Jacques Fontaine ⭐


Extrait du « Mémoire pour servir à la connaissance particulière de chaque habitant de l’Isle de Bourbon, divisés par les quartiers qu’ils habitent » rédigé en 1709 par Antoine Labbé dit Antoine Desforges-Boucher (1679-1725) alors garde-magasin de la Compagnie des Indes en l’Isle de Bourbon (aujourd’hui Île de la Réunion).

Source : Collection MARGRY, relative à l’histoire des Colonies et de la Marine françaises (vue 64).
Transcrit d’après une copie manuscrite du XIXème siècle dans le respect de l’orthographe (à l’accentuation, ponctuation et majuscules près pour une meilleure lisibilité).
⚠️Ce mémoire est destiné à un public averti, il contient des propos parfois controversés, offensants ou choquants.
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Jacques Fontaine

Est un créol muâtre agé de 37 ans, celuy cy n’a pas moins de défauts que ses aures frères don j’ay cy devant parlé, car il est joueur, jureur, ivrogne, paresseux et grand putassier. C’est un drole, cependant, il est un des plus dégourdis de toute l’isle, et qui est très bon charpentier, mais cela est plongé dans un tel abisme de libertinage, que cela n’a autre chose en vue, aussy vit il misérablement, il n’a seulement pas eu le courage de se faire une mauvaise caze, pour se loger sur les Sables de St Paul, où il a demeuré pendant tout le temps que j’ay esté dans l’isle, laissant sa femme et ses enfants exposés à l’injure du temps, dans une petite cahute de rien découverte de toutes parts lesquels n’ont pas une chemise à se mettre sur le corps, et ne subsistent que des friponneries qu’il fait, et eux aussy aux habitans, ou que de quelques charités que les voisins leur font, ou que de quelques poissons que ces enfans pêchent eux même, à l’Étang, qu’ils font rostir sur les charbons. C’est à ces enfants à qui j’ay vu manger des araignées ; quelque temps avant que je sortis de l’isle, il avait pris le party d’aller demeurer à Ste Suzanne, où il a une belle habitation, mais à présent toute en friche, et garnie seulement d’une infinité de cannes de sucre, et abondament de patattes ; il se promettait, en y allant de la bien cultiver, à l’aide de sa femme, et de 2 grande filles dont l’une s’est fait faire un enfant par son frère Antoine Fontaine ; mais je croy que c’est par un motif tout différend, qu’il a pris ce party, et que c’est plustôt, pour avoir lieu d’estre plus en commodité de faire du frangorin, pour se saouler plus à son aise, tout le monde estant rebuté à St Paul de luy donner à boire. Il a pour épouse Hélène Proux, dont il est le deuxième mary ; c’est une créole mulatresse qui mène une vie tout à fait débordée, aussy ivrognesse que son mary est ivrogne, et de la société de cette Marie Anne Fontaine, sœur de son mary, dont je viens cy devant de faire le portrait, et je ne pourais redire de celle cy, que ce que j’ai fait connaître de l’autre, à moins qu’il ne fut possible de trouver quelque chose à ajouter à tous les crimes du monde, car elle les a tous connus ; cependant elle est assés laborieuse et c’estait elle, pendant qu’ils demeuraient à St Paul avec le secours de ses 2 grandes filles, dont elle est la commode, qui travaillait à cultiver quelque peu de ris, à l’habitation du Vieux St Paul, qui est, sans contredit, une des meilleures du quartier, cela les aydait un peu à se soutenir, mais non pas suffisament, pour nourrir 12 personnes qui sont dans cette famille, et de ces 12 personnes, il y a 10 enfants, et le père et la mère ; on peut facilement s’imaginer que ces enfans sont plustôt élevés en bestes, qu’en chrétiens, et que cela ne sera pas plustôt en âge de malfaire, que cela se jettera teste baissée dans le crime, à l’exemple de leur père et mètre ; ils ont encor un terrain considérable à la montagne, qui est en friche, et qui, selon toute apparence, y restera longtemps , je ne sçay pas même ce qu’il aura fait, quand il est allé à Ste Suzanne de 3 bœufs, et de 60 cabrits, qu’il possédait à St Paul, aparament, qu’il es aura vendus ; si cela est ; il est bien sûr, qu’il en aura eu bientôt disspié l’argent.



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