Pierre Noel


Extrait du « Mémoire pour servir à la connaissance particulière de chaque habitant de l’Isle de Bourbon, divisés par les quartiers qu’ils habitent » rédigé en 1709 par Antoine Labbé dit Antoine Desforges-Boucher (1679-1725) alors garde-magasin de la Compagnie des Indes en l’Isle de Bourbon (aujourd’hui Île de la Réunion).

Source : Collection MARGRY, relative à l’histoire des Colonies et de la Marine françaises (vue 70).
Transcrit d’après une copie manuscrite du XIXème siècle dans le respect de l’orthographe (à l’accentuation, ponctuation et majuscules près pour une meilleure lisibilité).
⚠️Ce mémoire est destiné à un public averti, il contient des propos parfois controversés, offensants ou choquants.
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Pierre Noel

Est un créol blanc, de St Christophle, à la Martinique, âgé de 35 ans, homme sans aucunes éducations, et point d’autre profession que celle de pêcheur, et de faire fort bien les filets, en quoy il est fort entendu, mais paresseux, joueur et ivrogne au possible, taquin, mauvais querelleur, et qui n’obéit pas volontiers, et avec cela très fripon des vivres de ses voisins, pillant luy et ses enfants, toutes les habitations dans les montagnes, où il a une espace considérable de terrain, qu’il laisse par paresse en friche, quoy qu’il pût vivre très à son aise de ses propres forces, car outre qu’il a 4 garçons et 2 filles, il possède encor 3 Noirs et 3 Négresses, avec lesquels il pourrait cultiver considérablement du terrain, et vivre commodément, ses enfants sont mal eslévés, point d’éducation, ne sçavent pas même leurs prières, qu’il ne sçait pas luy même, libertins et débauchés, et n’ont point d’autre talent, que d’estre de grands fripons, et connus pour cela, de tous les habitans, ils sont même société avec ceux de Jacques Lauret, dont celuy cy a épousé la fille, qui se nomme Marie Lauret, c’est une créole mûlatresse, qui est de la société de cette Marie Anne Fontaine, femme de Jacques Lauret de laquelle j’ay cy dessus parlé, et l’on ne peut dire laquelle de ces deux femmes est la plus débauchée, car celle cy est ivrognesse, jureuse jusqu’au blasphème, et publique à tous ceux qui en veulent. Enfin, il serait difficile d’exprimer jusqu’à quel excès cette femme pousse son libertinage. C’est cet homme cy qui a esté esclave à la Coste Natalle et qui en parle parfaitement la langue ; il fait sa résidence sur les Sables de St Paul, où il élève quelques bestiaux, dont le nombre est de 5 bœufs, 8 cochons et 25 cabrits, pour de l’argent comptant il est trop peu ménager, pour s’en estre conservé quoy qu’il eut plus de 2000 Ecus, lorsqu’il se débarqua à l’Isle Bourbon d’un vaisseau fourban en 1701 : il est bon que l’on sçache que c’est chez cet homme qu’est décédé subitement le nommé Pitre Napé philibustier dont la Compagnie a hérité ; le sieur Guy Dumesnil m’a dit luy avoir fait une ceinture, dans laquelle il y avait 2200 sequins venitiens, et d’autres m’ont dit les avoir vus, et cela ne s’estant point trouvé au décès dudit Pitre Napé, l’on a soubçonné ce Pierre Noel d’avoir détourné cette ceinture ; cela est d’autant plus vraysemblable, qu’il a depuis demandé à sortir de l’isle, pour se retirer à Pondichéry, ce que l’on n’a pas voulu luy permettre, pour voir, si par la suite, on ne découvrirait point quelque chose, pendant tout le temps que j’ay resté à l’isle, je me suis fort attaché à voir si je ne luy verrais pas faire quelque acquisition nouvelle ou quelques dépenses extraordinaires ce que je n’ay point reconnu, sans pourtant luy avoir jamais fait connaître que je le soubçonnais en rien ; mais il aura sans doute attendu que Monsieur de Villers et moy fussions hors de l’isle, pour se servir de cet argent, supposé qu’il l’aye pris, car celuy qui est mort, peut l’avoir caché, et enterré sans que celuy cy l’aye sçu, et c’est assés la coutume des philibustiers mais la grande confiance que je sçay que ce Pitre Nape avant en luy, me fait plustôt croire qu’il luy aura donné à luy même à cacher, et qu’estant mort subitement, il se sera aproprié cette somme. S’il est assés fol, pour le faire paraître, il n’en sera pas mieux, que lorsque nous y estions, et il n’en profitera pas plus pour cela, car j’en ay donné avis à Messieurs de Charanville, et d’Harambourcq. Ce sera à eux de faire là dessus leurs diligences, sils s’aperçoivent de quelque chose.



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