Gilles Fontaine ⭐


Extrait du « Mémoire pour servir à la connaissance particulière de chaque habitant de l’Isle de Bourbon, divisés par les quartiers qu’ils habitent » rédigé en 1709 par Antoine Labbé dit Antoine Desforges-Boucher (1679-1725) alors garde-magasin de la Compagnie des Indes en l’Isle de Bourbon (aujourd’hui Île de la Réunion).

Source : Collection MARGRY, relative à l’histoire des Colonies et de la Marine françaises (vue 57).
Transcrit d’après une copie manuscrite du XIXème siècle dans le respect de l’orthographe (à l’accentuation, ponctuation et majuscules près pour une meilleure lisibilité).
⚠️Ce mémoire est destiné à un public averti, il contient des propos parfois controversés, offensants ou choquants.
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Gilles Fontaine

Est un créol mulâtre âgé de 31 ans, sans éducation, point de sçavoir vivre, libertin jusqu’à l’excès, et dont les meilleures qualités sont d’estre ivrogne, joueur, paresseux, jureur et abandonné à la gueuse, ce vaurien a une fois déserté dans un vaisseau fourban, et est revenu en 1706 riche de 2000 Ecus, qu’il a dissipé en moins de rien, sans se conserver de quoy se mettre une chemise sur le corps, et à sa femme, car il est à présent un des plus gueux de l’isle ; et quoy qu’il aye deux bons Noirs, avec lesquels il pourait vivre très à son aise, s’il cultivait une habitation au Vieux St Paul, où il demeure, qui est assurément une des meilleures du quartier ; mais non, sa paresse fait qu’il ne vit que chez ceux quy luy veulent donner à disner, et à boire, il preste ses Noirs à ceux qui veulent s’en servir, qui en font un meilleur usage que luy ; il les aurait même déjà vendus, si on ne s’y estait pas opposé : il a encor une bonne espace de terre à la montagne, qu’il laisse en friche, et qui aparament y sera toujours, le lieu même où il demeure est des plus propres à élever des bestiaux, et sans peine, mail il est insensible à tout, et ne possède pour tout potage que 2 bœufs, 2 cochons, 2 cabrits et 1 cheval, encor je croy luy faire grâce de luy mettre ce nombre à présent, car il les aura assurément mangé, il n’est pas assés bon gardien, pour les avoir gardé si longtemps ; il a pour épouse Françoise Laurette, créole mulatresse comme luy, qui est une vraye beste sans éducation, ny sçavoir faire, mais de qui, cependant, l’on n’attaque point la vertu. Il a de ce mariage un garçon, qui est encor fort petit, mais l’on peut juger quelle sera l’éducation qu’il pourra recevoir de tels père et mère. Ce vaurien ne laisse pas d’être bon charpentier, mail il n’en est pas plus zélé pour son métier que pour toutes autres choses qui pourraient le faire vivre.



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