Augustin Panon


Extrait du « Mémoire pour servir à la connaissance particulière de chaque habitant de l’Isle de Bourbon, divisés par les quartiers qu’ils habitent » rédigé en 1709 par Antoine Labbé dit Antoine Desforges-Boucher (1679-1725) alors garde-magasin de la Compagnie des Indes en l’Isle de Bourbon (aujourd’hui Île de la Réunion).

Source : Collection MARGRY, relative à l’histoire des Colonies et de la Marine françaises (vue 25).
Transcrit d’après une copie manuscrite du XIXème siècle dans le respect de l’orthographe (à l’accentuation, ponctuation et majuscules près pour une meilleure lisibilité).
⚠️Ce mémoire est destiné à un public averti, il contient des propos parfois controversés, offensants ou choquants.
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Augustin Panon

Est de l’âge de 45 à 46 ans il est de Toulon, en Provence, et est le 4e mary de Françoise Chatelain de Paris, qu’il a épousée à l’Isle de Bourbon (cette femme est à présent à la seconde vie de la Magdelaine après avoir longtemp esté à la première), il a passé à cette isle avec Mr de Vauboulon, qui en a esté le Gouverneur, et y a servy la Compagnie en qualité de charpentier et de menuisier qui sont ses professions ; il est homme fort entendu, il sçait quelque chose de la géométrie, et a construit une maison de bois avec un plancher au dessus fort bien entendu où il fait sa demeure ordinaire : cet endroit s’appelle La Mare, distant de deux lieues de la maison du Gouverneur, il est homme extrêmement laborieux, quoy qu’il ait une espace de terrain considérable, il ne laisse pas de le bien cultiver, et de retirer, à beaucoup près, plus qu’il ne lui est nécessaire pour la subsistance de sa famille, et fait un grand profit du surplus, le vendant aux autres habitans qu’il connait paresseux ; ce profit luy est plus que suffisant pour avoir le nécessaire de sa famille lorsqu’il vient des vaisseaux français, ou qu’il y a des marchandises dans les magazins ; il peut avoir à présent d’argent comptant 3000 Ecus au plus, il élève quantité de bestiaux au lieu même où il demeure, lesquels consistent à peu près, à présent à 100 bœufs, 130 cabrits, 100 cochons, 7 chevaux, 15 moutons. Il n’y a pas longtemps qu’il a commencé à élever cette dernière espèce, il a douze Noirs ou Négresses, avec lesquels il exerce une intégrité sans égalle, sans les maltraiter ny les favoriser ; il est incommodé, depuis quelques années d’une fâcheuse descente qui ne luy permet pas d’agir avec facilité ; il est d’une avarice crasse, ne se donnant pas à beaucoup près, ce qui luy serait nécessaire et en fait souffrir sa famille. Il n’a pas laissé même, que de faire tort à la Compagnie dans de certaines occasions, en faisant beaucoup d’eau de vie de sucre, qu’il donnait à bien meilleur compte, que l’eau de vie de France, ce qui a fait souvent que celle de la Compagnie restait dans les magasins sans débit. Cet homme n’a point l’honneur facile, il n’obéit aux ordres qu’à regret, et qu’après avoir murmuré assés haut pour se faire entendre, ce qui est assez dangereux à l’Isle de Bourbon, car il ne faut qu’un mutin, pour en susciter beaucoup d’autres ; il a même la réputation d’être celui qui désarma Mr de Vauboulon lorsqu’il fut saisy à l’Église, et qui le conduisit en prison se servant de sa propre épée pour l’obliger à marcher, d’ailleurs, il n’est ny ivrogne, ny joueur, il est bon chrétien fort assidu au service, il élève très bien ses enfans en leur donnant toute l’éducation qu’on peut espérer dans un pays aussy éloigné des sciences que l’est l’Isle de Bourbon. Il est sans doutte que cet homme icy prendra un grand soin des pieds de poivriers si on luy en délivre.



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