Antoine Payet, le père ⭐


Extrait du « Mémoire pour servir à la connaissance particulière de chaque habitant de l’Isle de Bourbon, divisés par les quartiers qu’ils habitent » rédigé en 1709 par Antoine Labbé dit Antoine Desforges-Boucher (1679-1725) alors garde-magasin de la Compagnie des Indes en l’Isle de Bourbon (aujourd’hui Île de la Réunion).

Source : Collection MARGRY, relative à l’histoire des Colonies et de la Marine françaises (vue 46).
Transcrit d’après une copie manuscrite du XIXème siècle dans le respect de l’orthographe (à l’accentuation, ponctuation et majuscules près pour une meilleure lisibilité).
⚠️Ce mémoire est destiné à un public averti, il contient des propos parfois controversés, offensants ou choquants.
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Antoine Payet, le père

Est du Dauphiné agé de 70 ans, mais vigoureux, et se portant bien, sans aucune indisposition, il est un de ces anciens de Madagascar, ou il a servy en qualité de soldat, il est veuf depuis quelques années, il n’a point d’éducation, mais avec cela, c’est un très parfait honnête homme, a l’avarice près, car il manque des choses les plus nécessaires au ménage, ayant assurément bien le moyen de les avoir, car il est un des plus riches habitans de l’isle, il est laborieux au possible, aussy fait il bien valoir dans son entier, a l’aide de 2 grands garçons fort sages, de 3 Noirs, et 4 Negresses une bonne habitation qu’il a à sa porte, au proche l’Étang de St Paul, sur laquelle outre les bléds, ris, patattes, et légumes qu’il y recueille en abondance, elle est encor garnie d’une telle quantité de cannes de sucre qu’il vend tous les ans, pour plus de 500 Ecus de frangorin, à 30 sols la callebasse, qui tient 15 a 16 bouteilles, non compris plus de 500 bouteilles d’eau de vie de sucre, qu’il vent presque toujours un Ecu la bouteille, et souvent plus que moins, cette habitation apartenait autrefois a la Compagnie mais elle fut vendue par Mr Le Mayer, pour une pièce de pain, lorsqu’il passa à l’Isle Bourbon, avec l’escadre de Monsieur le Comte de Serquiny et d’une main à l’autre, elle est tombée entre les mains dudit Antoine Payet, à qui elle n’a coûté avec 2 Noirs que 800 Ecus, c’est Henry Grimauld, qui la vendit en 1701 lorsqu’il passa sur La Princesse, où il fut à Surate, à dessein de passer en France, mais il mourut en chemin. L’on a encor fait une autre faute très considérable, c’est que lorsque ledit Grimauld s’embarqua il voulut remettre cette habitation à la Compagnie, pour son passage, ce que l’on refusa : c’est assurément une perte pour la Compagnie, car il est visible que cette seule habitation est de plus de 1000 Ecus de revenu tous les ans, outre que si la Compagnie voulait établie le Gouvernement à St Paul, elle n’y a pas un pouce de terre cultivable en propre ; il a de bestiaux, 60 bœufs, 50 cabrits, et 12 cochons, qu’il fait élever au Parc à Jacques, l’endroit qui porte ce nom est à St Paul même au bord de l’Étang du costé de la montagne ; cet homme est obéissant en tout, pourvu que l’on luy laisse la liberté de vendre ses denrées tout ce qu’il veut, surquoy il est fort sujet a faire faux bon à sa conscience, et il serait à propos, qu’il y eut a cette isle un petit règlement de police. Car la vérité est que la pluspart des habitans ont si fort pris la coutume de vendre a outrance aux fourbans, qu’ils n’en démordent pas pour quelque considération que ce soit, et les Gouverneurs ny autres qui ont quelque rang dans ce lieu, ne sont pas exempts de cette petite tyrannie, Cet habitant peut avoir 2000 Ecus d’argent comptant.



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