bien qu’il ne leur en faut, car, outre qu’ils sont les mieux nipés, il peuvent encor avoir plus de 2000 Ecus d’argent comptant : ils font leur résidence sur les Sables de St Paul, et élèvent leurs bestiaux à St Gilles à un bien appelé l’Hermitage dont le nombre est de 12 boeufs, 60 cochons et 5 chevaux. C’est à ce même lieu, à la montagne, où ils cultivent avec 8 Noirs et 2 Négresses, une fameuse habitation où ils font d’abondantes récoltes, le facheux est qu’ils exercent sur leurs Noirs une rigueur, qui aproche de la cruauté, ce qui fait qu’ils ont beaucoup de peine à les garder et qu’ils sont presque toujours marons ; l’étendue de terres qu’ils possèdent à cette montagne, est de beaucoup plus grande, qu’ils ne sont en état de cultiver.


Julien Lautrec

Est un créol, à peu près blanc, agé de 29 ans, sage au possible, laborieux, tout ce qui se peut, obéissant et serviable, qui a fort bien esté élevé, point ivrogne, ny joueur, et on peut dire qu’on ne lui connait pas de vices, il est même d’une physionnomie, qui d’abord fait juger avantageusement de luy, il est bon charpentier, et menuisier, parfaitement bon pescheur, et adroit à tout ce qu’il fait, luy seul, avec le secours, avec le secours de 2 mauvaises Négresses qu’il possède, fait vivre sa famille, qui consiste en 2 garçons et 2 filles, qui sont encor tous petits : il a pour épouse Elisabeth Touchard créole mulatresse, qui a fort bien esté élevée, bonne lingère, qui ne manque point d’esprit, et dont jamais personne n’a blamé la conduite, elle prend grand soin de sa petite famille, et élève ses enfants de son mieux. Cet homme cy n’a point de terres cultivables en propre, et fait sa petite récolte sur les terres de sa mère Sabine Lautrec, il fait sa résidence sur les Sables de St Paul, où il ne possède aucuns bestiaux, ne s’estant pas trouvé en pouvoir d’acheter des souches pour en eslever, car c’est beaucoup faire avec le peu de forces qu’il a, que de se soutenir, faire vivre sa famille, et l’entretenir des choses nécessaires pour le ménage.


Jacques Lauret, le père ⭐

Est de Nevers, agé de 64 ans, c’est encor un de ces anciens de Madagascar, il a même esté au siège de St Thomé, fait par Mr de la Haye, où il servait en qualité de soldat, dont il raporte une infinité de menteries. Cet homme cy a eu de fort bonnes éducations, il sçait lire et écrire, et ne manque pas de génie, mais c’est un brouille tout, et lorsqu’il y a quelque requeste à faire, ou quelque chose à représenter, il se donne un mouvement enragé pour cela, et puis quand il a bien engagé les autres, il trouve le secret de se retirer, et de ne pas paraitre y avoir coopéré ; il est tailleur de son métier, et fait grande profession d’estre ivrogne, et tout ancien habitant qu’il est, il a esté si peu ménager, que son établissement est un des plus mauvais, et cela, pour n’avoir jamais que demeurer stable, et se fixer dans une demeure assurée ayant toujours changé d’un quartier à l’autre, outre qu’à mesure qu’il luy vient de l’argent, il l’employe à boire, et non pas à se donner son nécessaire il pourait, cependant, à l’ayde de 4 grands garçons de fils, un Noir et une Négresse qu’il a, faire une belle habitation à la montagne, où il possède une espace considérable de terrain ; mais il morigine si mal ses enfans, et leur donne si peu d’éducation, qu’ils se sont tous rendus paresseux et libertins au possible, de sorte que cette terre reste en friche, et bien loin que ses enfans s’attachent à faire profiter leurs biens, c’est qu’ils détruisent et volent impunément celuy des autres, en quoy ils ont souvent esté pris en flagrant délit ; ce n’est pas là le seul deleurs vices, car ils sont putassiers et ivrognes, et ne sçavent pas l’ombre de leur doctrine ; outre ces 4 garçons il en a encor un nommé Henry Lauret, qui a déserté dans un fourban. Cet homme a pour épouse Marie Anne Fontaine, créole plus noire qu’un diable, qui en a toutes les inclinations, elle est ivrognesse ; elle jure, et fait des serments que les plus libertins n’oseraient faire, elle commet des sacrilèges énormes, et connus de tout le monde ; elle est la femme de tous les hommes qui se présentent, même des Noirs, et tout cela toléré par les enfans de son mary, dont elle n’est que la seconde femme, et de son propre consentement à luy même, car il a la complaisance lorsque quelqu’un vient chez luy, et qu’il est couché avec sa femme, de leur céder la place, pourvu que l’on luy donne une bouteille d’eau de vie, qu’il s’occupe à boire, pendant que l’on occupe sa femme à autre chose ; et l’on peut dire, pour trancher le mot, que cette maison est un bordel publicq, aussy bien pour les Noirs, que pour les blancs, car cette femme ne pouvant suffire à tous, prend grand soin de débaucher d’autres femmes, ou filles, que l’on est assuré de trouver chez elle ; et il arrive souvent qu’elles poussent l’énormité de leur débauche si loin, que les parens, même, les plus proches, se trouvent meslez, et confondus dans leurs abominables dérèglements, elle est cependant bonne lingère. Ce Jacques Lauret fait sa résidence sur les Sables de St Paul, où il a 4 bœufs, il possède aussy environ 300 cabrits, qu’il dit faire élever à la Petite Ance, entre St Gilles et St Paul, proche La Caverne, mais ces cabrits s’élèvent d’eux même, aussy se sont ils rendus presque tous marons dans les montagnes d’alentour, de sorte qu’ils deviennent les cabrits publicq, et sans doute un jour, cela se multipliera si fort, que l’on y fera la chasse, sans qu’il puisse s’y opposer, car il ne sçaurait réclamer et dire estre à luy, des bestiaux, qui ne sont pas sur ses terres, qui sont sans marque, et qu’il ne prend pas soin d’élever, au surplus, cet homme cy est encor un de ces mutins, qui n’obéissent qu’à regret, et qui ont toujours quelque représentation à faire, lorsque l’on leur donne quelques ordres.


Jacques Lauret, le fils ⭐

Est un créol mulâtre, âgé de 25 ans, fils de celuy dont je viens de parler, mais qui a à beaucoup près de meilleures inclinations, que son père, qui a beaucoup perdu, lorsque ce fils s’est marié, car il estait le seul qui fit subsister la famille, et qui en prenait le soin, aussy ne l’a t il fait, que pour n’estre pas le témoin des débauches perpétuelles de sa maison, et pour qu’on ne luy imputat pas la faute d’une chose que son père authorisait. Ce Jacques Lauret icy, n’a pas d’éducation, comme il est facile de se l’imaginer, quand on a eu affaire à un père si peu soigneux, mais, avec cela, il est honnête homme, point ivrogne, bien craignant Dieu, sage, obéissant, et remply de bonnes volontés, pour ceux qui le veulent employer en se professions de charpentier et de menuisier, qu’il ne sçait pourtant pas trop bien, mais il fait ce qu’il peut ; il a pour épouse Ignace Vidot, dont il est le 2° mary ; c’est une créole à peu près blanche, qui pendant son veuvage ; a donné beaucoup de lieu de parler d’elle, et en effet, elle vivait d’une manière fort déréglée, car elle estait conduite par cette aimable personne dont j’ay parlé cy dessus ; mais depuis qu’elle est mariée, elle a changé de vie, et est très sage, elle ne manque point d’éducation, ny d’esprit, et est avec cela très bonne lingère, en sorte que son mary est fort content, il possède une bonne espace de terre à la montagne, mais qu’il nest pas en pouvoir de deffricher, non plus qu’un autre qu’il a au Vieux St Paul, qui est un des meilleurs terrains du quartier et n’a pour tous bestiaux que 4 chevaux.


Jacques Fontaine ⭐

Est un créol muâtre agé de 37 ans, celuy cy n’a pas moins de défauts que ses aures frères don j’ay cy devant parlé, car il est joueur, jureur, ivrogne, paresseux et grand putassier. C’est un drole, cependant, il est un des plus dégourdis de toute l’isle, et qui est très bon charpentier, mais cela est plongé dans un tel abisme de libertinage, que cela n’a autre chose en vue, aussy vit il misérablement, il n’a seulement pas eu le courage de se faire une mauvaise caze, pour se loger sur les Sables de St Paul, où il a demeuré pendant tout le temps que j’ay esté dans l’isle, laissant sa femme et ses enfants exposés à l’injure du temps, dans une petite cahute de rien découverte de toutes parts lesquels n’ont pas une chemise à se mettre sur le corps, et ne subsistent que des friponneries qu’il fait, et eux aussy aux habitans, ou que de quelques charités que les voisins leur font, ou que de quelques poissons que ces enfans pêchent eux même, à l’Étang, qu’ils font rostir sur les charbons. C’est à ces enfants à qui j’ay vu manger des araignées ; quelque temps avant que je sortis de l’isle, il avait pris le party d’aller demeurer à Ste Suzanne, où il a une belle habitation, mais à présent toute en friche, et garnie seulement d’une infinité de cannes de sucre, et abondament de patattes ; il se promettait, en y allant de la bien cultiver, à l’aide de sa femme, et de 2 grande filles dont l’une s’est fait faire un enfant par son frère Antoine Fontaine ; mais je croy que c’est par un motif tout différend, qu’il a pris ce party, et que c’est plustôt, pour avoir lieu d’estre plus en commodité de faire du frangorin, pour se saouler plus à son aise, tout le monde estant rebuté à St Paul de luy donner à boire. Il a pour épouse Hélène Proux, dont il est le deuxième mary ; c’est une créole mulatresse qui mène une vie tout à fait débordée, aussy ivrognesse que son mary est ivrogne, et de la société de cette Marie Anne Fontaine, sœur de son mary, dont je viens cy devant de faire le portrait, et je ne pourais redire de celle cy, que ce que j’ai fait connaître de l’autre, à moins qu’il ne fut possible de trouver quelque chose à ajouter à tous les crimes du monde, car elle les a tous connus ; cependant elle est assés laborieuse et c’estait elle, pendant qu’ils demeuraient à St Paul avec le secours de ses 2 grandes filles, dont elle est la commode, qui travaillait à cultiver quelque peu de ris, à l’habitation du Vieux St Paul, qui est, sans contredit, une des meilleures du quartier, cela les aydait un peu à se soutenir, mais non pas suffisament, pour nourrir 12 personnes qui sont dans cette famille, et de ces 12 personnes, il y a 10 enfants, et le père et la mère ; on peut facilement s’imaginer que ces enfans sont plustôt élevés en bestes, qu’en chrétiens, et que cela ne sera pas plustôt en âge de malfaire, que cela se jettera teste baissée dans le crime, à l’exemple de leur père et mètre ; ils ont encor un terrain considérable à la montagne, qui est en friche, et qui, selon toute apparence, y restera longtemps , je ne sçay pas même ce qu’il aura fait, quand il est allé à Ste Suzanne de 3 bœufs, et de 60 cabrits, qu’il possédait à St Paul, aparament, qu’il es aura vendus ; si cela est ; il est bien sûr, qu’il en aura eu bientôt disspié l’argent.


Jean Fontaine ⭐

Est un créol mulâre agé de 35 ans, frère de celuy dont je viens de parler ; et qui en a toutes les inclinations, à l’exception qu’il n’est pas fripon et que ses vices sont cachez sous un visage composé qui fait juger à ceux qui ne le connaissent pas, qu’il est très honnête homme, mais le fait est qu’il n’en vaut pas mieux, au contraire, car on peut se deffier d’un homme, qui n’a pas la physionnomie d’estre honnête homme, et on se laisse facilement surprendre par celuy, qui a l’aparrence de l’estre. Celuy cy profite bien de ce mauvais avantage ; car sous l’apparence d’une grande douceur, et de son zèle à se rendre serviable au public dans son métier de charpentier, qu’il sçait fort bien il s’insinue partout et trompe tout le monde ; cela luy fournit même l’occasion de suborner une quantité de femmes, en quoy il est fort adroit, et l’on prétend, qu’il n’en exempte pas ses parentes, même les plus proches, et pour s’éviter les reproches que sa femme luy pourait faire là dessus, ou pour n’avoir pas occasion de la voir, lorsqu’il a esté 8 ou 15 jours dehors, lorsqu’il rentre chez luy, il commence par faire beaucoup de bruit, et souvent la maltraite cruellement jusqu’à luy casser 2 ou 3 bâtons sur le corps ; il n’est pas plus indulgent à l’égard de ses Noirs ; il est le 2° mary de cette femme ; c’est une créole mulatresse, laquelle a eu 2 grandes filles de son premier mariage, sur lesquelles celuy cy exerce la même rigueur ; cette femme icy, est d’une grande douceur, et souffre patiemment tous les chagrins, que son mary luy donne, elle ne manque ny d’éducation, ny d’esprit, et élève très bien ses enfants, qui sont quatre, 3 filles et un garçon, elle est très soigneuse de son ménage, et fort bonne lingère, on prétend, cependant, qu’elle se vange quelque fois de son mary, mais cela n’est pas autrement vulgaire, et si cela est, on peut plustôt luy en attribuer la faute, qu’à elle, car il est certain qu’elle l’aime véritablement et que son inclination ne serait pas portée à la débauche, si son mary luy donnait quelque contentement, mais, il arrive souvent que ce sont les maris eux-mêmes qui s’attirent la disgrace qu’ils craignent le plus ; cet homme cy possède 2 Noirs et 2 Négresses avec lesquels il ne cultive pas toute la terre qu’il pourrait faire, surtout celle qu’il a au Vieux St Paul sur laquelle il ne recueille que quelque peu de ris et de cannes de sucre, avec quoy il sucre, tant que le frangorin dure chez luy, il possède n autre terrain à la montagne qui est en friche ; à quoy il s’occupe le plus, c’est à la charpente, encor ne travaille t il que par caprice. Il a cependant fait, à la longueur du temps une très belle maison, et des mieux construites du quartier, où il demeure située au Vieux St Paul, où il pourrait élever quantité de bestiaux, mais il ne s’y attache pas, et ceux qu’il a, ne consistent qu’en 4 bœufs, et 5 cochons, il est fort bien nipé, et propre chez luy, et peut avoir de 2 à 300 Ecus, mais cela ne vient pas de son labeur, c’est cette femme qu’il épousa, qu’il trouva fort à son aise, et dont il n’a pas commencé à dissiper le bien, ce drolle icy a la précaution pour que l’on ne trouve point à mordre sur son désordre de ne se laisser jamais surprendre du côté de la désobéissance, et est toujours le premier prêt, lorsqu’il s’agit de quelques corvées, ou travaux publics, et en ce cas, il en fait seul, autant que deux autres. Il n’y a pas, dans toute l’isle un meilleur furet pour découvrir les Noirs marons, et pourvu qu’il les approche à une lieue aux environs, il les sent et ne manque pas d’aller droit à l’endroit où ils sont. Aussy est il souvent employé à cela, et n’hésite jamais à le faire, et sans dire, comme la pluspart des autres : ce n’est pas mon tour.


Jean Gruchet

Est de Lizieux en Normandie, agé de 40 ans, il fut à l’Isle Bourbon, avec Monsieur de Vauboulon, où il a servy la Compagnie en qualité d’armurier, qui est sa profession, c’est un homme sans éducation, qui ne sçait ny lire ny écrire ; il n’en fut jamais vu, qui eut plus l’apparence d’un innocent, ou pour mieux dire d’une beste, que luy, mais qui en effet le soit moins, lorsqu’il s’établit, il ne sçavait point d’autre profession, que celle d’arquebuzier, à présent il est charpentier, menuisier, coutelier, serrurier, forgeron, taillandier, orphevre et fripon en toutes ces différentes vocations, aussy a t il gangé beaucoup de bien et est à présent un des plus riches habitans de l’isle, surtout en argent, car assurément, il doit avoir plus de 600 Ecus et avc cela des mieux nipés, et 5 Noirs et 4 Négresses. Je croy même estre fort modéré, en ne luy comptant que 6000 Ecus d’argent comptant, et très surement, il en a d’avantage, tout autre que luy, qui eut voulu estre aussy fripon, aurait sans doute gagné autant de bien, car il ne se fait pas scrupule, lorsque l’on luy donne 20 piastres pour faire une tasse de ne la rendre pezante que de 10 encor faut il payer la façon 4 Ecus, ou si c’est de l’or, et que l’on luy donne 20 sequins, pour faire une croix, il croit vous faire graces de la rendre pezante que de 3 ou 4, et il est arrivé, et je l’ay vu, que pour 35 sequins, il n’en a rendu que 7 pezans, et dit pour toutes raisons, ce n’est pas mon métier pourquoy me le faites vous faire, ou bien : votre or ne valait rien de cette manière, il est le voleur des voleurs mêmes car un philibustier qui veut faire présent à sa maitresse d’une croix d’or, ou de quelqu’autre bijoux, pas par là dessus. Ce qu’il de a de facheux, c’est que si un habitant a besoin de se faire faire une tasse, ou des cuillers, et fourchettes, il est obligé, malgré qu’il en ait ou de s’en passer, ou de se laisser impunément voler, avec cela il n’a jamais accomodé un fuzil, ny autre arme à aucun habitant qu’il n’aye fallu luy reporter 3 jours après, car il les gâte, au lieu de les accomoder, et trouve toujours quelques mauvaises raisons à dire ; il n’agit, pourtant en cela, que par pure malice, et pour faire venir l’eau au moulin, car il est très bon ouvrier, et le fait bien voir lorsqu’il a quelqu’amis, enfin, il en fait la même chose, dans toutes les autres professions et on peut dire, pour faire son panégyrique dans un mot qu’il est le voleur public ; en vérité, tout cecy, et bien d’autres choses dont j’ay parlé, et dont je parleray encor avant que de finir ce mémoire, méritent que l’on fasse attention à mettre un petit règlement de police à l’Isle Bourbon, car il semble, sur le pied qu’elle est aujourd’huy , que chaque habitant dans sa maison soit autant de petits souverains, qui taillent et coupent tout à leur fantaisie, sans avoir presque d’égard à l’autorité des gouverneurs lesquels souvent aussy ne savent pas se la maintenir, et se faire obéir, et craindre, quand il est de raison ; il ne faut à ces habitants là, absolument ny tort, ny grâce, car si l’on est trop facile, ils en abusent, et s’il on est trop méchant, ils sont rebelles, ainsy il faut fgarder un juste équilibre en cela, en ne leur pardonnant rien ny aussy les chagriner mal à propos. Ce Jean Gruchet icy est très laborieux et fort soigneux de la culture de ses terres, aussy fait il d’abondantes récoltes à la montagne, où il a cependant, à beaucoup près, plus de terres, qu’il n’est en état de cultiver ; il fait sa résidence, sur les Sables de St Paul, où il a des belles maisons du quartier, où il élève ses moutons, qui sont au nombre de 30, quant à ses autres bestiaux, qui consistent en 15 bœufs, et 130 cabrits, il les élève à St Gilles, à un lieu appelé Le Boucan du Canot. Il a dans ce même endroit une pièce de terre à la montagne en friche. Il a pour épouse Jeanne Bellon créole blanche, qui a eu d’assez bonnes éducations et qui prend grand soin d’élever 5 filles qu’elle a eu de son mariage, bonne femme, très laborieuse, et de qui l’on ne peut taxer la conduite, mais qui est vigoureuse aussy bien que ses autres sœurs les Bellon dont j’ay parlé, et devant qui son mary n’oserait branler. Au surplus cet homme cy n’est ny ivrogne, ny joueur, et est fort assidu au service divin, il affecte même une grande dévotion, qui véritablement édiffirait, si ses actions ne la démentaient pas, il est fort craintif et les seules menaces le font trembler depuis les pieds jusqu’à la teste, mais avec cela désobéissant, car il a toujours quelque maladie de commande, pour ne pas faire ce qui luy est ordonné.


Jean Hoareau ⭐

Est un créol blanc, âgé de 32 ans, qui a reçu d’aasez bonnes éducations, il sçait lire et écrire fort bien sa croyance, il est estait même prieur de la confrérie de Notre Dame de Mont Carmel, il est fort sage, très laborieux, bien obéissant sans bruit, bon charpentier, mais avec tout cela, il aime un peu à boire, sans pourtant estre ivrogne ; il a pour épouse Marie Anne Royer créole à peu près blanche, femme très sage, et de qui la conduite est sans reproche ; point médisante, conduisant avec beaucoup d’exactitude son ménage, et une des meilleures lingères de l’isle. Ils ont eu de ce mariage un petit garçon qui est encor fort jeune, mais dans lequel on reconnait de bonnes inclinations ; cet homme cy à l’aide de 2 Noirs et d’une Négresse, cultive une espace considérable de terrain ; mais celuy où il fait le plus de récolte, est aux environs de St Paul, car pour celuy qu’il possède à la montagne, il est presque tout en friche, n’ayant point assés de force pour le cultiver ; il fait sa résidence au Parc à Jacques, où il élève ses bestiaux, dont le nombre est de 25 bœufs, 6 cochons et 35 moutons, pour de l’argent comptant, je luy en croy fort peu. Sur ce même endroit où il demeure, il élève une vigne qu’il a planté depuis peu, qui fait fort bien, aussy en prend il grand soin, il est aussy un de ceux, qui l’ont des premiers a eu des oranges douces, et qui, même, en a le plus actuellement.


Laurent Payet

Est un créol mulatre, âgé de 26 ans, honnête homme, point querelleur, ny ivrogne, et qui a eu d’assés bonnes éducations, et qui est fort obéissant, et bon charpentier, mais ce sont de ces mal émus qu’il faut faire aller à coups d’eguillon ; il possède une quantité de terre que je ne croy pas qu’il soit jamais en état de cultiver, et surtout à la montagne, car il ne s’y prend pas bien pour cela, et il aime mieux s’occuper à faire un chapeau de feuilles de lataniers en quoy il excelle, qu’à cultiver sa terre, celle où il fait le peu de récolte, qui luy ayde à vivre, est situé au bord de l’Étang, et élève ses bestiaux au Parc à Jacques où il demeure, dont la quantité est de 12 bœufs, 10 cochons et 12 moutons, et peut avoir 200 Ecus d’argent comptant. Il a pour épouse Marie Hoareau, qui est une créole blanche fort simple, qui ne se mesle que de coudre en quoy elle réussit fort bien ; elle a cependant eu de fort bonnes éducations, et est encor aujourd’huy quoyque mariée sous la discipline de la Cauzan, et delà, l’on peut conclure qu’elle a toute la vertu possible ; ils ont eu de ce mariage un petit garçon qui est encor tout jeune.


Louis Caron ⭐

Est un Bas Breton âgé de 68 ans, insigne et mauvais ivrogne, qui ne se saoule jamais qu’il ne fasse un tapage enragé, mais avec cela bon chrétien, bien obéissant, fort laborieux, et qui hors le vin, est très honnête homme, quoy que sans éducation, il est un de ces anciens de Madagascar où il a servy de soldat, je ne luy connais point même d’autre métier ; il a pour épouse Monique Perera Indienne, glorieuse comme le sont toutes celles de ce pays là, quoy que sans sçavoir faire, et sans aucune éducation, toute vieille même qu’elle est elle ne laisse pas de faire parler encor d’elle ; mais les blancs n’en voulant plus, elle est obligé de se donner aux Noirs, encor à ceux qui en veulent bien, elle a deux grande filles qui suivent exactement ses traces, et qui n’ont aucunes bonnes éducations, non plus que 4 grands garçons, avec lesquels et 3 Noirs, et une Négresse ledit Louis Caron cultive toutes ses terres, qui luy produisent de quoy vivre fort à son aise, toutes celles qu’il possède, sont dans les bas, et point du tout à la montagne, il élève ses bestiaux aux lieu même où il demeure au Vieux St Paul, lesquels sont 10 bœufs, 20 cochons, 200 cabrits et 5 chevaux, pour de l’argent comptant, je ne luy croy pas plus de 100 Ecus, il ne laisse pas de faire profit de ses chevaux, les louant à ceux qui en ont besoin 20s par jour .


Manuel Texer ⭐

Est un Portuguais des Indes, mulâtre âgé de 43 ans, glorieux et fainéant, comme se dont ordinairement tous les Portuguais. Il a cependant eu d’aasés bonnes éducations, il sçait lire et écrire et ne dessine pas mal, il sçait même quelque chose du latin, et se mesle un peu de la chirurgie et de la médecine, qu’il se persuade de sçavoir à fond, la vérité est qu’il ne saigne pas mal, mais c’est ce qu’il sçait le mieux. Il est assez bon menuisier et charpentier, point ivrogne et fort dévot, mais avec cela, d’une avarice, qui approche de la juifrerie, et grand diseur de pas grand chose, faisant le beau discoureur et l’habile homme, mais ce qu’il croit de trop sçavoir ne le fait passer, que pour une beste dans l’esprit des gens bien sensés ; il est aussy un de ceux qui se soustraient à l’obéissance, ayant toujours quelque grand raisonnement à faire, lorsqu’il luy est commandé quelque chose ; il a pour épouse Anne Nativel, créole mûlatresse, qui ne manque point d’esprit, ny d’éducation, bonne couturière, et dont on ne peut sans médisance attaquer la vertu, mais à l’exemple de son mary grande paresseuse. Ils ont 9 enfants, 5 garçons et 4 filles, presque tous grands qui sont autant de bestes pour l’esprit, il sçavent cependant lire, et très bien leur doctrine, et avec cela très sages, dans ce nombre d’enfants, il en faut distinguer la fille ainée qui peut avoir environ 20 ans, à laquelle ce père s’est attaché à donner une éducation différente de ses autres enfants, elle sçait très bien lire et écrier et dessigner, très bonne lingère et brode en perfection, c’est elle même qui a fait tous ses desseins, elle a fait des broderies tant en soye qu’en or, et argent à l’aiguille aussy bien qu’il est possible de faire en France, après avoir longtemps appris. Ce père est si infatué du mérite de sa fille, qu’il a refusé tous les partys qui se sont présentés, se persuadant qu’il n’y en avait point qui luy fut sortable, dont cette fille n’est pas fort content ; aussy sçait elle profiter de ses jeunes ans, malgré l’éloignement qu’il y a de cette maison à aucun autre voisin, et tout argus que soit son père ; il demeure à La Possession du Roy, entre St Paul et St Denis, de sorte que le plus proche de ses voisins est éloigné de trois lieues de luy, mais il y a dans cette isle de bons piétons, qui marchent aussy bien la nuit que le jour. Cet endroit est appelé La Possession du Roy, parce que c’est le premier endroit, où les armes du Roy ont esté plantées par Mr de la Haye lorsque les français ont pris possession de l’isle, ce lieu est des plus propres pour toutes choses, il y a dans le bois une belle habitation, où l’on peut faire d’abondantes récoltes si elle était bien cultivée, avec cela, il y a abondance d’herbes et de lataniers pour élever toutes sortes de bestiaux, et surtout des moutons, où l’on en élèverait tant que l’on voudrait, sans craindre d’estre volé par les voisins, mais l’avarice de cet homme, a fait qu’il n’a pas voulu faire la dépense d’acheter des souches, quoy qu’il soit dans le moyen de le faire, et qui luy auraient considérablement profité depuis qu’il y a des moutons sur cette isle, le nombre de ces autres bestiaux, est de 20 bœufs, 20 cochons et 12 chevaux, il loue ces derniers un Ecu pour faire le voyage de là à St Paul, lorsque venant de St Denis on débarque à La Possession, outre cela, il fait encor un grand profit des passans ; parce qu’allant de St Paul à St Denis, ou de St Denis à St Paul, ce lieu estant presque la moitié chemin, on ne manque jamais de s’y arrêter pour boire et manger, et quelque fois même l’on y couche, ce qu’il fait payer avec usure. Aussy est il fort à son aise, et outre qu’il est très bien nipé, il peut avoir d’argent comptant plus de 1500 Ecus, il possède un terrain extraordinairement grand à la montagne qui est en friche, se contentant de cultiver en partie, celle, qu’il a en bas, et à sa porte, ce qui prouve manifestement qu’il est un vray paresseux, car avec ce grand nombre d’enfants, et 2 Noirs et une Négresse qu’il possède il devrait faire de grands défrichés à la montagne, comme en font ceux qui n’ont pas à beaucoup près de si grandes forces.


Marie Touchart ⭐

Est une créole mûlatresse âgée de 30 ans, veuve d’Henry Grimauld qui s’estait embarqué, luy et sa famille, en 1701 sur les vaisseaux de la Princesse et le Bourbon, pour aller à Surate, pour de là passer en France sur les mêmes vaisseaux ; mais ledit Grimauld estant mort à Calicut, cette femme, au retour de ces vaisseaux à l’Isle Bourbon s’y débarqua avec 3 enfants : 2 garçons et une fille, et fut demeurer chez son père Athanaze Touchard, où elle a resté pendant quelques années se comportant très sagement et même d’une grande dévotion, ne s’occupant que du soin de prier Dieu, et de bien élever ses enfants, auxquels elle donne de bonnes éducations, et on la citait pour exemple de sagesse et de vertu, mais enfin, aparament que l’état de veuve ne luy plaisant pas, et ne voulant point aussy se mettre sous le joug d’un mary, elle prit le prétexte, pour sortir de chez son père, de dire qu’elle voulait faire profiter son bien et celuy de ses enfants qui consiste en 6000 Ecus que son mary luy laissa, lorsqu’il mourut, et que pour cela, il fallait qu’elle fût demeurer sur les Sables, où elle serait plus en commodité de le faire, elle y demanda un emplacement qui luy fut accordé, et la suite a fait voir qu’elle avait un autre dessein en quittant la maison de son père, ce n’estait que pour avoir plus de liberté dans le libertinage, et dans la mauvaise vie qu’elle avait envie de mener, car elle ne fut pas plustôt sur les sables, qu’elle se fit faire un enfant, dont elle accoucha quelques jours avant le départ du St Louis ; l’on a même voulu attribuer cet enfant à de certaines personnes, qui sont peut être celles qui y ont le moins de part. Cette femme ne possède aucune terre en propre autre que cet emplacement sur les Sables, qui est seulement pour bastir une maison, et subsiste sur les terres de son père qu’elle ayde à cultiver par 2 Noirs et 3 Négresses qu’elle possède, elle a aussy 12 boeufs qui sont élevés à St Gilles, avec les bestiaux de son père.


Magdeleine Bellon

Est une créole blanche âgée de 30 ans veuve d’Elie le Breton, brave femme fort dévote, très laborieuse, mais sans éducation et borgnesse, elle a beaucoup de peine à vivre, son mary estant un ivrogne et un paresseux qui le luy a rien laissé que 6 enfants : 3 garçons et 3 filles, qui sont tous fort sages, mais sans éducation ; ceux qui sont un peu grands, luy aydent à travailler, et font subsister les autre, elle fait sa résidence sur les Sables de St Paul, où elle a pour tous bestiaux 12 cochons, et point d’argent comptant, elle n’a même d’habillement, non plus que ses enfants, que de la charité de ses parents et surtout de sa sœur Anne Bellon femme de Jacques Beda, elle possède un terrain considérable, et des meilleurs de la montagne, au dessus de St Paul, mais qu’elle n’est pas en pouvoir ny en état de cultiver ; la terre où elle fait sa petite récolte, est située au bord de l’étang ce qui luy donne la facilité d’y travailler.


Pierre Cadet

Est un créol à peu près blanc, âgé de 17 ans, lequel quoy que sans beaucoup d’éducation, ne laisse pas d’estre fort hommête homme, et de vivre très sagement, et pieusement avec cela très obéissant, qui ne manque pas d’esprit, très bon charpentier, et qui n’a point d’autre défaut que celuy d’être paresseux, il a depuis peu épousé Françoise Lautrec créole mulatresse comme luy, à peu près blanche, qui est aussy fort sage, et bonne couturière, il a eu de ce mariage une petite fille qui est encor toute jeune, il ne possède aucune terre, bestiaux ny Noirs en propre, et vit en communauté avec sa belle mère Sabine Rabelle dont il ayde à cultiver les terres, il peut avoir 50 Ecus d’argent comptant, et est assés bien nipé.


Pierre Noel

Est un créol blanc, de St Christophle, à la Martinique, âgé de 35 ans, homme sans aucunes éducations, et point d’autre profession que celle de pêcheur, et de faire fort bien les filets, en quoy il est fort entendu, mais paresseux, joueur et ivrogne au possible, taquin, mauvais querelleur, et qui n’obéit pas volontiers, et avec cela très fripon des vivres de ses voisins, pillant luy et ses enfants, toutes les habitations dans les montagnes, où il a une espace considérable de terrain, qu’il laisse par paresse en friche, quoy qu’il pût vivre très à son aise de ses propres forces, car outre qu’il a 4 garçons et 2 filles, il possède encor 3 Noirs et 3 Négresses, avec lesquels il pourrait cultiver considérablement du terrain, et vivre commodément, ses enfants sont mal eslévés, point d’éducation, ne sçavent pas même leurs prières, qu’il ne sçait pas luy même, libertins et débauchés, et n’ont point d’autre talent, que d’estre de grands fripons, et connus pour cela, de tous les habitans, ils sont même société avec ceux de Jacques Lauret, dont celuy cy a épousé la fille, qui se nomme Marie Lauret, c’est une créole mûlatresse, qui est de la société de cette Marie Anne Fontaine, femme de Jacques Lauret de laquelle j’ay cy dessus parlé, et l’on ne peut dire laquelle de ces deux femmes est la plus débauchée, car celle cy est ivrognesse, jureuse jusqu’au blasphème, et publique à tous ceux qui en veulent. Enfin, il serait difficile d’exprimer jusqu’à quel excès cette femme pousse son libertinage. C’est cet homme cy qui a esté esclave à la Coste Natalle et qui en parle parfaitement la langue ; il fait sa résidence sur les Sables de St Paul, où il élève quelques bestiaux, dont le nombre est de 5 bœufs, 8 cochons et 25 cabrits, pour de l’argent comptant il est trop peu ménager, pour s’en estre conservé quoy qu’il eut plus de 2000 Ecus, lorsqu’il se débarqua à l’Isle Bourbon d’un vaisseau fourban en 1701 : il est bon que l’on sçache que c’est chez cet homme qu’est décédé subitement le nommé Pitre Napé philibustier dont la Compagnie a hérité ; le sieur Guy Dumesnil m’a dit luy avoir fait une ceinture, dans laquelle il y avait 2200 sequins venitiens, et d’autres m’ont dit les avoir vus, et cela ne s’estant point trouvé au décès dudit Pitre Napé, l’on a soubçonné ce Pierre Noel d’avoir détourné cette ceinture ; cela est d’autant plus vraysemblable, qu’il a depuis demandé à sortir de l’isle, pour se retirer à Pondichéry, ce que l’on n’a pas voulu luy permettre, pour voir, si par la suite, on ne découvrirait point quelque chose, pendant tout le temps que j’ay resté à l’isle, je me suis fort attaché à voir si je ne luy verrais pas faire quelque acquisition nouvelle ou quelques dépenses extraordinaires ce que je n’ay point reconnu, sans pourtant luy avoir jamais fait connaître que je le soubçonnais en rien ; mais il aura sans doute attendu que Monsieur de Villers et moy fussions hors de l’isle, pour se servir de cet argent, supposé qu’il l’aye pris, car celuy qui est mort, peut l’avoir caché, et enterré sans que celuy cy l’aye sçu, et c’est assés la coutume des philibustiers mais la grande confiance que je sçay que ce Pitre Nape avant en luy, me fait plustôt croire qu’il luy aura donné à luy même à cacher, et qu’estant mort subitement, il se sera aproprié cette somme. S’il est assés fol, pour le faire paraître, il n’en sera pas mieux, que lorsque nous y estions, et il n’en profitera pas plus pour cela, car j’en ay donné avis à Messieurs de Charanville, et d’Harambourcq. Ce sera à eux de faire là dessus leurs diligences, sils s’aperçoivent de quelque chose.


Pierre Hibon

Est de Calais, âgé de 66 ans, c’est même un de ces anciens de Madagascar. Il est potier de terre, et maçon de sa profession. Cet homme cy est fort entendu, qui a eu de bonnes éducations, qui sçait très bien lire et écrire, et parfaitement l’arithmétique, avec cela homme de bon conseil, équitable dans ses avis, et qui ne parle qu’avec beaucoup de poids, et après avoir bien digéré ce qu’il doit dire, il est un des meilleurs travailleurs, des plus laborieux et le plus riche de toute l’isle, car l’on ne luy compte as moins que 20 à 25000 Ecus d’argent comptant ; enfin à l’avarice près, il serait fort honnête homme mais son avarice est si grande qu’elle détruit beaucoup de ses bonnes qualités, et il est bien sûr qu’on ne verra paraitre au jour le nombre de ses écus, qu’après qu’il sera mort. J’ay vu que par plaisir des habitants on fait des marques à des pièces d’argent, en les envoyant chez luy, qui n’ont jamais reparu ; il a pour épouse Jeanne Lacroix de Boulogne, qui n’est pas moins laborieuse que luy, ny aussy moins avaricieuse, car elle a mieux aimé garder un flux de sang six ans durant, que de dépenser quelque chose pour se faire traiter par un chirurgien ; je ne croy pas qu’il fut jamais une dévergondée, ny plus dissolue en paroles, ny qui ait la langue plus médisante que cette femme ce que son mary n’a jamais pu venir à bout de réprimer, il a 4 grands garçons et 2 grandes filles 10 Noirs et 6 Négresses, presque tous créols, il n’est pas possible de s’imaginer le travil qui se fait dans cette maison, avec ce nombre de personnes car il n’y en a pas un qui n’ait le cœur porté au travail, et même ses garçons sont vulgairement appelés les loups du bois, car ils y sont toujours et il leur est aussy extraordinaire de coucher chez eux qu’à d’autres de coucher dehors, car supposez, qu’ils ne soient pas dans les bois, ils vont coucher au bord de la mer, pour attendre la tortue, lorsqu’elle bien à terre pour y pondre, de sorte que cs gens travaillent jour et nuit, sans avoir jamais couché dans un lit, avec cela ils sont tous bons charpentiers et menuisiers, aussy sont ils établis, et logés mieux que personne de l’isle, et cultivent deux des plus considérables déffriches de toute l’isle à la montagne ; où ils ont, cependant malgré leurs grandes forces, à beaucoup près plus de terre qu’ils ne peuvent en cultiver, quand même, ils auraient dix fois plus de Noirs qu’ils en possèdent ; outre cela, ils cultivent dans toute son étendue une habitation considérable, au bord de l’Étang où ils demeurent, ils font de si abondantes récoltes dans tous ces endroits, que du surplus de leur nécessaire, quoy qu’ils vivent splendidement, ils font plus de 500 Ecus de leurs seules denrées, volailles et légumes, non compris plus de 1000 callebasses de frangorin, qu’ils vendent 30s pièce, et plus de 500 bouteilles d’eau de vie de sucre qu’ils vendent un Ecu la bouteille, et lorsque l’on achète les pains blancs de froment tous faits, ils le vendent 30s pesant 4 livres, en sorte que ces gens font constamment, tous les ans, plus de 1500 Ecus de revenu de leurs habitations ; il a fait voir qu’il possédait parfaitement la profession de maçon lorsque l’on a construit une nouvelle église de pierre au quartier de St Paul, dont il fut le Maistre maçon de la maison et du magasin de pierre que la Compagnie possède au quartier de St Denis ; quant à leurs bestiaux, ils les élève au Boucan de L’aleu qu’il a acheté de la Compagnie , dont le nombre est de 30 boeufs, 20 moutons et 10 cochons, il faut considérer qu’il ne possède pas un plus grand nombre de bestiaux, que c’est qu’il n’a point jusqu’icy de lieu propre pour cela ; mais bientôt l’on verra, qu’il en sera mieux fourni que les autres habitants, qui ont longtems commencé avant, il possède au même lieu, Boucan de Laleu, considérablement de terrain à la montagne ; où il n’a pas encore eu le temps de faire de deffrichez, et qu’il ne peut quoy qu’il fasse défricher la dixième partie du terrain qu’il possède dans cet endroit ; les deux filles de cette maison n’ont pas mon d’inclination au travail que leurs frères, et outre qu’elles font comme eux, les travaux pénibles, elles ne laissent pas de filer le coton, dont elles font elles même des pièces de toile, qui ont 2 ou 300 aunes, et d’un fort bon usé, la vérité est que ces filles se récompensent la nuit de leurs peines du jour, car elles sont fort libertines, et sous le prétexte d’aller à la pesche à l’étang, elles vont souvent à la chasse, et prennent si bien leurs mesures qu’elles ne manquent point le gibier au giste, ces gens icy savent encor faire profit de cette pesche, ils s’occupent à cela, les festes et dimanches, ou quand ils n’ont rien à faire, cela leur sert de divertissement, mais ils ne laissent pas que de faire de bonnes salaisons de ce poisson, et le vendent aux vaisseaux, qui passent à l’isle, enfin, ils font argent de tout, et n’en dépensent pas quoy que ce soit ; pour sçavoir quelle est la récolte de ces gens icy, il n’en faut pas juger par le recensement, car pour ne pas paraître riches, ils n’accusent jamais le quart de ce qu’ils recueillent, non plus que la plupart des habitans richards, qui vivent avec la même avarice que celui cy ; j’obmettais à dire que l’on ne pouvait manquer de distribuer quantité de pieds de poivrier à cet homme cy, qui assurément les fera profiter aussy bien qu’aucune autre personne à qui l’on en pourra donner, aussy bien que toutes les autres choses, que l’on enverra pour le nouvel établissement, que l’on veut faire à l’Isle Bourbon.


Pierre Parny

Est de Bourgogne, agé de 32 ans ; il fut à l’Isle Bourbon, avec Monsieur de la Cour, dont il estait le domestique, il est boulanger de profession. Cet homme cy a eu de bonnes éducations, et sçait lire et écrire, et ne manque point d’esprit, et a même esté fabrice de la Paroisse de St Paul, mais malin comme un asne rouge, mutin désobéissant, grand raisonneur, vivant de mésintelleigence avec sa femme, et avec toute sa famille, cruel jusqu’à la barabarie, à l’égard des ses Noirs, les maltraitant à tort et à travers, sans raison, et sans leur vouloir donner leur subsistance ; aussy a t il beaucoup de peine à s’en conserver quelques, ils sont presque toujours marons, il en a même eu un de pendu, et cela bien plutôt, par sa faute, que par celle de ces pauvres Noirs, que l’on ne peut, cependant, s’empêcher de châtier lorsqu’ils ont tombé dans quelque grande faute ; avec toutes ces mauvaises qualités, il ne laisse pas d’estre très laborieux, et à l’aide de 4 Noirs et 3 Négresses qu’il possède ; il cultive suffisament de la terre pour vivre très commodément, il en possède à la montagne un espace considérable, dont il n’y a pas la dixième partie de défrichée, je croy que si l’on luy délivre des pieds de poivrier, qu’il en aura soin, il fait sa résidence sur les Sables de St Paul, et fait élever ses bestiaux à St Gilles, à un lieu appelé l’Hermitage dont le nombre est de 500 cabrits, 12 bœufs, 40 cochons et 10 moutons, et peu avoir 3 ou 400 Ecus d’argent comptant ; il a pour épouse Barbe Mussard créole blanche, qui ne manque point d’esprit, ny d’éducation, et dont l’on ne peut rien dire du costé de la vertu ; mais d’un esprit maussade et farouche, qui serait fâchée si elle se croyait une amie au monde, querelleuse et emportée, encor plus cruelle à ses Noirs que son mary, dont elle est aussy bien la maîtresse que des autres, aussy vivent ils comme chiens et chats, ils ont eu de ce mariage trois enfants : 2 garçons et une fille, qui sont encor fort jeunes, et dont on ne peut jusqu’à présent sçavoir quelle sera l’éducation que de si bons père et mère leur donneront.


Pierre Bouché

Est de Nantes, agé de 39 ans, resté à l’Isle Bourbon en 1706 au mois de décembre, d’un vaisseau fourban. Cet homme est sans éducation, il ne sçait même, ny lire, ny écrire et n’a point d’autre profession que celle de bon matelot ; d’ailleurs très honnête homme, bien craignant Dieu, et très obéissant, point ivrogne, ny joueur, et très laborieux, mais insigne avare, lorsqu’il s’établit à l’Isle Bourbon, il acheta les habitations, et les esclaves d’Antoine Cadet, qui passa avec toute sa famille à Pondichéry, sur le vaisseau Le St Louis au mois de may 1708. Il a pour épouse Luce Payet créole mulatresse, qui est une femme d’une grande simplicité, mais avec cela fort sage, et dont la conduite est sans reproche, et très bonne lingère, il a eu de ce mariage un petit garçon qui est encore fort jeune. Cet homme icy possède quantité de terres, tant aux montagnes, que dans les bas, celle qu’il possède à la montagne, en plusieurs endroits, est pour la plupart en friche, nestant pas en pouvoir, ny à beaucoup près de la déffricher, et cultiver tout à fait ; il fait presque toutes ses récoltes dans les terres qu’il possède dans les bas, qu’il fait très bien profiter, employant utilement 7 Noirs, et une Négresse, aussy vit il très commodément, et fait beaucoup de profit du surplus de son nécessaire ; on ne peut manquer de luy remettre des pieds de poivrier, car il en aura très surement soin ; il fait sa résidence au Vieux St Paul, où il cultive avec beaucoup de soin une vigne qui produit déjà du raisin, quoy qu’il y ait fort peu de temps, qu’elle soit plantée ; sur ce même endroit il élève partie de ses bestiaux, et l’autre partie à la Pointe du Gallet lesquels consistent à 15 bœufs, 60 moutons, 60 cochons, 130 cabrits et un cheval, il peut avoir 5 à 600 Ecus d’argent comptant.


Pierre Gonneau

Est de Nevers, âgé de 46 ans, il fut à l’Isle de Bourbon avec Monsieur de Vauboulon, où il a servi la Compagnie en qualité de serrurier, il possède ce métier en perfection, il a eu de très bonnes éducations, il sçait lire et écrire, il est fort industrieux, et aime sa profession, il est enseigne du quartier de St Paul, quoy qu’indigne et incapable de l’estre, car c’est un franc ivrogne, et il ne s’est jamais trouvé d’occasion, où les habitans ayant esté obligés de prendre les armes, soit pour faire la garde, lorsqu’il parait quelque vaisseau, ou pour quelque feste solennelle, qu’il n’y soit venu ivre, et hors d’état d’exécuter, aucun ordre ; avec cela mutin, et désobéissant au possible, querelleur, et qui a toujours quelque différend, surtout avec ceux qui le commandent, dont il ne peut souffrir l’autorité, d’ailleurs très libertin, du côté des femmes et d’une grande mésintelligence avec toute sa famille, de la dernière cruauté avec ses Noirs, aussy n’en a t il pu conserver aucun jusqu’à présent ; il a pour épous Marie Anne Mussard créole blanche, qui est très bien élevée, qui a beaucoup à souffrir de la mauvaise humeur de son mary, qui la maltraite cruellement, sans raison, car elle est très sage, et d’une grande douceur, et à laquelle on ne peut rien reprocher du costé de la vertu, elle prend grand soin de sa famille et élève tous ses enfants avec beaucoup de soin. Ils sont 4 sçavoir : 3 garçons et une fille, auxquels le mère n’oublie rien pour leur donner une bonne éducation. C’est aussy la seule bonne qualité qu’il aye. Il ne possède aucune terre en propre, que le seul endroit, où il demeure sur les Sables, où il eslève quelques bestiaux, dont le nombre est de 12 boeufs et 15 moutons, et ne fait presqu’aucune récolte, achetant tout ce qui luy est nécessaire pour vivre de ce qu’il peut gâgner à sa forge, ce qui luy est plus que suffisant ; car outre qu’il fait des serrures, il fait encor des haches, des couteaux et autres choses nécessaires, et pour l’utilité des habitans, il manque cependant d’outils, et surtout de limes ; il peut avoir d’argent comptant 6 ou 700 Ecus.


Romain Royer

Est un créol, à peu près blanc, âgé de 23 ans, homme sans éducation et sans sçavoir vivre, ivrogne et le plus franc paresseux de toute l’isle, quoyque fort adroit et habilt charpentier, qui d’ailleurs n’a pas de mauvaises inclinations, c’est une bonne beste, que l’on mène assés comme on veut. Il a pour épouse Anne Rivière creole à peu près blanche, qui est une des femmes de toute l’isle, qui a le plus d’esprit de fort bonne manières, et qui est fort bonne lingère et qui avec cela, a le talent d’estre une des plus grandes débauchées de toute l’isle, et qui croirait avoir fait un grand pêché mortel, si elle avait refusé le premier homme qui se présente à elle, elle est même de cotterie, avec cette Marie Anne Fontaine dont j’ay si bien parlé, cy devant, et quoy que son mary se pique d’une grande jalousie, et d’estre difficile à tromper, elle fait si bien en sorte, avec un air composé, et une grande douceur dans l’humeur de se donner tous ces infâmes et sales plaisirs, sans que son mary aye lieu de se plaindre d’elle, car elle prend le soin de le faire yvrer, ce qu’il aime beaucoup à faire par quelqu’un de ses ruffiens, pendant qu’elle se divertit avec les autres, outre que cet homme n’ayant point de bestiaux, ny ne cultivant point une bonne espace de terre qu’il possède à la montagne, il ne vit que de la chasse et que de la tortue, elle sçait profiter des moments qu’il est à l’n ou à l’autre de ces endroits ; en un mot c’est une publique ; ils ont eu de ce mariage un petit garçon, qui est encor fort jeune, et qui sera, sans doute mal élevé. Ils sont assés bien nipés et peuvent avoir 200 Ecus d’argent comptant que cette femme a acquis par son labeur, et n’ont paspour tous esclaves, qu’une petite Négresse et pour tous bestiaux qu’un cheval.


Simon de Vau

Est de Picardie, âgé de 30 ans, resté à l’Isle Bourbon d’un vaisseau fourban en 1701. Il a pour épouse Anne Royer créole blanche, femme qui comme luy est sans éducation, mais avec cette différence qu’elle est très simple, très sage et fort vertueuse, mais luy est fol, jureur d’habitude, ivrogne et paresseux, sans autre profession que celle de matelot, il n’est pourtant pas mauvais, et ne manque point d’obéissance, avec cela fort serviable pour tous ceux qui le veulent employer, et surtout ceux qui luy veulent donner à boire ; en ce cas il travaille comme quatre, et n’est paresseux, que pour ce qui le regarde. Il a deux enfants garçons, qui sont encor fort jeunes auxquels il est à croire qu’il ne s’attachera pas beaucoup à donner de l’éducation ; il possède une pièce de terre très considérable à la montagne, de laquelle il ne peut cultiver qu’une petite partie n’ayant qu’un seul Noir, aussy fait il peu de récolte et a beaucoup de peine à vivre. Il a pour tout bestiaux un seul bœuf portant, et point du tout d’argent comptant, quoy qu’il eut plus de 1800 Ecus, lorsqu’il se débarque, et qu’il a tout dissipé, sans avoir la précaution de se pourvoir au moins de quelques nipes, dont luy et sa famille sont aujourd’huy dans les derniers besoins.


Sabine Rabelle ⭐

Est une Portuguaise des Indes mulâtresse, âgée de 53 ans, veuve de François Lautrec, elle est borgnesse, et même presque aveugle, cette femme est sans éducation, mais fort bonne personne, vivant très chrétiennement, et fort laborieuse malgré son incommodité, et à l’aide d’un seul Noir, et d’une petite fille, elle cultive suffisamment de la terre, pour vivre commodément, et vend même du bled, du surplus de son nécessaire, avec cela, elle a le soin d’amasser du coton, qu’elle fait filer à sa fille, et vend ce fil, à qui en veut, ce qui suffit, pour fournir à son entretien, elle ferait beaucoup plus, si elle estait aidée d’un grand coquin de garçon qu’elle a, appelé François Lautrec, qui est très bon charpentier et menuisier ; mais ce vaurien est un paresseux, qui n’approche non plus de la maison de sa mère, que s’il n’en estait pas, et qui ne bouge jour et nuit de chez un certain Pierre Noel, avec la femme duquel, il a un commerce public, et connu de tout le monde, et où il mène une vie molle et fainéante, sans se donner aucun mouvement, pour ce qui regarde sa famille, et sans avoir égard à l’incommodité de sa mère. Cette femme possède une espace de terrain considérable à la montagne, qu’elle ne sera jamais en état de cultiver ; elle fait sa résidence au bord de l’Étang, au pied de la montagne, où elle a cinq bœufs pour tous bestiaux, elle possède aussy une vigne auprès de La Caverne laquelle vient comme il plait à Dieu, sans que l’on en prenne aucun soin, aussy est elle toute en bois, et ne produit que quelques raisins sauvages qui se meslent, pesle mesle, avec les autres arbres.


Thérèse Soa ⭐

Est une Négresse de Madagascar, âgée de 60 ans veuve de François Nativel ; cette femme est sans aucune éducation, mais fort bonne femme, très dévote, et laborieuse au possible, elle a 3 grands garçons, l’aîné, qui se nomme Joseph Nativel, est un débauché, ivrogne, paresseux et a donné à la gueuse, quoyque, cependant bon charpentier, le second, qui s’appelle René Nativel est un grand sournois, mal émû, aussy paresseux que son frère, mais point débauché, parce qu’il n’a pas l’esprit de l’estre, le troisième est Pierre Nativel, qui est un garçon fort spirituel, bien craignant Dieu, sage tout ce qui se peut, bon charpentier, et très laborieux. Outre ces garçons, cette femme possède encor 2 Noirs, et une Négresse, avec ce nombre de personnes, elle cultive une habitation considérable située au Vieux St Paul, où elle demeure, et où elle fait, sans beaucoup de peine, plus de vivres, que pour son nécessaire, elle a aussy à la montagne une espace très grande de terrain, mais qui reste en friche, par la paresse et la négligence de ses enfants ; quant à ses bestiaux, dont le nombre est de 1 boeuf, 40 cochons et 200 cabrits, elle les fait élever au Piton, proche la Rivière du Gallet. Pour l’argent comptant je luy en croy fort peu.


Thérèse Heros ⭐

Est une mulâtresse des Indes, âgée de 38 ans, veuve de François Rivière, qui est fort bien élevée et qui a de très bonnes manières, mais elle ne les met en usage, que pour mal faire, car c’est une femme abandonnée, qui a fait deux enfants depuis son veuvage ; et qui est la commode de l’aisnée de ses filles, appelée Radegonde, aussy bien que de son autre fille Anne Rivière, dont j’ay cy devant parlé, et qui est mariée à Romain Royer, car c’est chez cette mère, où l’on va, et à qui l’on s’adresse, pour voir ses filles, en un mot, c’est le bordel de correspondance avec cette Marie Anne Fontaine, femme de Jacques Lauret ; cette femme a d’enfans : 2 grands garçons, qui sont sages, très laborieux, et fort bien instruits, elle ne laisse pas d’avoir ce soin, toute débauchée qu’elle est, 4 filles, 2 légitimes dont l’aisnée à l’exemple de sa mère, est une débauchée, la seconde est boiteuse, quant aux deux autres qui sont batardes, elle sont encor fort petites ; l’aisnée de ces batardes est repassée en France sur le St Louis ; cette femme au milieu de toutes ses débauches, est très laborieuse, et avec le secours de ses 2 garçons et d’un Noir, cultive avec beaucoup de soin une habitation à la montagne, où elle cultive suffisament de quoy se nourrir ; outre cela elle blanchit, et fait filer ses petites filles, en sorte qu’elle gâgne un peu d’un costé, et un peu de l’autre, de quoy bien entretenir sa famille, l’espace de terrain qu’elle possède à la montagne, est de beaucoup plus grande qu’elle ne la peut cultiver. L’endroit où elle demeure, est situé au bord de l’Étang, au pied de la montagne, où elle possède encor un petit morceau de terre, sur lequel elle élève ses bestiaux, dont le nombre est de 15 moutons, et un bœuf portant pour de l’argent comptant, je luy en croy fort peu.


Thérèse Mollet

Est une créole blanche, âgée de 35 ans dont le mary, nommé Robert Dehalle est aux galères pour l’affaire de Monsieur de Vauboulon. Cette femme est fort laborieuse, et très sage, sur la conduite de laquelle il n’y a rien à dire, si ce n’est qu’elle n’a pas assés d’exactitude sur celle de 2 grandes filles qu’elle a, qui sont tout à fait débauchées ; elle possède un espace considérable de terrain à la montagne, dont il n’y a que partie de deffriché, ne pouvant avec 3 Noirs, et 2 Négresses la cultiver dans son entier, mais suffisamment pour vivre très à son aise, et fait même beaucoup de profit du surplus de son nécessaire, car elle a d’argent comptant plus de 200 Ecus, elle est d’ne si grande avarice, qu’elle n’a jamais voulu confier 200 Ecus à Messieurs Lavante et Calvarin missionnaires pour retirer son homme des galères, ce qu’ils s’offraient de pouvoir faire avec cette somme et ont même écrit depuis leur retour en France, qu’ils l’auraient fait, si cette femme leur avait voulu remettre cette somme ; elle fait sa résidence sur les Sables de St Paul, où elle élève quantité de volailles, et 4 moutons, elle a aussy 8 bœufs, qu’elle fait élever avec ceux de son beau père Pierre Hibon, au Boucan de Laleu.


Thomas Elgar

Est de Londres âgé de 28 ans, il resta à l’Isle Bourbon d’un vaisseau fourban, en 1706 au mois de décembre, où il s’établit après avoir abjuré le calvinisme. Cet homme est obéissant, il a eu de très bonnes éducations ; il sçait très bien lire et écrire, et même le pillotage, il n’ignore point de sa religion, mais la vie libertine que l’on pratique dans la philibuste, l’a rendu ivrogne au suprême degré, jureur, joueur, paresseux et querelleur toutes les fois qu’il est ivre, car il perd tout à fait, la raison et est dans ce temps là plutôt une beste qu’un homme. Il possède à la montagne un espace considérable de terrain, dont il n’y a que partie deffriché, et sur lequel il fait fort peu de récolte, se contentant de travailler une pièce de terre qu’il a au bord de l’Étang à quoy il occupe trois Noirs et une Négresse, et sur laquelle il recueille sans grand soin, de quoy vivre commodément. Lorsqu’il s’établit il acheta les habitations et esclaves qu’il possède, de Jacques Beda. Il est est à présent fort gueux, n’ayant pas le sol d’argent comptant, et même très mal nipé, il demeure sur les Sables de St Paul, où il élève quelques bestiaux, dont le nombre est de 4 boeufs, 3 cochons et 4 moutons. Ledit Elgar a pour épouse Raphaelle Royer, créole blanche qui est plutôt une beste qu’une femme, sans aucune éducation et qui ne sçait même pas faire un point d’éguille, et qui est d’un libertinage scandaleux.


Ouvriers travaillant pour le public et non établis


Jean Venisquin

Est un Hollandais, âgé de 41 ans, il resta à l’Isle Bourbon d’un vaisseau fourban, il y a 15 ans, homme fort sage, catholique romain, dès sa naissance, très dévot, et qui ne se mesle que de sa profession, travaillant, pour qui plus luy donne, il est très bon menuisier, et entend très bien le dessein en fait de menuiserie ; il est capable d’entreprendre toutes sortes d’ouvrages, il n’a point de domicile assuré, lorsqu’il travaille pour quelqu’un, il va chez ceux qui en ont besoin, qui le nourrissent, et luy donnent 30s par jour, beaucoup de gens aimant mieux le payer par marché parce qu’il est très long à ce qu’il fait, mais il le fait bien, et à demeurer; il se mesle aussy un peu de tourner, mais il ne sçait pas la manière de tourner en rond, ny une dame des deux costés ; il manque de quelques outils, et l’on ne peut manquer d’en porter à l’Isle Bourbon : c’est un trésor pour tous les habitans, quand il peuvent attraper quelques bons outils de menuiserie et de bonnes haches ; il est vray que l’on leur en fait à l’Isle Bourbon même, mais hors les haches que l’on fait assez bonnes, rarement peuvent ils faire quelques bons outils de menuiserie ; quoy que je dise que les haches que l’on fait soient bonnes, on ne peut manquer d’en porter mille de neuf pouces de large, que l’on vendra sans faite 2 Ecus pièce, et peut estre 3 Ecus, si l’on sçait bien s’y prendre. Ces haches sont pour écarier les arbres, et ils ne peuvent en faire de cette espèce, n’ayant pas le fer propre pour cela. Il est de conséquence de ne pas obmettre cet article dans le mémoire que l’on fera pour n’envoy que l’on veut faire à l’Isle Bourbon des choses quy y sont nécessaires, et dont on peut surement avoir le débit, sans crainte que cela reste dans les magasins, à quoy je travailleray avec soin, et application, à lâcher de n’y rien obmettre, supposé que cela soit jugé à propos, et que l’on veuille bien s’en rapporter à moy sur cela.


Nicolas le Gras

Est un Parisien âgé de 38 ans ; c’est un cordonnier qui a sa femme à Paris, il estait dans les troupes à Pondichéry ; Monsieur Boüynot l’amena à l’Isle Bourbon sur la frégate le St Louis, où il gâgne tout ce qu’il veut, il vend les souliers ordinairement 2 Ecus la paire dont l’usage est très bon ; pour que ses cuirs ne luy coûtent rien, il s’accommode avec certains habitants, comme Etienne Hoareau, et d’autres, qui se donnent la peine de repasser des peaux il prend du cuir pour deux paires de souliers, et en rend une de faite ; et l’autre est à son profit ; il ne luy en coûte rien pour vivre, il loge et est nourry chez Gilles Dennemont aux enfants duquel, il montre à lire, sans que cela le détourne de son ouvrage, il montre même à quelques autres enfants, moyennant un Ecu par mois : il est sûr que cet homme fera sa fortune, car il est fort ménager et sage, il a eu même de bonnes éducations, il sçait le latin, et a bien de bonnes qualités, ce qui le fera réussir, c’est qu’aujourd’huy presque tous les créols se piquent de se chausser ils appellent cela se mettre à la française.


Jean Frexel

Est un Allemand, âgé de 40 ans, bon charpentier de maison, qui travaille pour le public, sans avoir de domicile assuré, il est noury, et a 30s par jour lorsqu’il travaille pour quelqu’un, il fut laissé à l’Isle Bourbon par Monsieur Boüynot de la quaiche le St Louis, il est très sage, bon chrétien, point ivrogne, et très laborieux, et sans doute, il fera quelque chose.


Richard Toquely

Est un mulâtre de la Floride, âgé de 33 ans, je ne sçay par quel cas fortuit il est à l’Isle de Bourbon, c’est un vilain matin tout difforme qui a toutes les mauvaises qualités possibles qui ne fait qu’ivrogner, partant incapable d’aucune chose, il dit estre cordonnier, mais il n’est seulement pas mauvais savetier ; cela c’est bon qu’à chasser de l’isle, ou à faire travailler comme un esclave, car il est véritablement noir ; il a voulu s’en aller dans un philibustier, mais ces gens qui reçoivent tout le monde, n’en ont pas voulu.


Bourbonnois

Est un homme de 45 ans, armurier de son métier, mais qui ne fera jamais rien, car c’est un vray ivrogne, qui ne s’attache à rien, je ne sçay d’où il est, car il est resté à l’Isle de Bourbon du vaisseau le St Louis, à son retour des Indes, je croy même que l’on ne l’y a laissé, que pour s’en débarrasser, car il est très incommodé depuis plusieurs années d’une jambe, et cela n’aurait esté propre à rien, dans un vaisseau, qu’à incommoder les autres.


Volontaires qui sont sur l’Isle de Bourbon


Pierre Tiré


Jean le Roy


Jacques Siboalle


Pierre Heros


Rabin ou en français Robert


Jean Miclatchy


Net Bequer et Dicq


Obmissions


la Garenne


Alanneau


Index des individus cités


A
ARNOULD, Jean
– voir MAHON, Marie
ARNOULD, Jeanne ⭐
– voir GRONDEIN, François
– voir MAHON, Marie
AUBERT, Jacques
B
BACHELIER, Pierre
– voir PIERRE, Jean
BAILLIFFRE, Etienne
BEDA, Jacques
BELLON, Antoine
BELLON, Magdeleine
BOISSON, Pierre
– voir BOYER, Jacques ☠⭐
BOUCHÉ, François ☠⭐
BOUCHÉ, Pierre
BOÜEN, Jean
– voir DUMESNIL, Guy
BOÜYNOT
– voir DUMESNIL, Guy
– voir PITOU, Jacques ☠⭐
– voir ROUSSEAU, Louis
BOYER, Jacques ☠⭐
BOYER, Jean
– voir DAMOUR, Georges
BOYER, Nicolas
BRUN, Jean
BRUN, Jeanne
– voir PERROT, Jean
BRUN, Marguerite
– voir MAILLIOT, Pierre
C
CADET, Pierre
CARON, Catherine
– voir ARNOULD, Jean
CARON, Louis 🗡️⭐
CARRÉ, Françoise
– voir DE GUIGNÉ, Joseph ☠
CARRÉ, Hyacinthe
– voir PRADAU, Pierre
CAUZAN, François
CAZE, Anne
CAZE, Cécile
– voir DUGUAIN, Gilles
CAZE, Marie
CHAMAN, André ☠⭐
CHARANVILLE
– voir RIVERAIN, Victor ☠⭐
CHATELAIN, Françoise ⭐
– voir PANON, Augustin
COLIN, Louise
– voir PICQUART, Jacques
COLIN, Marguerite
– voir ROBERT, Pierre
D
DAILLIAU, Julien
DAILLIAU, Marguerite
– voir RIVERAIN, Victor ☠⭐
DAILLIAU, Marie Magdelaine
– voir MAILLIAU, Jacques 🗡️⭐
DAMOUR, Elisabeth
– voir NAZE, Jacques
DAMOUR, Geneviève
– voir DE LATTRE, Jacques
DAMOUR, Georges
DAMOUR, Louise
– voir BOYER, Jean
DAMOUR, Marie
– voir ROBERT, Jean
DANGAU, Joseph
DE GUIGNÉ, Joseph ☠
DELACOUR
– voir PITOU, Jacques ☠⭐
DE LA HAYE
– voir MARTIN, Pierre
DE LA MOTTE
– voir JULIEN, Jean
DE LATTRE, Jacques
DE MATTE, Manuel
– voir PITOU, Jacques ☠⭐
DE MONTEVERGUE
– voir MAILLIAU, Jacques 🗡️⭐
DE SISÉ
– voir TURPIN, Denis
DE VAU, Simon
DE VAUBOULON
– voir PANON, Augustin
– voir MARTIN, Pierre
– voir DUGUAIN, Gilles
– voir DAILLIAU, Julien
– voir ROYER, Marie
DE VILLERS
– voir DUMESNIL, Guy
DENNEMONT, Gilles
DROMER, Patricq ☠⭐
DU GAIN, Anne
– voir TARBY, Robert ☠⭐
DU GAIN, Marie
– voir JOUSON, Jean
DUGUAIN, Gilles
DUHAMEL, François 🗡️
– voir BOYER, Jean
– voir BOYER, Nicolas
DUMESNIL, Guy
E
ELGAR, Thomas
F
FONTAINE, Antoine
FONTAINE, Gilles ☠⭐
FONTAINE, Hervé
FONTAINE, Jacques
FONTAINE, Jean
FORGERON, Pierre
– voir BOISSON, Pierre
FORGET
– voir DE GUIGNÉ, Joseph ☠
FRÉMONT, Michel
– voir CAZE, Marie
G
GABAREZ
– voir TURPIN, Denis
GARNIER, François
– voir VINCENDO, Monique
GARNIER, Mathurin
– voir DROMER, Patricq ☠⭐
GONDRON
– voir DUMESNIL, Guy
GONNEAU, Pierre
GRONDEIN, François
GRUCHET, Jean
GUICHART, Anne
– voir DROMER, Patricq ☠⭐
GUICHART, Arzul
H
HÉBERT
– voir DUMESNIL, Guy
– voir DAILLIAU, Julien
HÉROS, Catherine ⭐
– voir GUICHART, Arzul
HÉROS, Thérèse
HIBON, Pierre
HOARAU, Etienne – père
HOAREAU, Bernardin
HOAREAU, Etienne – fils
HOAREAU, Jean
HÜET, Jacques ☠⭐
J
JOUSON, Jean
JULIEN, Jean
L
LAURET, Jacques – fils
LAURET, Jacques – père 🗡️⭐
LAUTREC, Julien
LE BEAU, Françoise
– voir TURPIN, Denis
LE BEAU, Hélène
– voir PICQUART, Jacques
LE BEAU, Samson
– voir PICQUART, Jacques
LÉGER, Jacques ☠⭐
LE ROY, Eustache
M
MAHON, Marie
MAHON, Marthe
– voir PIERRE, Jean
MAILLIAU, Jacques 🗡️⭐
– voir MAILLIOT, Michel
MAILLIOT, Hierosme
– voir HÜET, Jacques ☠⭐
MAILLIOT, Michel
MAILLIOT, Pierre
MARTIN
– voir MAILLIOT, Michel
MARTIN, Laurant
– voir MARTIN, Pierre
MARTIN, Marie
– voir ROUSSEAU, Louis
MARTIN, Pierre
MILLA, Geneviève
– voir DUHAMEL, François 🗡️
MOLLET, Henri
MOLLET, Thérèse
MOUSSE, Anne
– voir TESSIER, Noel
MUSSARD, François
MUSSARD, Henri
N
NAZE, Jacques
NOEL, Georges
NOEL, Pierre
P
PANON, Augustin
PARNY, Pierre
PAYET, Antoine – fils
PAYET, Antoine – père 🗡️⭐
PAYET, Germain
PAYET, Laurent
PERROT, Jean
PIERRE, Jean
PICQUART, Jacques
PITOU, Jacques ☠⭐
PRADAU, Pierre
R
RABELLE, Sabine
RAULD, André
RENAUD, Antoinette
RICHARD, Jacques
– voir ROUSSEAU, Louis
RICQUEBOURG, François
RIVERAIN, Victor ☠⭐
– voir LE BEAU, Samson
ROBERT, Edouard ☠⭐
ROBERT, Etienne
– voir VINCENDO, Monique
ROBERT, Jean
ROBERT, Marguerite
– voir BOYER, Nicolas
ROBERT, Marie
DANGAU, Joseph
ROBERT, Pierre
ROSAIRE, Domingue
– voir LE BEAU, Samson
ROUSSEAU, Louis
ROYER, Antoine
ROYER, Marie
ROYER, Guy
ROYER, Jeanne
– voir VILDMAN, Gilbert ☠⭐
ROYER, Marie
ROYER, Marie
– voir BOISSON, Pierre
ROYER, Romain
RUELLE, Claude ☠⭐
S
SAINT-GERMAIN
– voir JOUSON, Jean
SOA, Thérèse
SPAROIX, Suzanne
– voir PIERRE, Jean
T
TARBY, Robert ☠⭐
TESSIER, Noel
– voir MAILLIOT, Michel
TEXER, Manuel
TOUCHARD, Athanase
TOUCHARD, Etienne
TOUCHARD, Marie
TOUTTE, Marie
– voir DAMOUR, Georges
TURPIN, Denis
V
VALLÉE, François
– voir MAHON, Marie
VIDOT, Antoine
ROYER, Marie
VIDOT, Marc
ROYER, Marie
VILDMAN, Gilbert ☠⭐
VILDMAN, Jeanne
– voir BOYER, Jacques ☠⭐
VINCENDO, Monique
W
WILDMAN, Marie Anne
– voir DUMESNIL, Guy


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