Monique Vincendo ⭐


Extrait du « Mémoire pour servir à la connaissance particulière de chaque habitant de l’Isle de Bourbon, divisés par les quartiers qu’ils habitent » rédigé en 1709 par Antoine Labbé dit Antoine Desforges-Boucher (1679-1725) alors garde-magasin de la Compagnie des Indes en l’Isle de Bourbon (aujourd’hui Île de la Réunion).

Source : Collection MARGRY, relative à l’histoire des Colonies et de la Marine françaises (vue 42).
Transcrit d’après une copie manuscrite du XIXème siècle dans le respect de l’orthographe (à l’accentuation, ponctuation et majuscules près pour une meilleure lisibilité).
⚠️Ce mémoire est destiné à un public averti, il contient des propos parfois controversés, offensants ou choquants.
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Monique Vincendo

Est une créole, à peu près blanche, veuve âgée de 28 ans, cette femme porte le nom de veuve, par la seule apparence qu’il y a qu’elle le soit, car l’on ne le peut assurer ; son mary nommé François Garnier s’est perdu dans le bois, sans que l’on n’en ait jamais eu, ny pu avoir de nouvelles, malgré les perquisitions et les recherches que l’on y a fait faire, par 30 ou 40 hommes, pendant plus d’un mois et demy, et retenu prisonniers, pendant 2 mois entiers, cette femme et un certain vaurien d’Etienne Robert créol, avec lequel on sçavait qu’elle avait commerce, desquels ne pouvant nier arracher que par la question, dont on n’avait pas le pouvoir, on les relacha, quoy qu’il y eut suffisament de preuves, pour les mettre à la question : cette femme a voulu maintes fois, depuis la perte de son mary, se remarier, ce que l’on n’a jamais voulu luy permettre, et surtout moy, qui m’y suis opposé, lorsque les prêtres l’on voulu faire, leur représentant que l’on estait certain de luy avoir vu un mary, et qu’elle estait véritablement mariée mais que personne ne l’estait qu’elle fut veuve, et que pour se remarier une seconde fois, il fallait qu’elle produisit des preuves de la mort de son mary, sans quoy l’on ne devait, ny l’on ne pouvait la remarier, et que son mary pouvait encor estre dans les bois, caché pour ne pas vivre avec sa femme, pour quelques déplaisirs qu’il pouvait avoir reçu d’elle, ou bien qu’il pouvait s’estre enfuy dans quelque vaisseau, qui aurait passé à la veue de l’isle, la situation de sa résidence à la Rivière des Roches, luy en pouvant donner l’occasion sans que pour cela, le vaisseau fut veu d’aucune personne de l’isle, que ce vaisseau pouvait avoir envoyé sa chaloupe à terre aux cascades pour y faire de l’eau, et cet homme pouvait l’estre allé joindre, et que je ne voyais rien que de possible à tout cela, et au surplus, pour meilleure et plus solide raison, qu’il n’estait pas de la politique, ny d’une pratique bien sensée, de permettre à aucune femme de l’isle, dont le mary se trouverait perdu, de se remarier que ce serait donner la main à de perpétuels assassinats puisqu’il n’y avait point de lieu au monde, plus propre commode pour cela, que l’est l’Isle de Bourbon : au reste, elle s’est fort peu souciée de l’opposition que l’on a faite à son mariage, car elle n’en fait pas moins d’enfans pour cela, elle en a 3 de légitimes : 2 garçons et une fille, et une petite batarde, et grosse d’un autre, lorsque nous sommes partis, elle les élève, cependant, assez bien, et leur apprend leurs prières, autant bien qu’il luy est possible, elle a la bonne qualité d’estre fort laborieuse, et avec un seul Noir, elle cultive considérablement du terrain dont elle a de beaucoup plus qu’il ne luy faut, et elle élève bon nombre de bestaiux, elle a 25 boeufs, 40 cochons et 6 chevaux, je ne luy croy pas d’argent comptant.



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