Victor Riverain ⭐


Extrait du « Mémoire pour servir à la connaissance particulière de chaque habitant de l’Isle de Bourbon, divisés par les quartiers qu’ils habitent » rédigé en 1709 par Antoine Labbé dit Antoine Desforges-Boucher (1679-1725) alors garde-magasin de la Compagnie des Indes en l’Isle de Bourbon (aujourd’hui Île de la Réunion).

Source : Collection MARGRY, relative à l’histoire des Colonies et de la Marine françaises (vue 34).
Transcrit d’après une copie manuscrite du XIXème siècle dans le respect de l’orthographe (à l’accentuation, ponctuation et majuscules près pour une meilleure lisibilité).
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Victor Riverain

Est un homme de 50 ans, venu à l’Isle de Bourbon par un fourban, il y a plus de 20 ans, il y épousa Marguerite Dailliau créole à peu près blanche, il y a eu de son mariage trois filles, c’est le plus beau couple qui se puisse voir que cet homme et cette femme, ils sont tous deux ivrognes, mais leur ivrognerie a deux effets bien différents, c’est que luy, lorsqu’il est ivre, il joue et perd son argent, et ses meubles, il est jureur et menteur au delà de l’imagination et pousse même les juremens jusqu’au blasphème, il a fait des choses énormes, et dont les moindres sont d’avoir cherché le diable pour faire pacte avec luy, et de s’estre voulu immoler luy même, et elle, elle cherche à satisfaire son insatiable lubricité qu’elle rend publique, et surtout la manière dont elle a vécu depuis quelques années, en sont des témoignages si authentiques qu’ils ont esté l’horreur des gens même les plus libertins, et malgré l’humeur emportée de son mary, elle a trouvé le secret de le rendre plus souple qu’un gant, et plus doux qu’un agneau ; on doit juger qu’elle doit estre l’éducation des enfants qui sont élevés par de tels père et mère, cet homme est celuy quy avait pris le marché du tabac mais l’excès de sa fainéantise a fait, que la réussite n’en a pas esté aussy avantageuse à la Compagnie qu’elle aurait dû l’estre, Mr de Charanville a esté même obligé de rompre ce concordat avec luy, pour le remettre entre les mains d’un plus soigneux.
Il n’est pas possible de s’imaginer sans un grand effet de la simpathie, comment on peut chercher à satisfaire sa passion avec un hideux monstre de nature, comme cette femme, car assurément hors la figure humaine qu’elle n’a que très imparfaite, le reste est plustôt d’une beste féroce et maligne que d’un esprit humain, au milieu de toutes ses mauvaises qualités, elle ne laisse pas que d’avoir de l’inclination au travail, c’est elle, qui avec le secours de 3 Noirs et 2 Négresses prend le soin de cultiver son habitation à Ste Suzanne, où elle fait sa récole, et où ils demeuraient il y a quelques années, ils y ont beaucoup plus de terres qu’ils n’en peuvent cultiver, il ont d’argent comptant environ 3 à 400 Ecus qu’elle garde à l’insu de son mary ; ils font à présent leur résidence proche la Rivière St Denis dans un lieu apellé La Plateforme, cet endroit est fort spacieux, et propre à élever quantité de bestiaux, aussy en ont-ils beaucoup. Le nombre est de 25 bœufs, 50 moutons et 3 chevaux. Cet homme ne laisse pourtant pas d’estre obéissant et de faire ce qui luy est ordonné assés ponctuelement, il a eu de bonnes éducations, et il est à croire qu’il est né quelque chose, car il sçait le latin, et a esté bon graveur, sçait fort bien le blazon, mais l’ivrognerie l’a si fort abruty qu’il n’est pas capable à présent de mettre la moindre de routes ces choses en pratique.



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