Antoine Bellon ⭐


Extrait du « Mémoire pour servir à la connaissance particulière de chaque habitant de l’Isle de Bourbon, divisés par les quartiers qu’ils habitent » rédigé en 1709 par Antoine Labbé dit Antoine Desforges-Boucher (1679-1725) alors garde-magasin de la Compagnie des Indes en l’Isle de Bourbon (aujourd’hui Île de la Réunion).

Source : Collection MARGRY, relative à l’histoire des Colonies et de la Marine françaises (vue 47).
Transcrit d’après une copie manuscrite du XIXème siècle dans le respect de l’orthographe (à l’accentuation, ponctuation et majuscules près pour une meilleure lisibilité).
⚠️Ce mémoire est destiné à un public averti, il contient des propos parfois controversés, offensants ou choquants.
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Antoine Bellon

Est un créol blanc âgé de 30 ans, assés bon homme, mais grand craqueur, et un peu ivrogne ; sujet à de fâcheuses coliques, qui ne proviennent que de trop boire, qui l’ont rendu impotant, à ne se pouvoir servir de ses mains, il a eu d’assés bonnes éducations, il sçait lire, et écrire, et fort bien sa doctrine, il est charpentier, il ne s’acquittait pas mal de cette profession, avant qu’il fut devenu impotent ; il a pour épouse Suzanne Dennemont, qui est aussy une créole blanche, qui vit fort sagement, et dont la vertu est à l’épreuve de la médisance ; elle ne manque point de génie, elle a même participé un peu à l’inclination que son mary a pour le mensonge, dont elle s’acquite aujourd’huy, pour le moins aussy bien que luy, d’ailleurs très bonne femme, qui sçait bien sa croyance, et fort assidue au service divin. Ils ont d’enfants 3 garçons et 3 filles, qui sont assés bien élevés, c’est à dire, qu’ils sçavent leurs prières, car, d’ailleurs, ce sont de vrayes bestes, ces gens cy ont le don d’estre de francs paresseux, car avec ce nombre d’enfans, et 3 Noirs et 2 Négresses, il devraient vivre très commodément, et faire un grand profit du surplus de la récolte qu’il feraient, car ils ont plus de terre di foix, qu’ils n’en peuvent cultiver, et surtout à la montagne, laquelle reste en friche, et si ce n’estait un morceau de terre, qu’ils ont à leur porte proche l’Étang du costé de la montagne, où ils demeurent, et sur lequel ils recueillent les choses nécessaires à la vie, et que cet endroit est des plus propres à élever quantité de volailles de quoy ils vivent, je croy que pour ne se pas donner de peine de monter la montagne, ils se laisseraient mourir de faim, car ils ont à cette montagne un petit déffrichement qui assurément, par le peu de soins qu’ils se donnent, redeviendra bientôt en friche, comme il estait auparavant sur cette habitation, où ils demeurent au proche de l’Étang, il y a une infinité de pieds de vigne, qu’ils laissent périr sans se donner la peine de la couper ny de la débarrasser, de sorte que cette vigne se mestant avec les autres arbres le long desquels elle monte ; l’ont voit, lorsque l’on passe par là, une petite forest garnie de raisins, qui semblent sortir de ces arbres sauvages, mais en raisins n’estant pas soignés ne viennent point en maturité, et sont toujours verjus, il y a encor deux des mailleurs endroits, pour eslever des bestiaux, l’un à la Pointe du Gallet, et l’autre proche l’embouchure de l’Étang, mais sa négligence fait qu’il n’a que 16 bœufs, 12 cochons et 8 mouton, d’argent comptant je ne luy croy pas plus de 200 Ecus, cet homme cy est de ceux, qui n’obéissent pas volontiers, et qu’il faut forcer à le faire.



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