Denis Turpin


Extrait du « Mémoire pour servir à la connaissance particulière de chaque habitant de l’Isle de Bourbon, divisés par les quartiers qu’ils habitent » rédigé en 1709 par Antoine Labbé dit Antoine Desforges-Boucher (1679-1725) alors garde-magasin de la Compagnie des Indes en l’Isle de Bourbon (aujourd’hui Île de la Réunion).

Source : Collection MARGRY, relative à l’histoire des Colonies et de la Marine françaises (vue 35).
Transcrit d’après une copie manuscrite du XIXème siècle dans le respect de l’orthographe (à l’accentuation, ponctuation et majuscules près pour une meilleure lisibilité).
⚠️Ce mémoire est destiné à un public averti, il contient des propos parfois controversés, offensants ou choquants.
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Denis Turpin

Est un homme de La Rochelle âgé de 60 ans, il vint à l’Isle Bourbon par un fourban, il y a plus de 20 ans, pour faire son panégyrique en un mot, c’est un fol par la teste, mais ce sont de ces folies mal tournées, car cet homme a le cœur mauvais, l’âme basse, séditieux capable de tout entreprendre ce qui se peut faire de plus mauvais, jureur d’habitude, dissolu dans ses manières, ivrogne, loueur de profession, incorrigible sur tous ses vices, mutin et désobéissant autant qu’il se peut, jusque la qu’il s’est rendu fugitif dans les bois pour se soustraire à l’obéissance se disant gentilhomme, et parent de Messieurs Gabarez ce qu’il est très facile de connaitre de fausseté, par le peu d’éducation, et de sçavoir vivre qu’il a, il a perdu dix fois plus gros d’or au jeu qu’il n’est, et est à présent réduit à la dernière mendicité, mais ne s’en embarrassant point, au contraire il persiste à dire, quand on luy veut faire quelque remontrance, qu’il ferait la même chose, s’il en avait encor les moyens, il a la mauvaise réputation d’avoir assassiné un homme en Canada, et l’on dit que lorsque Monseigneur de Sisé passa à l’Isle de Bourbon et qu’il l’eut reconnu, il luy dit publiquement, qu’il estait surpris, comment il n’avait point esté pendu, après l’avoir tant de fois mérité, il est l’ennemy du genre humain, à l’entendre parler, il n’y a pas un honnête homme dans l’isle et croit estre le seul, la vérité du fait, est qu’il est l’unique dans son espèce, mais bien différent de ce qu’il se persuade, car outre tous les deffauts que nous venons de remarquer en luy, il a encor celuy d’estre séditieux, glorieux et franc menteur, il a pour épouse Françoise Le Beau, créole extrêmement bazannée, cette femme est si beste qu’elle n’a que l’usage de la parole, et je croy que la crainte qu’elle a d’user son innocente langue, fait qu’elle parle si peu que l’on la prendrait plustôt pour une buche que pour une femme, mais avec cela d’une très grande sagesse elle est l’exemple de vertu de toutes les femmes du quartier de Ste Suzanne, ses enfants sont élevés avec la même indolence, et sont plustost comme la pluspart de ceux du quartier, de petites bestes maronnes que des enfants baptisez et chrétiens, car ils n’ont aucune teinture de leur religion, ny de leur doctrine, il possède un terrain considérable, qu’il cultive fort mal, mais la terre est si abondante dans cet endroit, et produit avec tant de facilité, tout ce que l’on y sème, qu’il trouve le moyen avec un Noir, et une Négresse qu’il possède encor et que l’on l’a obligé même par la force de garder, sans quoy il es aurait joués comme le reste, de vivre assés à son aise, c’est à dire de ce qu’il recueille, car pour de la viande il n’en mange presque point, ne pouvant aller ny envoyer à la chasse, et ne prenant pas le soin d’élever des bestiaux, quoy qu’il le puisse faire avec beaucoup de facilité, et surtout des cochons, car les citrouilles y viennent sans les semer, ceux qu’il possède ne consistent qu’en un bœuf, 15 cochons, 4 cabrits qu’il devait bientôt tuer.



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